Faustian s'est raidi. Les mots de la femme à la table voisine semblent l'avoir ébranlé. Je ne cherche pas à en comprendre les raisons, pas pour le moment en tout cas. Qu'est-ce qui peut me laisser penser que je réussirai à obtenir une réponse... Il me cache encore beaucoup de choses. Mais sur ce sujet ne repose pas mon attention. Ce qui attire le plus ma curiosité, c'est la perplexité qui se dessine sur son visage et la manière si subite qu'il a eu à retirer sa main. Mon regard reste rivé sur lui un moment, un regard sans doute trop appuyé. Lorsque je m'en rends compte, je détourne les yeux et imagine facilement qu'il pourrait paraître étrange de le fixer de la sorte alors que nous ne nous échangeons aucun mot. Il est certain que deux individus qui se terrent dans le silence, avec une expression comme la sienne sur le visage, attire l'attention. Enfin, c'est l'idée que je peux avoir d'un tel tableau. Je ne comprends pas la manière qu'il a de se comporter et le plus curieux, c'est qu'il ne semble pas s'apercevoir qu'on peut facilement lire son oscillation sur son visage. Que lui arrive-t-il ?
Nous finissons de boire silencieusement notre soupe froide. Je prie tout bas pour ne pas avoir l'air suspecte, et j'espère que personne ici n'a pu interpréter notre mutisme d'une manière préjudiciable. Nous finissons de manger avant de regagner notre chambre. Je dois avouer que je suis à la fois épuisée après les derniers jours passés, et agitée après cette longue tirade tenue par la femme, qui m'a quelque peu énervée. Faustian ne semble pas aller bien, lui non plus. Il reste muet et blême. Mais quelque chose au fond de moi me laisse pensive, malgré que je ne puisse lui poser aucune question.
À peine arrivée dans la chambre, je m'excuse et lui annonce que je pars me laver. Je profite de cet instant pour me décrasser et me vider la tête. J'attendais ce moment depuis longtemps, mais étrangement, je n'en profite pas comme j'aurai pu le penser. Je regagne aussitôt dans la chambre après avoir fini. Lorsque j'en franchis le seuil, je ressens un pincement au cœur à la vue de mon ami, assis sur son lit, l'air grave. Je ne sais pas s'il s'est aperçu de mon retour. Mais cette scène pitoyable me serre le cœur.
-Faustian, tu peux te laver à ton tour. L'eau est encore tiède, lui dis-je.
Il me regarde avec surprise, mais garde ce même air de perplexité. Comme s'il venait de comprendre ce que je venais juste de lui dire, il se lève pour sortir de la chambre, toujours muet. Je reste debout un moment, plantée au milieu de la chambre, le regard rivé sur la marque laissé par mon ami sur le lit, là où il était assis. Je gagne le mien et m'y allonge. Au bout d'un moment, ne sachant que faire, je décide de sortir de la chambre. Je me promène pour faire le tour de l'auberge, ce qui ne prend guère plus de cinq minutes, avant d'en sortir. La nuit est tombée depuis maintenant quelques heures, la lumière, qui vient de l'intérieur de l'auberge, n'illumine que très peu ce qui se trouve à proximité des fenêtres. Le manque de visibilité me permet de mettre tous mes sens en alerte. Je fais attention au moindre bruit, au moindre mouvement dans la rue, ne pouvant chasser de mon esprit la présence des gardes qui patrouillent là, quelque part. Je m'assois sur le perron et laisse mes pensées divaguer au rythme de rafale de vent. Ce que nous a appris cette femme, au cours de la soirée, me revint en tête et réussit à me mettre quelque peu dans l'embarras. Elle a trop parlé. Bien trop. En dehors de ses aventures qui lui ont permis de récolter toutes ces informations, le fait qu'elle ait parlé sans réfléchir de sujets inquiétants et de personnes anonymes, dont elle ignore même le visage, me donne un arrière-goût d'amertume. Ce qui me laisse le plus acerbe, c'est sans aucun doute l'effet qu'elle a réussi à produire chez mon ami. Est-ce parce qu'elle a rappelé devant tous la légende du Destructeur ? Non, ça ne semble pas venir de cela, il était déjà déstabilisé avant qu'on aborde le sujet. C'est que ce qui a été dit plus tôt qui semble l'avoir agité. Je ne sais pas si je dois réellement chasser cette partie de la discussion de mon esprit ou, au contraire, la garder quelque part dans un coin de ma mémoire en attendant le moment où j'en apprendrai davantage.
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Faustian
FantasyRose est une jeune fille comme les autres. Elle mène une vie ordinaire, et n'a jamais connu le moindre bouleversement. Pourtant, chaque soir, celle-ci fait un rêve. Toujours ce même rêve qui ne change jamais. Elle est allongée dans l'herbe, à l'abri...