Chapitre 28 (1/2)

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Deux gros bleus violaces ornent mon ventre et je soupire d'agacement et de fatigue. Je redescends mon pull en laine sur mon ventre, frôlant au passage mes côtes, ce qui provoque une vague de douleur dans mon corps.

Je maudis Ben pour ses coups d'hier, mais aussi Noah et Ed' qui m'ont fait souffrir le martyre.

La "fatigance" est en moi, pensé-je en entrant dans la salle de bain. Mais grâce à tous ces exercices, je suis beaucoup moins préoccupée par ce qui m'arrive en ce moment.

Ma toilette effectuée, je ne sais pas quoi faire et je décide de descendre cuisiner pour me détendre et m'occuper l'esprit en préparant de bon petits plats. Car si je ne fais rien, je vais ruminer et je sais que ça ne va rien m'apporter de bon.

En fouillant dans les placards la dernière fois, j'ai trouvé un livre de recettes traditionnelles de grands-mères. Déjà je me suis demandé ce qu'il faisait là, car clairement ce n'était vraiment pas sa place puisque qu'aucune grand-mère n'habite ce lieu. J'ai eu la réponse en ouvrant le livre à la première page. Je pu lire quelques mots en écriture fluide, toute en finesse, mais aussi calligraphique.

"Je t'offre ce livre mon petit-garçon en espérant que tu en fasses bon usage et que tu prépares à ta chère et tendre de bons petits plats qui te rappelleront tes vacances chez tes grands-parents.

Sache que même si j'aurais préféré que tu t'appelles Gérard, tu es mon petit-fils préféré Romain.

Ta grand-mère qui t'aimera jusqu'à son dernier souffle et bien au-delà."

Je suis prise d'un trop plein d'émotion en relisant ses lignes, car je vois tout l'amour que cette dame éprouve pour ses petits-enfants et cela a le don de me rappeler mes propres grands-parents. Je sens une larme perler au coin de mon œil à leur simple souvenir mais l'efface avant qu'elle n'aie pu atteindre ma joue.

Allez, finis les pleurs et la tristesse, déclamé-je à haute voix pour me convaincre moi-même. Ce ragoût ne va pas se faire tout seul.

Nous ne sommes pas tenus de manger à la cantine ce midi, car le réfectoire a été transformé en un endroit où se recueillir en la mémoire de monsieur De La Tour. Bougie et mots trônent dorénavant sur quelques tables. Le directeur a d'ailleurs fait un discours traduisant toutes les qualités du professeur, mais aussi son dévouement pour l'enseignement. Il a aussi déclaré être profondément touché par son décès et ne pas arriver à se remettre.

Touché, mon cul ! Bon on repassera pour la politesse, mais là c'est assez ! Chacun de ses mots suintaient l'hypocrisie. Je suis la seule à ne pas avoir été dupe, car j'ai bien vu qu'il se fichait comme de sa première chaussette du sort malheureux de De La Tour puisqu'il en est le responsable.

Je fulmine intérieurement et ma main accrochée à la poignée du frigo se resserre tellement fort que mes jointures blanchissent. Je sens mes pouvoirs influer face à cette colère qui me consume à chaque fois que je pense à ce directeur véreux. J'ai du mal à garder la pleine possession de mon corps. En effet, une part de moi a très envie de relâcher toute ma puissance pour exterminer ce vieux papy corrompu jusqu'à la moelle.

"Respire, calme-toi ! Ne te laisse pas guider par tes émotions, ne les laisse pas te consumer"

Tiens elle est de retour, cette voix...

Je regarde mon bras libre et m'aperçois qu'il est en feu. Au lieu de paniquer et de m'obliger à l'éteindre, un sourire carnassier vient orner mon visage.

Je secoue ma tête complètement désarçonnée parce que je vois dans le brillant réfléchissant de la porte du frigidaire. Mon visage est complètement différent de sa douceur habituelle, il serais presque... effrayant.

