Chapitre 26

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- Asseyez-vous. Ordonna-t-il sèchement.

Chelsea obéit sans discuter.

- Votre nom ? Poursuivit-il, comme s'il animait un entretien d'embauche.

- Je me nomme Chelsea. Répondit-elle timidement. Je suis la sœur aînée d'April.

- J'ai cru le comprendre, oui. Répliqua-t-il sèchement.

- Et vous ? Vous êtes ? Osa-t-elle demander.

- Kilian McKinley.

Il se tourna vers Owen :

- Sors. Et cette fois, je ne veux plus être dérangé !

Le jeune homme tressaillit, comme un enfant apeuré. Il s'inclina légèrement et sortit du bureau, visiblement pas mécontent de quitter la pièce.

- Vous êtes un homme strict. Commenta Chelsea après quelques minutes d'un silence glacial.

Un sourire se dessina sur les lèvres du patron, le rendant un peu plus sympathique.

- Je suis parfois dur avec mes hommes. Concéda-t-il sans remords. C'est le métier qui veut ça. Si je me montre trop conciliant, mes hommes et mes ennemis penseront que je suis faible et l'un d'entre eux cherchera à m'évincer. Ce que je ne permettrais pas.

- C'est un peu extrême, non ?

- Personne ne souhaite mourir, mademoiselle Russell. Sauf peut-être vous.

Elle se tendit, angoissée.

- Que voulez-vous dire ?

- Je veux dire que vous êtes entrée, malgré vous je pense, dans un monde dangereux avec des lois dictées par des hommes dangereux. J'ai entendu parler de la fusillade dont vous vous êtes échappée de peu. Ce n'était qu'un simple avertissement mais il n'y en aura pas un deuxième.

Chelsea se sentit nauséeuse.

"La prochaine fois, on ne vous ratera pas."

- Vous semblez être au courant de beaucoup de choses. Chuchota-t-elle à voix basse.

Elle n'osait pas hausser le ton, de peur que cet homme remarque les tremblements de sa voix.

- Je suis au courant de tout ce qui se passe d'illégal dans cette ville. Répondit-il. Et je sais encore bien des choses que vous ignorez.

- Est-ce vous qui m'avez donné cet avertissement ?

- Pourquoi le pensez-vous ?

- Je ne vous fais pas confiance. Et je pense que vous connaissiez April. Je me demande pourquoi ma sœur fréquentait un dirigeant de la pègre irlandaise tel que vous.

Le visage de l'homme se durcit sous l'effet de la colère. Mais il se reprit bien vite. Il se leva et contourna son bureau. Chelsea cru qu'il allait la frapper mais il passa à côté d'elle sans la regarder et se dirigea vers la porte. Il l'ouvrit, regarda dans le couloir et la referma précautionneusement. Il revint s'assoir derrière son bureau et se pencha vers elle.

- Vous êtes encore plus folle que votre sœur. Chuchota-t-il. Si savoir certaines choses peut être dangereux, en parler l'est encore plus. On ne parle pas de la pègre irlandaise, des gangs et du crime organisé. Surtout pas quand on est une femme seule enfermée dans le bureau d'un de ces dirigeants.

- Allez-vous me tuer ? Murmura-t-elle, à nouveau effrayée par la tournure que prenaient les évènements.

- Ai-je une raison de le faire ? Vous venez de la part de qui ? De la police ? D'un de ces italiens aux cheveux gominés ? De Notre Seigneur ? De votre propre initiative ?

- Je suis venue seule...pour découvrir ce qui est arrivé à ma sœur. Balbutia-t-elle qui commençait vraiment à se sentir mal. C'est elle qui a fait ce dessin, je veux simplement savoir pourquoi.

Elle crispa ses mains sur ses genoux pour les empêcher de trembler.

- Je vois...C'est comme ça que l'idée de venir me voir vous est venue ? Demanda-t-il en fronçant les sourcils.

- Oui. Et aussi parce que quelqu'un m'a informé qu'April venait souvent ici.

- Quelqu'un vous a informé...vraiment ? Répéta-t-il sans la quitter des yeux.

Chelsea avait l'impression qu'il la sondait, comme s'il lui ouvrait le crâne pour découvrir ce qu'il y avait à l'intérieur. Il ricana en s'appuyant contre le dossier de sa chaise.

- Vito Vallone. Déclara-t-il avec une moue dégoûtée. C'est lui qui vous l'a dit, n'est-ce pas ?

- Comment le savez-vous ? Soupira-t-elle.

Il était inutile de mentir. Cet homme était très perspicace et lui cacher la vérité n'allait pas l'aider à se sortir de cette impasse. Elle avait été bien sotte d'être venue à Bridgeport et de parler à tort et à travers à ses occupants. Et elle était encore plus sotte de n'avoir pas averti l'inspecteur de sa petite virée chez les Irlandais.

"Idiote, idiote, idiote..."Se répéta-t-elle.

Elle s'en voulait tellement qu'elle ne remarqua pas tout de suite qu'il était en train de lui répondre :

- Vous vouliez savoir ce que votre sœur faisait ici ? Elle travaillait pour moi.

Chelsea manqua de tomber de sa chaise, sous le choc.

- Pardon ? S'écria-t-elle. Ma sœur ? A votre service ?

- En effet. Techniquement, nos lois interdisent que j'emploie une femme. Toutefois, elle avait son utilité en temps qu'espionne.

- Elle...elle espionnait...pour vous ? Balbutia-t-elle, stupéfaite.

- Oui.

- Vous avez fait d'elle...une espionne ?


Deux SoeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant