Deux Soeurs

Chapitre 2.1

La journée semblait s'écouler avec la lenteur d'un escargot. Plus l'heure du rendez-vous approchait, plus Chelsea stressait. La maison était entièrement nettoyée, la collation était prête, Alma avait sorti de l'armoire les plus belles tasses et soucoupes en porcelaine. Il n'y avait plus qu'à attendre que l'invitée tant attendue ne pointe le bout de son nez...

La sonnette finit par retentir dans le hall d'entrée, faisant sursauter Chelsea.

- Vite, Alma ! Pressa-t-elle en rajustant un pan de sa robe.

La domestique alla ouvrir la porte et s'effaça aussitôt pour laisser entrer madame Sullivan.

Chelsea n'avait pas tort lorsqu'elle pensait qu'il ne valait mieux pas la contrarier. C'était une femme d'une grande élégance, au visage osseux et ridé qui dégageait une aura de puissance et d'austérité. Ses yeux bleus et vifs scrutaient ses interlocuteurs sans la moindre expression, ses lèvres fines soulignées de rouge étaient pincées, ses cheveux gris attachés en arrière en un chignon strict et ses longues mains étaient ornées de bagues et se tenaient fermement à sa canne.

Elle ne dégageait aucune bienveillance. Pourtant, quand ses yeux se posèrent sur Chelsea, son visage semblait s'illuminer et ses lèvres esquissèrent un sourire chaleureux.

- Chelsea, ma chérie ! S'exclama-t-elle en venant lui serrer la main d'une poigne de fer.

- Bonjour, madame Sullivan. Salua-t-elle. Je suis très heureuse de vous voir.

- Moi de même, ma chérie. Répliqua-t-elle.

Les deux femmes allèrent dans le salon et s'assirent dans les confortables fauteuils fleuris. Alma vint quelques secondes après, avec les tasses, la théière, le sucrier, le pot de lait et une assiette de biscuits.

La visite de madame Sullivan dura plus de deux heures. Après avoir dégusté quelques biscuits et siroté leur thé en discutant de tout et de rien, les deux femmes entrèrent dans le vif du sujet. Elles passèrent en revue tous les lieux d'excellence qui accueilleraient les quelques deux-cents invités pour l'union de Chelsea et Damian. Tout devait être absolument parfait, du plan de table jusqu'à la robe de mariée en passant par les cartons d'invitation et les amuse-bouches. Elle laissait à Chelsea un large choix mais elle devait respecter une règle d'or ; tout devait être parfait. Aux yeux de la jeune fille, ça tombait sous le sens.

- Et il est évident que votre robe de mariée couvre vos épaules. Ajouta madame Sullivan en se resservant d'un biscuit.

- Evidemment. Rétorqua-t-elle d'un air entendu.

- Vous l'avez déjà commandée ?

- On a pris mes mensurations et j'ai choisi le tissu et la dentelle.

- De la dentelle ? Quelle bonne idée ! S'exclama son invitée. Vous avez décidément beaucoup de goût !

- Je vous remercie.

La sonnette retentit une nouvelle fois dans le hall d'entrée. Chelsea reposa sa tasse, les sourcils froncés. Elle n'attendait pas d'autres visites. Madame Sullivan fit un signe de main lorsqu'elle se leva :

- Ne vous inquiétez pas, ma chérie. C'est sûrement Damian. Il était censé venir me chercher à dix-sept heures.

Elle jeta un coup d'œil à la pendule qui indiquait à peine quatre heures quinze. Elle sourit :

- De toute évidence, il est impatient de vous revoir.

- Ce n'est peut-être pas lui. Objecta Chelsea en rosissant.

Elle entendit Alma ouvrir la porte d'entrée. La domestique entra ensuite dans le salon, accompagné d'un jeune homme.

- Qu'est-ce que je vous disais ? Répliqua madame Sullivan.