Ce n'est pas moi, cette fille prête à tuer un homme pour la simple et bonne raison qu'il a lâchement fait assassiner un homme. Bon d'accord c'est une très bonne raison, mais je ne suis pas comme ça ! Je suis de nature non violente. Mais depuis que ces foutus pouvoirs sont apparus, ils font ressortir cette sombre part de moi que j'aurais préféré garder enfouie pour toujours sans jamais me rendre compte qu'elle avait toujours été là, attendant juste le bon moment pour s'emparer de moi.

Je dois me contrôler, j'ai l'intuition que les pouvoirs que j'ai pu découvrir jusque là ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Que derrière ceux-là se cachent encore de nombreux autres.

"C'est ça..."

L'intervention de cette "voix" est particulièrement inutile, me dis-je tandis que ma respiration se ralentit peu à peu.

"Sans moi, tu serais morte, consumée par un pouvoir dont tu ne connais rien, et une grande partie de ce pays avec toi ! Alors un simple merci ne ferait pas de mal"

Déjà tu es moi du coup je m'auto remercierai... ? Cela n'a vraiment aucun sens ! Et je te rappelle que toi aussi tu serais morte. Je connais très bien mon pouvoir... et je ne vois pas comment je pourrais décimer un pays entier.

"Il y a bien des choses que tu ne sais pas jeune innocente. », m'explique-t-elle avec une voix de sage bouddhiste. « Tu te tais et tu m'obéis, sinon je te laisse te débrouiller seule avec ce merdier."

Bon OK merci de ton intervention, dis-je, lasse de me battre avec moi même. Je peux être très têtue quand je le veux.

"En effet", répond-t-elle d'un ton qui trahie son amusement.

Le fait de communiquer avec elle m'a tout de même permis de ne plus penser à mes pouvoirs et donc « d'éteindre » mon bras qui était en flamme. Je souris de reconnaissance envers moi-même... toute cette histoire devient vraiment bizarre.

« Bah oui patate, c'était le but de cette manœuvre » dit-elle avec dédain. « Te détourner de tes pouvoirs et arrête de t'auto congratuler ! »

Après dix minutes de discussion avec moi-même où elle m'ordonnait que je la remercie, elle part enfin se terrer dans ma tête, attendant avec une impatience non dissimulée ma prochaine perte de contrôle pour encore une fois me promulguer ses précieux conseils.

J'éclate de rire en me rendant compte que j'ai sûrement l'air d'une grande tarée car je suis accrochée au frigidaire depuis une bonne dizaine de minute sans bouger d'un poil. Heureusement, personne n'est rentré dans la cuisine dans ce laps de temps, ou alors il est sans doute parti me trouvant bien trop flippante dans cette position peu commune.

Je m'écroule une nouvelle fois de rire, la raison étant la suivante : je passe d'une émotion à une autre en un quart de seconde, ce qui est un peu trop con. En même temps je suis émotionnellement instable...

J'ouvre enfin le frigo et sors les différents ingrédients nécessaires à la préparation du repas. Carottes et patates sont très vite expédiées au fond de la casserole, coupées en petits dés. Mais alors que je m'apprête à trancher le poireau que Walter avait caché dans sa chambre, des bruits bizarres surviennent depuis dehors.

J'entends tout d'abord une porte claquer, puis un cri qui ressemble fortement à celui de Stanley quand il a peur.

Je commence moi même à être effrayé lorsque j'entends pour la deuxième fois ce cri strident.

Je me précipite vers la porte d'entrée pour aller voir ce qu'il se passe mais au dernier moment, je fais demi-tour : s'il y a un danger dehors autant être à même de me défendre. Je prends donc la seule arme qui se trouve à mes côtés quand cette idée lumineuse m'a traversé, c'est à dire le poireau.

Je trottine vers l'entrée lorsque que je me dis qu'un poireau (qui en plus est mou), n'est pas forcément la meilleure solution pour se défendre contre un quelconque agresseur. Je m'apprête à aller prendre un bon couteau de cuisine mais un troisième cri m'en dissuade.

