Chapitre 40

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   La silhouette brisée continue de se tortiller douloureusement. Là, à l'ombre des frondaisons, sous la cime de multiples arbres que l'obscurité veut éloigner du regard, se tient un être qu'il serait bien difficile de qualifier d'humain. C'est avec grande peine que j'ose faire un pas dans sa direction, mon imagination me poussant à m'imaginer que chaque pas lui serait source de douleur. La pitoyable apparence de cet être n'est en rien comparable aux cris plaintifs qu'elle laisse échapper ; ses gémissements sont tels qu'ils me font monter les larmes aux yeux, alors même que je suis incapable de m'imaginer quel mal les lui fait pousser. Et malgré tout, je connais l'identité de cet être, je sais qui se tient à l'ombre de ces frondaisons, je sais à qui appartient cette silhouette brisée ; Faustian, que t'arrive-t-il ? Il est vrai qu'il est fort pénible de le reconnaître, et pourtant, je suis formelle quant à l'identité de cette chose qui se tient face à moi. J'écarquille les yeux devant l'effroyable violence de la scène qui se déroule plus loin. Si ce n'était que ses gémissements, je pense que j'aurai pu réussir à venir jusqu'à lui. Mais ce n'est pas le cas. Le bruit de ses mouvements contre le sol couvert de feuilles mortes ainsi que les craquements de son corps, provoqués par ses mouvements violents, résonnent clairement dans la clairière, et son corps semble de plus en plus faible quant au fait de supporter de telles agitations. Est-ce donc de nouveau l'une de ses crises ? Si tel est le cas, je peux maintenant constater quelle ampleur elles ont aujourd'hui atteint. Et si tel est toujours le cas, celle-ci n'est en rien comparable à la dernière qui avait eu lieu à l'auberge ; elle est toute autre et est nettement plus déchirante : l'autre paraît soudainement plus insignifiante. La vue de mon ami m'est insupportable. Que faire ? Je ne peux m'éloigner de lui pour aller chercher de l'aide, nous sommes seuls dorénavant. Maintenant que je suis là et que je lui ai fait la promesse de rester à ses côtés et de l'aider peu importe la situation, je ne peux faire marche arrière. La question est : depuis combien de temps maintenant, se trouve-t-il dans cet état? Un craquement, plus sonore que les autres, me fait aussitôt revenir à moi. Je m'approche de lui, aussi vite que mes jambes me le permettent. Mais avant de me trouver à ses côtés, il se met à prononcer quelques mots qui ont pour effet immédiat de m'arrêter.

     -Pourquoi... Pourquoi toute ta haine doit-elle se déverser sur moi... Qu'ai-je bien pu faire pour que tu me haïsses à ce point... Arrive à articuler mon ami malgré cette terrible algie qui le tenaille. Je ne veux pas devenir un monstre... Non, pas un monstre...

À qui s'adresse-t-il ainsi ? La douleur lui fait sans doute perdre la tête ! Faustian, je t'en prie, reviens à toi !  

   C'est là, à ce moment précis que tout mon être se mit à ne demander qu'une seule chose : tout ce que je souhaite, c'est m'éloigner d'ici au plus vite. La vue de mon ami me fait entrer dans un état de panique tel qu'il me devient impossible de penser avec cohérence. Mais une force au fond de moi, pourtant, me force à rester ici. Est-ce du courage ou... Rien de plus que de la folie ? Mon cœur bat la chamade, frappe à mes tympans, m'empêche de respirer correctement. Je dois l'aider. Je dois l'aider d'une quelconque manière. Combien de fois le malheur doit-il s'abattre sur lui encore ? Je commence par faire un pas dans sa direction, il ne semble pas le remarquer. Et étrangement, cela réussit à faire monter en moi assez de courage pour poursuivre cette mince avancée par un deuxième pas. Alors qu'il n'avait eu aucune réaction jusque-là, ce fut cette fois-ci différent. Comme si le temps venait de s'arrêter et que je me trouvais dès lors plongée dans un autre monde, il se mit aussitôt à arrêter tout mouvement. Plus rien autour de nous ne semblait bouger. Je pris du temps avant de me rendre compte que le temps, pourtant, continuait toujours à s'écouler. Minute après minute. Et c'est là, oui, c'est là que je me surpris à ne plus pouvoir respirer du tout. Son regard vient croiser le mien, jamais je n'aurai pu imaginer voir dans des yeux un tel éclat. Rouge sang, un regard presque fou. Ses yeux pourpres sont plantés dans les miens. Cela ne présume rien de bon quant à la suite des événements. Et malgré la peur qui vient saisir chaque centimètre de mon corps, mon esprit, lui, semble complètement vide, et sans que je puisse réaliser ce que je faisais, mon corps réagit de lui-même ; je fis un troisième pas dans sa direction.

FaustianOù les histoires vivent. Découvrez maintenant