Chapitre 44

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Après ce long récit, l'atmosphère s'emplit d'un lourd silence. Je ne sais pas de quelle manière réagir, c'est à peine si j'ose regarder dans la direction de mon ami. Je peux imaginer aisément quelle lueur brille dans ses yeux après avoir partagé une telle histoire. Comment dois-je me comporter avec lui ? À quelle réaction s'attend-il ? Mais une chose est sûre, je ne reviens pas sur ce que j'ai dit plus tôt, je ne peux pas lui en vouloir. Et puis qui pourrait lui en vouloir, en-dehors de lui-même ? Il est certain qu'il n'a rien à se reprocher, compte tenu de ce qu'il vient de raconter. Si sa naissance et son existence sont à l'origine du malheur de sa mère, ils ne sont en aucun cas une chose qu'il peut se reprocher. Ce n'est pas lui qui a décidé de tout ça, il est simplement venu au monde comme vient n'importe quel enfant, sans savoir quelle vie l'attendait. Malgré tout, à ses yeux, ces deux choses deviennent un poison. Son histoire me laisse plus triste qu'elle me met hors de moi. Je me sens mal, de plus en plus mal. Mal de l'avoir, au fond, poussé à me raconter son passé.

Ses mains cachent son visage, comme s'il essayait de se dérober, de dissimuler l'expression de ses sentiments. Quant à moi, je ne peux détacher un moment le regard du mur qui me fait face. Est-il en train de pleurer ? Cache-t-il sa colère ? Une expression douloureuse peut-être ? Le temps passe petit à petit et je suis malade de ne rien pouvoir faire d'autre que de le rester ainsi dans le silence. Et encore une fois, je prends conscience du fardeau que je dois représenter en restant avec lui. Je suis incapable de me protéger, incapable de réagir dans une situation comme celle-ci. Pis encore, je le pousse même à tuer. À cause de ma constante présence à ses côtés, j'imagine aisément l'angoisse qui doit le ronger, le remord qu'il doit ressentir. Et même s'il n'osera jamais me l'avouer et se l'avouer lui-même, au fond, il aurait sans doute dû me tuer ce jour-là, me laisser en proie à ses monstres. Ainsi, toute cette escapade, toute cette souffrance aurait pu prendre fin. Mais je suis là et il nous est maintenant impossible à tous les deux d'abandonner. Il faut que nous puissions arriver à bout de ce long périple. Nous devons mettre fin à cette vie qu'il n'a jamais souhaitée. Pour le moment, il faut arriver à le consoler en commençant par rompre ce long silence.

-Je peux comprendre la raison pour laquelle tu peux te sens mal... Enfin, pas entièrement. En fait, non, je ne comprends pas du tout ! Quelle faute as-tu commise ? Tu as fait tout ton possible pour la sauver, c'est elle qui ne le voulait pas. Bien avant cet incident, elle s'était déjà résolue à la mort... Tous tes efforts n'auraient jamais pu porter leurs fruits ! Tu n'as pas à t'en vouloir, pour quoi que ce soit ! 

-Non, tu fais fausse route ! Moi aussi, j'ai pensé un temps que j'étais innocent, qu'elle avait abandonné la vie dès l'instant où elle comprit qu'elle avait tout perdu ! J'ai même accusé maintes fois mon père de tout le malheur qui nous a frappé, tous deux ! Mais au bout du compte, ma conscience a pris le dessus... Si j'avais vraiment souhaité son bonheur, j'aurais dû m'enfuir et la laisser vivre une nouvelle vie ! La pousser à partir de cette ville qui la méprisait depuis déjà des années ! Tu ne comprends pas ? J'ai tué ma mère ! Je l'ai laissé mourir ! Et peut-être qu'au fond, le jour de l'incendie, j'ai souhaité qu'elle disparaisse...

-Arrête ! Je refuse de t'entendre dire des choses comme ça ! Tu le sais ! Tu sais que tu n'as pas voulu la laisser mourir, que c'est elle qui attendait que ses peines prennent fin ! Elle avait depuis longtemps abandonné l'idée d'une vie heureuse ! Sinon elle aurait fait tout son possible pour se reconstruire une nouvelle vie, chercher le bonheur auprès de quelqu'un d'autre ! Mais ce n'était pas le cas ! Elle est restée sans rien faire d'autre que de ruminer ses peines ! Et puis qu'est-ce que tu aurais pu faire pour l'aider ? Tu n'étais qu'un enfant ! Tu n'avais que huit ans ! 

-Un enfant, hein ? C'est facile de dire que je n'étais qu'un enfant ! Comme si cela pouvait pardonner ce que j'ai pu faire ! Je te rappelle que j'avais déjà du sang sur les mains à cette époque ! Je n'étais pas aussi innocent que le sont les autres enfants ! J'avais déjà un pouvoir immense à cette époque, il aurait pu m'être utile pour lui venir en aide ! Mais elle est morte aujourd'hui, et tout ça par ma faute ! Si je n'avais pas été là, si je n'avais jamais fait partie de sa vie, peut-être aurait-elle trouvé ce qu'elle avait toujours souhaité... Je l'ai laissé mourir... Finit-il par dire.

FaustianOù les histoires vivent. Découvrez maintenant