Cette fois-ci j'ouvre la porte d'un seul coup mais au lieu de voir Stanley en sang ou en train de mourir je le retrouve souriant tellement fort que ses zygomatiques doivent souffrir le martyr.
Walter et Romain sont eux aussi présents et regardent tout les deux dans la même direction avec une certaines surprise sur leur visage.

Je décide de faire comme eux pour voir ce qui peut à ce point les captiver quand mes yeux rencontrent le ciel. Une impression de déjà vu m'envahit. Ces nuages, je les ai déjà vu quelque part.

Oui ce ciel bleu parsemé de petites tâches blanches, ce poireau que je tiens dans ma main et cette silhouette sortant de la voiture, oui j'ai déjà vu tout ça.

L'évidence de ma découverte me frappe et je lâche le poireau : l'autre fois dans la douche, j'ai vu le futur ! Moi qui pensais que c'était une sorte de souvenir bizarre me suis en fait tromper sur toute la ligne. C'est bien le pouvoir de Lola !

Je reste muette de stupéfaction mais je me reprends vite car dans ma vision, Iko mon adorable chien surgissait de derrière la voiture.

Je me précipite sur le chemin de cailloux menant à la route, poussant au passage Aidan et sous le regard médusés d'incompréhension de mes colocataires.

Je le cherche du regard mais ne le trouve pas. Une déception intense remplace la joie qui m'habitait une seconde avant. Je baisse la tête en signe de résiliation : je me suis fait des idées, je ne possède pas le pouvoir de Lola.

Je suis soudain rejetée en arrière avec tellement de force que ma tête vient heurter les cailloux. Une légère plainte m'échappe.

Mes yeux sont fermés car je vois trente-six chandelle. Je sens quelque chose de gros posé sur mon corps et des voix qui crient à quelqu'un de s'éloigner.

Une substance liquide tombe sur mon visage par petites gouttes. Elle semble élastique et baveuse... Baveuse ?!
J'ouvre les yeux et un sourire resplendissant vient se poser sur mon visage. J'en oublie la douleur causée par ma chute et le dégoût face à cette bave qui recouvre mon visage.

Mon chien est posé sur mon corps, la langue pendante et une sorte de sourire s'étire sur ses babines.

Je le serre dans mes bras, indifférente au gens qui m'entourent. Il aboie face à cette étreinte qui le réjouit tout autant que moi.

Je fourre ma main dans son pelage et une sorte de béatitude m'envahit. J'avais presque oublié à quel point sa fourrure est douce et agréable à caresser.
Son cœur bat sous sa masse de poils et le mien s'accorde naturellement avec le sien.

Qu'est-ce qu'il peut m'avoir manqué ! Cette joie intense qui m'avait quitté après mon départ revient en force. Je l'accueil d'ailleurs les bras ouverts.

Je ne sais pas combien de temps dure notre câlin mais c'est une douleur aux fesses qui me fait relâcher mon étreinte. Des cailloux, sans doute mécontents que je les écrase avec mon popotin, commence à protester en voulant percer mes fesses.

Je me relève mais ma tête tourne légèrement à cause de ma précédente chute, je suis déséquilibrée et tombe en arrière.

Deux solides bras me retiennent mais je ne reconnais pas le parfum de Walter qui ressemble à une odeur boisé. Non mon sauveur a une odeur plus... virile. De plus le gentil français ne porte pas de chemise tandis que Aidan... oui.

Je repousse ses bras pour mettre le plus de mètres possible entres lui et moi. Bizarrement, une part de moi n'est pas d'accord avec cette décision. Une impression de sécurité m'avait envahie quand j'étais contre son torse et entre des bras. Une légère odeur de transpiration et de déodorant flottait dans l'air mais cela n'avait rien de désagréable.

- Ne m'approche pas crétin, crié-je en me dirigeant vers les gars.

