Chapitre 36

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   Son large sourire éclatant me semble un court instant surjoué, voire irréelle quand ses yeux se posent sur mon ami. Elle ne semble pas gênée de lui faire comprendre à quel point il lui plaît. Elle ne le quitte pas des yeux, au point que j'en viens à me demander si elle a remarqué ma présence à ses côtés. Bien que je puisse comprendre que face à un homme aussi beau, ma présence puisse s'en retrouver facilement éclipsée. Elle vient rapidement à sa rencontre sans perdre ni son sourire, ni son regard écœurant. Quant à moi, je ne la quitte pas des yeux non plus, je lui jette même un regard désapprobateur, mais elle ne semble pas l'avoir remarqué. La jeune femme au corps élancé et aux formes généreuses s'approche rapidement de nous jusqu'à se planter devant lui. Elle l'attrape par le bras et l'entraîne avec elle dans la salle voisine. Il l'arrête dans sa course avant de se tourner dans ma direction.

   -Viens, dit-il sans laisser dégager ne serait-ce qu'une simple émotion.

   Pourquoi se montre-t-il si froid? Peut-être est-ce la meilleure solution que nous avons pour ne pas nous attacher l'un à l'autre... Mais pourquoi cela a-t-il tant d'effet? Quel est ce sentiment qui m'opprime la poitrine?

   Avant même d'écouter ma réponse, il se laisse emporter au bras de la jeune femme jusqu'à l'entrée de la pièce attenante, sans guère prendre plus longtemps la peine de vérifier si je le suis. Mon cœur se serre quelque peu en le voyant s'éloigner de la sorte. Je finis par le suivre à contrecœur. Mais ce qui m'énerve le plus c'est que la jeune femme se permette de le toucher avec une si grande facilité sans qu'il ne trouve rien à dire. Je n'aime pas l'idée que quelqu'un que je ne connais pas le touche de la sorte. Alors qu'on le fasse juste sous mes yeux m'énerve au plus haut point. Et cette colère, je la sens bouillonner dans mes veines et gronder dans mon fort intérieur. Mes joues rougissent. Je pénètre après eux la petite salle à pas rapides. Faustian se trouve plus loin, la jeune femme semble en pleine conversation avec lui. Ce que je remarque en premier lieu c'est qu'ils se tiennent toujours par la main. Je détourne mon regard et fais semblant de m'intéresser à des livres à ma droite, je ferme les yeux le temps de revenir à moi.

   C'est après, en les ouvrant de nouveau, chassant de mon esprit toutes ces noires pensées, que je prête plus grande attention à la pièce dans laquelle nous nous trouvons. La salle est illuminée par deux trous dans le mur et teintée de couleurs par les innombrables voiles, tulles et draps devant ces mêmes fenêtres, recouvrant les murs. La pièce est délicatement recouverte d'une teinte pourpre offerte par ces même voiles colorés. Les meubles aux formes peu communes et bariolés, les bibelots et autres tissus les recouvrant, ces piles impressionnantes de livres, ces fauteuils et chaises tout aussi excentriques ainsi que tous les fils perlés qui tombent du plafond donnent à cette pièce un côté féérique et extraordinaire. Mais toutes les piles d'innombrables de livres attirent mon regard curieux. Les reliures vieillies et abîmés aux couleurs ternes poussent mon appétit de les ouvrir pour en voir leur contenu.

   Tous ces livres... C'est extraordinaire... Comment se les a-t-elle procuré? J'ai irrésistiblement envie de les ouvrir... C'est sans doute avec tous ces livres qu'elle acquiert autant de connaissances sur les légendes et toutes les histoires de ce monde... Mais si elle les a bien tous lu, elle doit sans doute être un puits de connaissances... Mais autant de livres... Où a-t-elle pu se les procurer?

   Doucement, avec grande hésitation, je m'aventure davantage dans la salle, mes yeux se baladent un peu partout de nouveau. Mon attention finit par se poser sur un petit tas de livres posés plus loin. Mes jambes ont alors bougé d'elles-mêmes, sans que je m'en aperçoive. Je tends la main et marque un temps d'arrêt, mais je finis par toucher du bout des doigts la surface rugueuse en cuir des livres. La couverture des livres est différente lorsque je passe d'une livre à l'autre. L'un peut être rugueux comme l'autre peut être lisse par l'usure. Passant de cuir usé à mou, rappant. Mon regard, qui se baladait sur les livres, finit par se poser sur un d'entre eux en particulier. Il n'est pas si différent des autres, il est plutôt banal même, en cuir noir avec des reliures et des symboles dorés. Il se trouve un peu plus loin, malgré sa taille relativement petite, il attire mon regard. Je ne sais pour quelle raison, mais mon corps bouge de nouveau tout seul. Et plus je m'en approche, plus il me semble attrayant. Mais au moment où me m'apprête à m'en saisir, une ombre passante sur ma droite l'attrape avant moi avec une telle rapidité que je ne peux m'empêcher de sursauter, retenant tout juste un cri de surprise. La jeune brune se tient à côté de moi, le livre dans les mains. Je la regarde les yeux ronds, je ne l'ai pas entendu venir. Elle m'adresse un grand sourire. Mais pour une raison que j'ignore, celui-ci m'agace. Je me tourne et cherche mon ami du regard. Je le trouve un peu plus loin, assis à une table. Son regard est pointé dans notre direction. Je sens alors mon sang me monter aux joues. Mais lorsque je regarde de nouveau dans sa direction, je remarque que ces yeux sont non pas posés sur moi, mais sur la jeune femme à mes côtés. Mon cœur se serre. C'est le moment précis où son regard croise enfin le miens, mais contre toute attente, il détourne le regard aussitôt. Mon cœur manque un battement, une fièvre inconnu monte alors en moi, mon sang bouillonne plus qu'auparavant dans mes veines. C'est le moment précis que choisit la jeune femme pour me parler.

FaustianOù les histoires vivent. Découvrez maintenant