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Nous nous rendîmes, Telia, Yathko et moi sur le spatiodrome où le Shanradjal stationnait afin de préparer l' équipement et l' armement spécial que nous allions embarquer pour cette mission. L' excuse de l' appareillage était pour Telia et moi l' occasion de nous retrouver seuls tous les deux. Après tout ce temps passé loin l' un de l' autre, nous nous délections de chaque seconde qui nous rapprochait. Nous jouions à nous effleurer pendant que nous chargions le vaisseau et, à chaque fois que nos corps se frôlaient, je sentais en elle aussi le désir fusionnel de ne faire plus qu' un, au-delà de tout.

L' amour était un sentiment universel.

Elle était tebbeke ; son organisme était bien différent du mien. Son espèce avait évolué à des cycles-lumière de la mienne. Pourtant, le désir que nous pouvions ressentir l' un pour l' autre se manifestait avec une force encore supérieure à celle que deux êtres de même souche auraient pu ressentir. L' amour transcendait l' espace, le temps et toutes les voies pourtant si éloignées que l' évolution avait pu prendre pour manifester la vie. Il n' y avait à cela aucune explication rationnelle, aucune loi physique, aucun phénomène vraiment concret que l' on eut pu démontrer par des raisonnements scientifiques et logiques. En s' unissant, les particules, les êtres, ne faisaient que répondre inconsciemment à une force qui se répandait à travers l' infini du temps et de l' espace, principe indicible de la création ; une force qui remontait aux origines de l' Univers... La chose que nous appelions amour n' était-elle pas la manifestation subtile de cette énergie ? Comme un écho qui se répercuterait d' être en être depuis les origines.

Jaad' ? Tu t' égares...

La voix de Telia avait surgi dans mon esprit. Je revins aussitôt à ce que j' avais entrepris de faire : raccorder un générateur isofluide au compartiment dans lequel les embryons de Mnémorgopodes allaient voyager.

Je m' aperçus soudain qu' elle était là, dans le sas de soute, et m' observait comme une curiosité incompréhensible.

Qu' attends-tu ?

Je lâchai aussitôt les outils que j' avais entre les mains pour me ruer sur elle. Elle ne joua pas à me résister comme elle l' avait déjà fait. Pas cette fois. Nous prîmes le temps de nous redécouvrir, avec douceur et passion. Nous nous aimions toujours autant, si ce n' était plus que la dernière fois. Nous enfreignions gravement le code. Si nous étions pris, nous risquions d' être déchus de notre rang d' Ujhaï. Mais les baisers interdits que nous échangions n' en étaient que plus intenses. Ses lèvres avaient le parfum de fleurs sauvages et éphémères dont je tentais de deviner les couleurs dans l' obscurité de la cabine où nous étions cachés.

— Tant de fois, j' ai vu ton visage dans les rayons des étoiles que je croisais dans l' espace, ma déesse.

— Tu étais à mes côtés à chaque instant, Jaadhur, tu étais la force que j' invoquais lorsque j' étais dans le doute ou la peur.

Nos deux corps s' unirent encore jusqu' à ce que nous nous rendissions compte que nous avions passé plusieurs heures à l' écart. Nous échangeâmes un dernier baiser passionné et j' allai reprendre mon travail dans la soute. Elle retourna s' occuper des derniers préparatifs, assistée par Liatt et Yathko.

                                                                              *

Le système de Lothi avait la particularité de ne comprendre qu' une seule planète massive : Memtha, accompagnée de ses vingt-six satellites. Ce système gravitait dans la nébuleuse de Kize, qui elle-même évoluait dans la ceinture extérieure de l' imposant et tristement célèbre amas galactique de Tlomos.

Les Forêts d'AcoraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant