Chapitre 32

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C'était comme si une pierre tombait dans l'estomac de Chelsea. Son propre frère allait-il avouer le meurtre ? Il était évident qu'il n'avait pas la conscience tranquille, qu'il lui cachait quelque chose. Elle jeta un bref coup d'œil à la vitre derrière laquelle l'inspecteur Daniels était posté. Il s'était rapproché de la vitre et toute son attention était focalisée sur Victor. Son suspect allait-il avouer ? Allait-il clore cette affaire ?

Mais Chelsea refusait toujours de croire que Victor aurait pu tuer April. C'était impossible, tant c'était monstrueux. Elle ne pouvait se résoudre à cette idée.

- Je suis désolé, Chelsea. Poursuivit-il dans un murmure. Tu risques de ne pas apprécier ce que je vais t'avouer...

Elle plaqua une main sur sa bouche, horrifiée.

- Mon Dieu ! S'écria-t-elle. Alors c'est vrai ? Tu as tué April ?

Elle sentit les larmes monter aux yeux sans qu'elle parvienne à les refouler. Elle contempla, tremblante, son frère aîné qui refusait de croiser son regard.  

-  Bien sûr que non ! Protesta-t-il sans lever les yeux vers elle. Je n'aurais jamais fait de mal à April, malgré tous nos désaccords. Je n'ai pas l'intention d'avouer un crime que je n'ai pas commis.

Chelsea prit une grande inspiration pour se forcer au calme et passa une main impatiente sur ses yeux pour en chasser les larmes.

- Peux-tu tout me dire...s'il te plaît ? Murmura-t-elle.

Son frère soupira :

- Je vais t'expliquer. Pour l'arme, c'était une bêtise de gosse. Après que père l'ait jeté, je l'ai récupéré et je voulais m'en vanter devant les copains. Mais je n'ai jamais eu l'occasion de le faire parce que j'avais peur que l'un d'entre eux cherche à me le voler. Alors je l'ai gardé dans mes affaires. Le temps a passé et j'ai gardé l'arme quand j'ai quitté la maison. Pour moi, ça me semblait normal. Mais je ne l'ai jamais utilisé, même pour tirer sur les pigeons.

- Donc la police ne va rien découvrir sur cette arme ? Demanda-t-elle.

- Non. Ça fait douze ans qu'elle n'a plus servie, même si je la nettoyais de temps en temps.

- Je ne te croirai que lorsque la police le prouvera.

- Elle aura beau chercher, elle ne trouvera rien. Répliqua-t-il d'un ton buté. Pour ce qui est du reste...

Il lança un regard éloquent aux autres preuves étalées sous ses yeux.

- Le bracelet, c'est moi qui l'ai acheté. Et c'est moi qui ai écrits ces menaces. C'était stupide.

- Pourquoi ? Demanda Chelsea. Pourquoi tu as acheté ce bracelet pour April ?

- En fait...ce n'est pas pour elle que j'ai acheté ce cadeau. Marmonna-t-il, soudain très mal à l'aise.

Chelsea arqua un sourcil :

- Ce n'était pas pour April ? Pour Grace, alors ?

- Non plus...

Elle lui lança un regard interrogateur mais il n'ajouta rien. Elle tenta de lire sur son visage la vérité qu'il lui cachait. Soudain, une lueur de compréhension s'alluma au fond de son esprit. Elle recula dans sa chaise, effarée.

- Ne me dis pas que...c'est pour une autre femme ? Tu as...tu as une maîtresse ?

Victor poussa un long soupir, toujours sans la regarder.

- Mon Dieu ! S'exclama-t-elle, atterrée. C'est impossible ! Pas toi ! Tu as toujours aimé Grace, vous êtes heureux...vous allez avoir un enfant...Je n'arrive pas à le croire !

- Je l'aime toujours. Marmonna-t-il. C'est simplement que...depuis qu'elle est enceinte, Grace est...disons que ce n'est plus pareil. On passe beaucoup de temps à se disputer, le moindre sujet futile se transforme en déclaration de guerre. Je rentre de plus en plus tard le soir pour éviter les disputes, je bois beaucoup plus qu'avant. Et c'est en étant dans un état très alcoolisé que j'ai rencontré cette femme. Je sais ce que tu te dis. Ajouta-t-il en voyant l'expression de Chelsea. Je sais que ce n'est pas une excuse. Mais pendant quelques temps, je me suis senti mieux. J'étais bien avec elle.

- Et...c'est pour cette...femme que tu as acheté ce bijou ? Demanda Chelsea d'une voix hachée.

- Elle aimait les bijoux. Je voulais lui faire plaisir. Pour ce que ça m'a servi...

- Elle t'a quittée juste après ?

- Oui. Disons que je n'étais pas le seul homme à lui porter une attention particulière. Grimaça-t-il. Elle en a trouvé un autre avec qui s'amuser et elle m'a quitté. Elle avait aussi découvert que j'étais marié. Quand elle m'a annoncée notre rupture, je...je me suis montré insistant. Je ne voulais pas qu'elle parte. Elle a menacé de tout raconter à ma femme si je ne l'a laissais pas tranquille.

- D'où la lettre de menace retrouvée chez toi. Déduit Chelsea.

- C'était stupide. Admit-il. J'étais en colère quand j'ai écrit cette lettre. Mais je ne l'ai pas envoyé. J'ai lâché l'affaire et je n'y ai plus repensé.

- Et comment expliques-tu que ce bracelet se soit retrouvé autour du poignet d'April ?

- Comment pourrais-je le savoir ? Peut-être que ma maîtresse connaissait April et qu'elle lui a offert le bracelet ? Peut-être qu'elle l'a vendu et qu'April l'a racheté ? Peut-être qu'elle l'a jeté et qu'April l'a trouvé par hasard ? Qu'en sais-je ? Ce n'est pas moi, l'inspecteur.

- Ça fait beaucoup de "peut-être".

Chelsea se leva de sa chaise. Victor eut un sursaut de panique.

- Tu vas lui dire ? A Grace ? Demanda-t-il.

Pour la première fois, Chelsea regarda son frère sans la moindre admiration. Elle poussa un long soupir triste :

- Ce n'est pas à moi de lui dire ça. J'espère que tu assumeras ton erreur. Peut-être que Grace te pardonneras...un jour.

- Et toi ?

Elle hésita.

- Peut-être.

Elle s'avança vers la porte et se retourna vers son frère une dernière fois :

- Quel était le nom de cette femme ?

Il baissa la tête sur ses mains. Lorsqu'il répondit, sa voix n'était qu'un murmure :

- Elle s'appelait Rita.


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