Faustian

Chapitre 28

   Merde, merde, merde!! Il faut qu'il se calme, il faut qu'il arrête! Pas devant moi, pitié, pas devant moi!

   Je perds le contrôle de la situation, les cris du garçon me fendent le cœur, je ne sais que faire... Si j'interviens, Faustian tuera-t-il le garçon rapidement avant de s'en prendre à moi? Il y a des chances que ce soit le cas. Mais peut-être laissera-t-il le garçon s'en aller si j'interviens. Je sais qu'il ne veut pas le faire, qu'il ne pourra le supporter quand il reviendra à lui. Peut-être arriverai-je à le ramener à la raison! Mais je dois me rendre à l'évidence: si je reste ici à ne rien faire, le garçon y laissera la vie à coup sûr. Je ne peux pas savoir quelle réaction aura mon ami tant que je n'aurai pas essayé quoi que ce soit. C'est un autre cri de l'enfant qui me ramène aussitôt au moment présent, à ce qui est en train de se dérouler devant moi, me sortant de mes pensées.

   -Stop! Hurlai-je aussi fort que possible.

   Pendant un moment, j'ai l'impression que le temps s'arrête autour de moi. Mon cœur pourtant, lui, continue de battre et battre encore. Je n'entends plus que lui frapper à mes oreilles, que le son inlassable de ce tambourinement à mes tympans. Je ne peux voir que le dos de cette nouvelle apparence que possède maintenant Faustian. De ses ailes noires et puissantes sur lesquelles converge mon regard. J'ai beaucoup de mal à me mettre en tête que ce n'est personne d'autre que lui devant moi. Je ne peux me tromper après avoir vu ses cheveux qui me sont si familiers.

   Mais quelque chose finit par attirer mon attention, les muscles de son dos semblent se décontracter. Une lueur d'espoir nait en moi quand je me mets en tête qu'il est sûrement en train de prendre conscience de la situation dans laquelle il se trouve. Mais une pointe de doute mêlé à de la peur prend le dessus sur cette petite flamme. Va-t-il supporter tout le malheur qu'il a commis ici? Je rentre dans un nouvel état de stress que je ne peux que garder en moi. Je ne dois affoler personne ici, et encore moins Faustian. Je dois rester maître de mes émotions, surtout dans une situation pareille.

   Brusquement, l'enfant que Faustian tient toujours entre ses mains arrête de crier. Pendant un moment je me demande ce qui peut bien se passer devant moi, de l'autre côté du large dos de mon ami. L'enfant est-il toujours en vie? Un soulagement intense me vient que j'entends clairement l'enfant renifler avant de se remettre à pleurer. Il est toujours en vie et Faustian ne doit sans doute plus lui faire mal, enfin, c'est ce que je pense. Mais je ne peux pas rester là, je reprends d'une voix ferme:

   -Faustian! Arrêtes-toi! Pose-le maintenant!

   Un doute intense sur ses intentions me submerge quand je me mets à m'imaginer ce à quoi Faustian peut penser. Que va-t-il faire? Qu'a-t-il en tête? Va-t-il faire une chose qu'il va regretter dans un avenir proche? Et... Je m'enfonce dans mes pensées, je me pose maintes et maintes questions au sujet de son état d'esprit. Mais je tente aussitôt d'effacer les multiples idées toutes plus horribles les unes que les autres, je ne peux pas m'appuyer sur quelque chose dont je ne suis pas sûre. On ne peut fonder nos pensées et nos réflexions sur quelque chose qu'on ne peut comprendre. Je ne peux pas comprendre quelque chose que je ne peux pas voir. Je ne peux pas comprendre ce qu'il a en tête, surtout sous cette forme, et il ne fait aucun signe extérieur qui pourrait m'indiquer un quelconque état d'esprit ou geste qu'il pourrait commettre.

   Mais je sens que quelque chose ne va pas. Tout ce dont je m'aperçois, c'est que Faustian n'a pas bougé depuis que je suis intervenue. Je me penche, non sans crainte, pour mieux voir ce qu'il se passe de l'autre côté de ces ailes qui gênent ma vision. C'est là que mon cœur, qui battait déjà avec un grand affolement, semble un instant louper un battement: l'enfant ne se trouve plus entre les mains de Faustian, mais dans ses bras. Je tends l'oreille pour faire attention à tout bruit venant de l'enfant et ma peur se fait plus grande quand je m'aperçois que l'enfant ne pleure même plus. À dire vrai, il ne fait plus aucun bruit.