Chapitre 26

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   Pendant quelques minutes, un silence de mort envahit la petite chambre. Je m'imaginais chaque scène se déroulant comme un long film tragique et plein de rebondissements, chaque sentiment que le démon avait pu ressentir, en passant aussi bien par la joie que par la détresse, la fin où cette jeune femme tant aimée et désirée perd malheureusement la vie, cela me rappelle que la vie est courte et se termine dans les larmes. En revanche, je ne peux compatir face aux événements que le démon a vécus dans cette légende, je ne peux compatir avec lui. Les raisons? Elles sont pourtant évidentes: il ne fut et n'est pas et ne sera sans doute jamais une bonne personne, il a tué et détruit la vie de beaucoup d'autres, il leur a enlevé un avenir qui aurait pu alors être une suite d'heureux événements pour beaucoup de femmes, il repend la terreur dans ce monde. On ne peut compatir avec un monstre pareil, un monstre qui détruit la vie d'autrui et celle de ses propres fils.

   Je garde mes yeux rivés vers le sol, j'ose à peine croiser celui de Nyséa. Une forte impression me laisse penser qu'elle est en ce moment même en train de scruter toute réaction venant de moi. Je suis plongée dans un état que je qualifierai de second. Effectivement, je ne cesse de penser à la tout fin de l'histoire, quand on en vient à parler des enfants du démon. Je ne cesse de faire un rapprochement entre moi et Faustian. Mais j'ai encore ridiculement peine à croire en cela. Comment cela peut-il être possible?

   Mais pourtant... Ne suis-je pas comme cette jeune femme..? Faustian dans la légende est un démon puissant... Cela expliquera beaucoup de choses... Si mon Faustian est bien le fils de ce démon, sa force viendrait d'un des pouvoirs reçu de son père à sa conception... Aussi le fait que notre rencontre se soit faite assez rapidement... Et de se baiser qu'il m'a délibérément offert me permettant de comprendre et parler la langue de ce monde qui, pourtant, ne doit sans doute pas être universelle et qui est complètement différente de la mienne... Mais sommes-nous vraiment la génération censée détruire ce monde? Je ne comprends pas, ce n'est pas possible! Mais si c'était le cas... J'ai déjà cité plusieurs éléments qui montrent que le cas échéant ne peut être autrement... Il n'y a pas d'autres explications, même si cela paraît complètement fou... Peut-être suis-je morte ce jour-là, quand la voiture m'a fauchée... peut-être que je me trouve dans le coma et que tout ceci est le fruit de mon imagination qui divague... Pourtant je n'en ai pas l'impression, la douleur quand je ne suis foulée la cheville, quand je suis tombée, la chaleur que j'ai ressentis, le froid du soir, les sentiments que j'ai pu avoir... Tout cela était bien réel, je l'ai vraiment vécu, sentis! Mais dans ce cas, si tout cela est réel, si je suis bien la fille ce cette légende, si Faustian est bien le fils du puissant démon portant le même nom... Les raisons qu'il a eu de me garder sous son aile... Je comprendrai mieux pourquoi il a été poussé à me garder en vie...

   Une sombre émotion me submerge, une forte émotion mélangeant détresse et tristesse. Le fait de connaître les raisons qui ont poussé Faustian à me garder auprès de lui me plonge dans un réel désespoir. Je n'étais donc pour lui rien de plus qu'un fardeau, je le pensais avant, mais après cette histoire je me rends compte que je suis celle qui peut être capable de détruire sa vie en perdant la sienne, de détruire sa vie en restant auprès de lui. De détruire sa vie en le laissant dans une continuelle peur qu'on jour je pourrai faire de lui un monstre qu'il se tourmente de devenir. Peut-être me déteste-t-il pour cela...

   Pourtant, il subsiste au fond de moi un réel sentiment, celui que Faustian ne me déteste pas vraiment... Même si je suis celle qui peut, du jour au lendemain, devenir la chose qu'il haït le plus, le faire basculer vers un sort des plus abominables, je sais à la façon dont il me regardait qu'il ne pouvait me détester. Même à sa façon de me parler et de se comporter avec moi. Peut-être qu'il devait même s'en vouloir de ne point me haïr.

FaustianOù les histoires vivent. Découvrez maintenant