Les Forêts d'Acora

27. À la recherche de Subor

Ceinture de la galaxie d'Abenor.

Système de Tleïssia.

Le paysage sidéral propre aux galaxies chaotiques se dessinait devant nous. L'espace était encombré de débris cosmiques de toutes sortes. Les plus courants, des morceaux de carlingues déchirées, étaient tout ce qui restait des astronefs qui avaient croisé la route de pirates stellaires ou autres chasseurs de viande dont ces régions étaient infestées. Les stations excavatrices des compagnies minières avaient colonisé les moindres astéroïdes jusqu'aux plus grandes lunes, accrochées à la roche telles des sangsues avides. On pouvait les observer à l'œil nu dévorer les planètes. Je ressentais que le vide ici était plus froid, plus dense, comme si une malédiction faisait peser sur lui une chape de mal et de peur. Des forces obscures étaient à l'œuvre ici, certainement les sorciers tleïssites de la Lune Noire. L'espace, par son ouverture et sa faible densité, transmettait avec une plus grande sensibilité ce genre de perturbations à ceux qui savaient les percevoir.

Planète Tsebōra.

Approximativement cinq cent quatre-vingts trillions d'individus. Plus de quatorze mille espèces intelligentes répertoriées. La planète était devenue une gigantesque mégapole ; couverte par un réseau ferroviaire aérien qui lui donnait depuis l'espace l'aspect d'une pelote ternie de fil métallique. Un anneau démesuré, constitué de débris et de déchets en tout genre, entourait la planète en une étreinte sinistre. L'ombre qu'il projetait sur sa partie équatoriale plongeait une part de l'astre dans des ténèbres artificielles.

Soudain, l'onde de choc d'un tir ennemi fut absorbée par le bouclier. Il fallait s'y attendre. N'évoluions-nous pas en le système le plus dangereux des régions septentrionales du Cosmos ?

Hoggar s'esclaffa. Le Shanrādjal venait d'essuyer le tir d'un chasseur « tête noire ». Le convoi de minerai semi-précieux que nous transportions était la cause de l'intérêt que ce pirate stellaire nous avait porté. Mauvaise pioche.

Il nous décocha une seconde salve et baragouina d'un ton menaçant par transmission forcée :

— Hayati yha kutu zila yur... ozi... tuga jila reezi tuga kutu yata...

Nous n'avions pas de temps à perdre en traduction. J'attendis que le « tête noire » entrât dans le champ de notre brouilleur et désintégrai son chasseur instantanément, en toute discrétion.

Je ne m'étais rendu qu'une seule fois sur Tsebōra. Cela me semblait maintenant remonter à une éternité. L'Alliance m'y avait envoyé en vue de prendre activement part à la libération d'Abenor. J'allais y faire la connaissance d'un solide équipier que l'Alliance venait de m'attribuer pour cette mission. Son nom : Khāud'kaar, en Molkhott, cela se prononçait Hoggar.

Nous approchions en vitesse de croisière intra-système la périphérie du gigantesque anneau, naviguant à vue entre les débris qui frôlaient la coque du vaisseau.

Un satellite-fonctionnaire nous prit par surprise et vint se coller à notre cockpit. Il tenta de scanner notre appareil sans même se présenter. Liātt lui expédia une décharge de doronium pour toute réponse. Un second, plus distant, nous demanda de nous identifier. Il s'agissait maintenant d'un contrôleur-législateur.

Les frontières politiques qui divisaient les terres de Tsebōra n'étaient pas encore clairement établies – pour certains du moins. C'était une question de point de vue. L'espace frontière de Tsebōra fourmillait donc de ce genre de représentants administratifs incongrus. Ils se livraient entre eux une véritable guerre de territoire et il aurait été vain, et bien trop laborieux, même pour un expert en géopolitique interplanétaire, de comprendre les tenants et les aboutissants d'un tel conflit, ni même de parvenir à en connaître les protagonistes réels. Nous nous soumîmes aux formalités que nous imposait cette armada administrative et entamâmes notre entrée dans l'atmosphère pesante de Tsebōra.