Faustian

Chapitre 38

   Nous restons comme nous sommes quelques minutes encore. Je ne sais quoi dire de plus ni comment réagir après mes mots. Son regard reste le même; toujours aussi doux et triste. Quelle est cette mélancolie qui le ronge de l'intérieur? Je n'arrive pas à le quitter des yeux, et l'image de son visage restera sans doute gravé dans ma mémoire à jamais. Qui pourrait oublier cette douloureuse expression? Son regard triste? Son sourire consolateur? Ses yeux ne me quittent pas. Il me presse de nouveau fort contre lui avant de passer chaleureusement sa main dans mes cheveux, dans un mouvement réconfortant. Je ferme les yeux, profitant de sa chaleur et de sa tendresse. Sa main glisse ensuite dans mon dos, me faisant agréablement frissonner. Il finit par s'écarter de manière à ce qu'il puisse me regarder dans les yeux. Sa main vient délicatement se poser sur ma joue.

   -Tu n'es pas une gêne, Rose, me dit-il gentiment.

   Je reste interdite. La douceur et la chaleur qui se dégage de lui, ainsi que ses tendres mots, me déstabilisent quelque peu. Comment peut-il rester si affectueux avec moi? Je ne suis rien pour lui, une simple étrangère, un danger pour l'homme qu'il aimerait être. Pourtant... Que signifie ce regard? Ce regard profond qui m'enflamme et qui s'empare de moi? Pourquoi cette main qui me touche, la fièvre qui s'en dégage, les frissons qui me parcourent... Pourquoi m'empoignent-ils le cœur à ce point? Pourquoi cette douleur est si agréable et terrifiante? Doux cœur, mon doux cœur, ne t'emballe pas, je te l'interdis. Mais comment le pourrait-il devant son regard insistant.

   -Je... C'est vraiment gentil de ta part de vouloir me réconforter... Mais je sais bien que je suis trop faible... Trop faible pour pouvoir tenir dans ce monde. Trop faible pour pouvoir t'aider... Je dois apprendre à me défendre. Peut-être qu'un jour tu ne seras pas là pour me sauver. Dans ce cas, je serai seule face au danger. Auparavant, je n'avais jamais eu affaire à tant de violence, à tant de tristesse. Mais ici... Tout est différent... Avant de me retrouver ici, un homme m'a agressé. Il avait pour intention de me voler mon argent, tout simplement. Mais rien ne s'est passé comme prévu... Je lui ai couru après pour le rattraper, sans même réfléchir aux conséquences qui pouvaient s'ensuivre... Et tout s'est passé rapidement... C'était idiot de ma part, il était évident que je n'aurai pu lui faire face. Il était bien trop grand et bien plus fort que moi. Il m'a bousculé et... Je suis tombée sur la route et tout ce dont je me souviens après cela, ce sont le son strident des pneus crissant contre le béton et de la voix de cet homme... Ensuite, j'ai perdu la vue, tout est devenu noir. Je me suis réveillée ici, dans ton monde... Je n'avais jamais eu affaire à une telle situation, et je n'aurai même jamais imaginée être si faible... C'était la première fois que j'avais affaire à l'agressivité dont peut faire preuve l'homme. Et ici, la violence est partout. Je n'aurai jamais pensé apprendre à me battre avant. Ça ne m'aurait même jamais traversé l'esprit. Malgré certains problèmes, mon enfance à tout ce qu'il y a de plus joyeuse, de plus simple et chaleureux. Et tout cela m'a conformé à devenir ce que je suis aujourd'hui; un être faible. Mais les choses changent... Et depuis que je me trouve ici, je ne suis rien d'autre qu'un poids de plus pour toi. Je suis ton Contrôleur, celle qui t'apporte tous ces ennuis...

   -Tu es aussi ma seule amie ici, ne l'oublie pas. Mais pourquoi vouloir changer? Tu représentes tout ce que je désire, tout ce que j'ai toujours voulu avoir. Tu es à mes yeux ce que représentent l'innocence et la bonté... Tu penses toujours aux autres avant de penser à toi... Alors je ne veux pas te voir changer... murmure-t-il.

   -Je pense aussi à moi, tu sais? Et avant tout, je suis celle qui doit te détruire... Ma simple mort ou encore rien que le fait d'être en danger peut faire de toi ce que tu redoutes le plus, alors je dois apprendre à me protéger. Le danger est partout, nous ne pouvons pas l'oublier.

   Je me sens rapidement gênée par la tournure que prend la conversation et tente de lui cacher mon visage. Je baisse la tête, fuyant son regard, avant de me recroqueviller. J'ai de plus en plus de mal à retenir ma voix de se briser. Ce n'est pas tout, alors que je lui parlais, un voile est apparu pour assombrir de plus en plus ses yeux. Mes derniers mots semblent l'avoir presque éteint.