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Le cargo s' immobilisa au-dessus d' une zone de déchargement à proximité du secteur des matrices. Nous descendîmes le long d' un filin jusqu' à la plateforme. Le transporteur fit demi-tour lentement et disparut dans les nuées de sable. Pour ne pas éveiller l' attention de la sécurité, nous l' avions reprogrammé pour qu' il retourne à son lieu de départ. Il nous faudrait trouver une autre solution pour le trajet retour.

De là où nous étions postés, nous pouvions voir le sas d' entrée vers les bâtiments où les Mnémorgopodes étaient élevés. La tradition des anciens Penseurs avait été préservée. À en voir les gravures cunéiformes qui décoraient l' immense entrée, tout se faisait encore selon les rituels ancestraux. L' architecture même des matrices, de grandes coupoles faites de pierre des sables érigées sur un vaste demi-cercle, évoquait un lieu sacré.

Les chemins de ronde étaient parcourus par de nombreuses sentinelles. L' activité des escouades qui se relayaient laissait penser à un état d' alerte.

Ils sont sur le pied de guerre, pensa Telia.

Oui... et c' est très récent.

— Notre venue en est la cause, devina-t-elle.

Ça ne fait aucun doute. Ces sentinelles sont là pour protéger les embryons.

— Mais alors ça veut dire que...

— Ça veut dire que l' Ekam Otho n' est pas impliqué. Et ça veut dire aussi que quelque chose l' a poussé à renforcer la garde.

— Quelque chose qu' il ne maîtrise pas.

— Exactement, à en juger par l' importance du renfort de sentinelles.

— Il redoute une intrusion dans les matrices.

— Oui, et ça n' est pas de notre intrusion dont il a peur... Allons-y.

Nous descendîmes vers l' entrée et marquâmes un arrêt pour laisser le groupe de sentinelles en faction devant la porte se déplacer. Lorsqu' il fut devant l' autre extrémité de l' entrée, nous nous rapprochâmes et lançâmes un filin qui trouva tout de suite un point d' accroche une centaine de mètres plus haut. Nous commençâmes à gravir le montant incliné. Une fois au sommet, nous longeâmes la coursive jusqu' à arriver au faite des dômes colossaux. Les édifices s' alignaient à perte de vue, disparaissant derrière les vents qui charriaient la terre ocre des déserts d' Abebba.

Nous nous glissâmes dans un conduit d' aération et arrivâmes à l' aplomb des rangées de réservoirs d' incubation. Les lieux étaient baignés d' une atmosphère quasi religieuse. En bas, des officiants marchaient cérémonieusement le long des lignes d' incubateurs, récitant vraisemblablement des psaumes. Ils balançaient au-dessus de celles-ci des encensoirs qui dégageaient des fumées épicées. La chaleur qui montait des matrices et stagnait dans les hauteurs était suffocante. Nous nous postâmes un peu plus bas dans le creux d' une arche d' où nous bénéficiions d' une vue stratégique et où une bouche d' aération nous permettait de respirer.

Parfait. Nous allons rester là jusqu' à ce que nous détections la cause de ces mesures de sécurité.

Nous activâmes nos isoscans simultanément.

En temps normal, la sécurité mnémorgue n' était pas habilitée à circuler dans les matrices. Mais cette nuit, les sentinelles quadrillaient les allées, dérangeant les officiants qui s' interrompaient à leur passage.

Les Forêts d'AcoraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant