Chapitre 18

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Leroy Daniels avait trouvé les mots pour motiver ses troupes. Il avait fait pression sur l'équipe chargée de la balistique et leur avait rappelé à quel point c'était important de trouver le type d'arme qui avait tué l'étoile montante April Russell.

Si au départ, l'équipe avait rechigné et protesté, une petite visite surprise du commissaire du département de police dans le local l'avait piqué au vif et à présent, les quatre hommes se penchaient sur tous les modèles d'armes dont ils disposaient pour faire des tests. Ce n'est qu'au bout de longues heures qu'ils appelèrent l'inspecteur pour rendre leur verdict.

- Alors ? Demanda-t-il impatiemment.

L'un des hommes, Benjamin, déposa sur la table un de leurs nombreux pistolets.

- Mauser C96, calibre 9 mm, semi-automatique. Annonça-t-il avec une note de fierté dans la voix.

Leroy arqua un sourcil :

- Ah ? Vous êtes sûrs ?

- Tout à fait. Intervint un deuxième homme, Terry. Nous avons fait de nombreux tests, demandé l'avis de plusieurs armuriers de Chicago et nous sommes unanimes : C'est un Mauser qui a tué votre malheureuse victime.

Leroy se saisit de l'arme. Elle pesait lourd dans sa main. Il la porta à bout de bras et ferma un œil, visant un point dans la salle.

- C'est un modèle rare, non ? Demanda-t-il en redéposant le pistolet sur la table.

- Oui. Marmonna Benjamin, son sourire disparaissant. Nous avons déjà commencé des recherches auprès des armuriers mais aucun n'a vendu de Mauser ces dernières années. Ce n'est pas un modèle fiable qui remporte un franc succès. Elle est déjà plus répandue de l'autre côté de l'Atlantique, en Allemagne notamment. Son armée en avait fait une commande massive pour ses hommes lors de la guerre.

- Etes-vous en train de suggérer que c'est un Allemand qui a tué April Russell ? Un ancien militaire qui plus est ? Demanda Leroy en arquant un sourcil, sincèrement curieux d'entendre la réponse à cette question.

- Pourquoi pas ? Répliqua Terry en haussant les épaules. Ils sont venus en masse quand la guerre a éclaté en Europe. L'un d'eux a peut-être embarqué son Mauser avec lui.

- Tout comme un militaire aurait pu le ramener après la guerre. Déclara Leroy, songeur.

- Mais notre système de fouille est très sévère ! Rétorqua Benjamin. On aurait trouvé un Mauser dans le bagage d'un Allemand, non ?

- Mais personne n'aurait pensé à fouiller le sac d'un militaire américain. Répliqua Leroy.

Un long silence s'abattit sur eux.

- Etes-vous conscient de ce que vous êtes en train de suggérer ? S'étrangla Benjamin. Vous pensez qu'un de nos militaires aurait rapporté un Mauser du champ de bataille ?

- L'idée n'est pas aussi farfelue que vous le pensez. Répliqua Leroy d'un ton détaché. J'ai déjà vu des trophées de guerre bien plus étranges et horribles qu'un pistolet ennemi.

- Si vous le dites. Marmonna Terry, dubitatif.

Leroy observa une dernière fois le Mauser et remonta dans son bureau. Il composa le numéro de téléphone de la suite d'April et la voix de Chelsea Russell lui parvint :

- Oui ?

- Mademoiselle Russell, c'est l'inspecteur Daniels. Comment vous sentez-vous ?

- Fatiguée...Marmonna-t-elle en étouffant un bâillement. J'étais en train de dormir.

- Pas croyable ! S'exclama-t-il, narquois. Et moi qui pensais que vous étiez en train de vadrouiller je ne sais où dans cette ville !

- Pour une fois que je vous écoute...Marmonna-t-elle. Vous allez me révéler la raison de votre appel ou vais-je devoir le deviner ?

- J'y viens. Maugréa-t-il. Mon équipe qui s'occupe de la balistique a fait des essais et connais le model de l'arme du crime.

- Vraiment ?

Il n'y avait plus de trace de sommeil dans la voix de la jeune femme. Leroy sentit qu'elle était attentive à ses paroles et ça le fit sourire, malgré lui. "Cette fille est encore plus curieuse que je ne le pensais !" Songea-t-il.

- Quelle arme devons-nous chercher ? Demanda-t-elle.

- Un Mauser C96 de calibre 9 mm. Mais il n'y a pas de "nous" qui tienne ! Ajouta-t-il férocement.

- D'accord ! D'accord ! S'exclama-t-elle, furieuse. C'est un pistolet étranger, non ? Mauser...ça sonne allemand...

- C'est parce que c'est effectivement un modèle allemand. Répondit-il, légèrement étonné.

- Mauser...ça me dit quelque chose...Murmura-t-elle, songeuse.

- Vous connaissez quelqu'un qui possède un Mauser ? Demanda-t-il d'une voix précipitée.

Allait-il avancer dans son enquête ? Allait-il enfin avoir un suspect ? Allait-il retrouver l'arme du crime et le meurtrier ? Il était à présent suspendu aux lèvres de la jeune femme qui marmonna tristement :

- Mon père nous en avait parlé quand on était petits. Quand il est revenu de la guerre, il avait rapporté un pistolet et je crois que c'est ce nom qu'il lui a donné. Mais il l'a jeté quelques jours plus tard. Il ne voulait plus d'armes à la maison, plus de guerre, plus de souvenirs douloureux. Les compagnons d'armes de mon père n'ont pas tous été comme lui. Certains dorment avec leur fusil sous l'oreiller !

- Votre père a rapporté un Mauser de la guerre et il s'en est débarrassé ?

- Je crois que oui...Il faut que je lui demande.

- S'il vous plaît.

- Vous pensez qu'un ancien soldat a tué ma sœur ?

- C'est une possibilité que je ne néglige pas. Votre sœur avait beaucoup d'admirateurs, peut-être que l'un d'entre eux était un ancien soldat ?

- Peut-être. A moins que quelqu'un d'autre n'ai acheté un Mauser dans une armurerie ?

- Mon équipe a vérifié cette hypothèse. Aucune armurerie n'a vendue de Mauser ces dernières années. Ce n'est pas une arme très appréciée. Mais peut-être que quelqu'un l'a acheté au marché noir. Et ça va considérablement freiner nos recherches.

- Je vois. Je vais poser la question à mon père. Reprit-elle d'une voix plus assurée. Et je vous donnerai une réponse au plus vite.

- Je vous remercie. De mon côté, je vais poser quelques questions auprès de mes hommes infiltrés dans les réseaux de trafic. Si un Mauser a été vendu par ce biais, ils le sauront.

- Bon. Bonne soirée, inspecteur.

- Bonne nuit, mademoiselle Russell.

Il raccrocha le combiné et poussa un long soupire en s'étirant dans sa chaise. Il appellera ses hommes demain matin. Il rouvrit le dossier d'April Russell et se plongea une fois de plus dans sa lecture en se demandant s'il allait réussir à trouver la sortie de ce labyrinthe de questions sans réponses.


Deux SoeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant