Après quelques heures de descente en cordée, nous posâmes pied sur les étendues de mousse qui tapissaient le fond de la forêt. Seul le ruissellement de l'eau se faisait entendre dans les ténèbres crépusculaires.
Esval leva la main et arrêta net notre marche, à l'affut du moindre son. L'écho d'une série de cliquetis venait de percer la nappe de brouillard qui nous enveloppait.
— Le Mathubbu dit que des vajaris sillonnent les environs, murmura-t-il.
Il s'accroupit, plongea sa main dans l'humus et en retira une poignée de terre qu'il sentit longuement.
D'autres cliquetis, venant d'une autre direction et plus lointains encore, résonnèrent.
— Il s'agit d'une meute, certainement plus de huit.
Esval attendit que les Mathubbus reprennent :
— Clik clik cloc tik... tik clok clok clic...
— Ils sont à l'affut, ils se déplacent lentement... ils ont encerclé des proies.
— Clac clik... clik clik tic... toc clik clok clik.
Esval hésita un instant avant de traduire :
— Trois belles proies... des créatures égarées... !!
Nos regards se croisèrent et en un éclair nous empoignâmes nos armes.
— Nous avons très peu de temps, reprit Esval haletant, il nous faut trouver une rivière suffisamment importante pour effacer notre piste.
— Héla ! Une petite seconde, messieurs, intervint Hoggar visiblement courroucé. Ce ne sont pas quelques belliqueux autochtones, tout prédateurs qu'ils soient, qui vont me faire fuir, par Ojhmyr ! Ils vont goûter mon fer et ils rôtiront ce soir sur un bon feu !
Esval lui tint tête :
— Nous n'avons aucune chance, ce sont des titans. Ils sont trop nombreux, et beaucoup trop rapides !
Hoggar était du genre coriace, mais il savait réfléchir quand cela s'imposait. En plus de notre infériorité numérique, nous avions du nous soumettre aux lois très strictes d'Acora qui interdisaient toute type d'arme avancé et nous étions chacun délestés de notre équipement au dépôt-frontière du spatioport de Tahat.
Nous ne pouvions combattre, s'il le fallait, qu'avec des lames trempées de flux jōvoïde. Redoutables, mais primitives. Hoggar avait privilégié une hache et une sorte de hallebarde Mholkott. J'avais en main mon épée que j'avais héritée d'Imarudh. Esval quant à lui portait, en plus d'un sabre effilé, son puissant arc saandkan.
Nous dévalâmes le plus silencieusement possible un cours d'eau encaissé dans un vallon, il nous conduirait certainement à une rivière. Les fougères et les branches nous fouettaient le visage et cognaient nos têtes alors que nous bondissions de rochers en rochers et plongions sous les souches couchées en travers du ruisseau qui était maintenant devenu un torrent bouillonnant.
Je perçus soudain en contrebas une grande masse sombre, immobile, à demi immergée dans les eaux écumeuses.
Je me retins d'appeler Esval et le saisi par une jambe pour l'arrêter au plus vite. Il roula en avant et s'affala dans le courant encore peu profond. Je fis immédiatement signe à Hoggar de ne plus bouger. Esval se retourna et me questionna du regard, hébété, le visage couvert de boue.
— Il y a, en bas de cette chute, une créature couchée dans la vasque, dis-je dans un souffle à peine audible.
Esval rampa jusqu'au-dessus du devers pour observer la chose qui ne bougeait toujours pas. Je le rejoins aussitôt alors qu'Hoggar resta en retrait pour assurer nos arrières.
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Les Forêts d'Acora
Sci-fiAu cœur du système Autarcique d'Auriande, de mystérieux objets célestes viennent de s'écraser sur une jeune planète du nom d'Acora. Sous le sceau de Vijā Saati, l'Alliance universelle secrète, Jaadhur et ses compagnons y sont mandatés. Leu...