Le crétin sort tout seul sans que je ne puisse l'arrêter. Je vois bien que cela le blesse

- Écoute, reprend-t-il d'une voix douce

Mais je le coupe lui disant que je ne veux rien entendre qui sorte de sa bouche.

Il est vexé mais son regard montre aussi de l'agacement et une certaine tristesse.

Mon chien, en protecteur né se place devant moi, les babines retroussées et les crocs dehors, la bave aux bords des lèvres et près à bondir sur mon potentiel agresseur.

Je vois Aidan reculer d'un pas mais garde toujours ce même air avec écrit "I don't care" qui me fait craquer. Craquer ? Hein ? Mais qu'est-ce que je raconte moi ?
A aucun moment, je ne me suis sentie attirée par ce mec menteur, focus et vantard. Non je suis bien trop intelligente pour faire cela.

D'un geste naturel, je caresse la tête d'Iko pour le rassurer : non il ne faut pas l'attaquer, mais oui c'est un con, lui fais-je se souvenir.

Après la surprise vient le temps du serrage de mains bien viril entre les garçons, car malgré tout je sais qu'ils sont contents de se revoir. Walter glisser deux trois mots à l'oreille d'Aidan et celui-ci frissonne. Mais très vite son expression habituelle réinvestie son visage.

Aidan a bien compris que je ne voulais pas qu'il s'approche de moi et reste donc en dehors du périmètre fixé par mon chien. Il serait à la limite de tracer une ligne de pipi autour de moi pour marquer son territoire.

PDV Albert le poireau :

La vie est réellement injuste ! Je traîne sur le sol ma carcasse verte sans pour autant pouvoir bouger N'est-ce pas suffisant de m'être retrouvé dans la chambre infâme de ce français ? Non bien sûr ! Il a fallut que je tombe sur une dégénéré qui en plus de vouloir me couper en petit dès, me lâche sur du gravier méchant.

Je suis donc au sol, sans aucun moyen de me relever. Le destin ? Non j'appelle juste ça la connerie humaine.
Je vais aller rejoindre Claude dans le long chemin qui mène à la mort. Certes ma mort sera beaucoup plus douce que la sienne car être cramé par une furie en colère n'a vraiment rien d'agréable. Mais je ne pensais pas décéder seul sur un sol glacé. Même si c'est mieux que d'être ébouillanté.

PDV Cassiopée

Déjà deux heures que mon adorable Iko fait de nouveau partie intégrante de ma vie. Qu'est-ce qu'il peut m'avoir manqué ! Je ne me lasse pas de lui faire des câlins et de le chouchouter.

J'ai l'impression qu'il s'est prit d'amitié pour Stanley. Installée dans le canapé du salon, je les observe à travers la baie vitrée, jouant au ballon tel des enfants.

Romain est à côté d'eux, un appareil photo dernier cri à la main pour immortaliser ces moments simples de joie. Je souris rien qu'à les voir ainsi.

Hier, Romain est allé courir avec Lola. J'étais contente pour elle car je sais que ça lui tient très à cœur de perdre du poids. De plus, RoRo est la personne idéale pour ce genre de défi. Il n'abandonne devant rien et m'a même confié aimer les rousses...

Mon regard tombe une nouvelle fois sur Iko. Je n'en reviens toujours pas qu'il soit là aussi près de moi et non à des centaines de kilomètres. D'un côté, je suis heureuse mais de l'autre, ça me perturbe de ne pas savoir comment Aidan s'y est pris pour le récupérer. Je sais qu'il a forcé Salomon à le laisser partir mais le reste demeure dans le noir complet.

Une chanson que j'aime énormément passe à la radio, et je ne peux m'empêcher de chanter les paroles d'une voix éraillée.

《 Why you gotta be so rude ?》
《 Don't you know I'm human too ?》

- Tu chantes toujours aussi bien, dit une voix que je reconnaîtrais entre mille.


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Merci à EugenieVLC  de m'avoir corrigée <3









I RememberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant