Chapitre 21 (2/2)

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Partie 2

- J'ai commencé l'école après les autres enfants à cause de ma maladie. Mes parents ne voulaient pas me laisser seule, ils avaient peur que je meurs, que je m'évanouisse. Car quand j'étais bébé, je n'arrivais pas à contrôler mes souvenirs et ma mémoire. Du coup je tombais souvent dans les pommes. Mais j'ai appris au fil du temps à "contrôler" mon cerveau. 

Je reprend mon souffle et continue sans lancer un regard à qui que ce soit : 

- C'est moi qui les ai convaincu de me laisser aller en maternelle. L'année était déjà bien engagée. Je me souviendrai toujours de ce jour. J'avais mis une petite robe à fleur et avais attaché mes longs cheveux blonds en deux petites queues de cheval sur le haut du crâne, je m'étais même mis du parfum, celui de ma mère. Pour moi ce jour signifiait la fin des cours à la maison avec les vieux médecins binoclards.

Je me racle la gorge. 

- Ma mère me tenait une main tandis que mon père tenait l'autre entre les siennes qui me paraissaient être à l'époque celles d'un géant. Ils me regardaient avec une sorte de fierté et leur amour pour moi faisait briller leurs yeux tel des diamants. Je sentais le stress de mon père à travers la puissance avec laquelle il empoignait ma main. 
Les autres enfants se sont arrêtés de jouer pour nous regarder. Puis, quelques secondes plus tard ils ont repris leurs jeux. Tout naturellement, j'ai lâché les mains de mes parents sans même leur dire au revoir pour aller m'amuser avec les autres enfants.  Mes parents sont partis et j'ai vu que ma mère avait les larmes aux yeux tandis que mon père, lui, caressait son dos pour la réconforter. 

Je cherche pendant quelques secondes mes mots et ma voix se chargent d'émotion lorsque je continue : 

- Les premiers mois ont été fantastiques. Comme tous les enfants de mon âge, j'ai moi aussi dessiné des maisons immondes et les ai donné à mes parents qui me remerciaient et disaient que c'était très beau alors qu'en vérité ce n'était pas fameux. 

Je souris en repensant à cela. 

- Ce n'est qu'après que ça a commencé à merder. Les petits garçons et petites filles de la classe se sont rendus compte que j'étais différente. Je reproduisais avec exactitude la poire que Madame Toili avait posé sur son bureau ou encore je suis arrivée à écrire les lettres de l'alphabet comme elles étaient affichées au tableau à craie. J'arrivais à me souvenir des histoires racontées des semaines auparavant par la maîtresse. A partir de là, ce fut la descente en enfer. Ils ont tout d'abord arrêté de me parler, de jouer avec moi, puis ils ont commencé à voler mon goûter. Les maîtres et maîtresses ne faisaient rien, bien trop occupés à disputer d'autres enfants. Ma mère l'a appris car je ne voulais plus aller à l'école. Mes parents m'ont donc envoyée dans une institution privée pour jeunes "surdoués", loin de toutes ces mauvaises personnes.

Quelques années plus tard, je suis rentrée au collège, dans le public car mes parents ne pouvaient plus assumer les dépenses de l'école privée. Je pensais avoir laissé derrière moi mes problèmes d'enfance mais ce fut encore pire quand j'entrai en sixième. Les enfants sont cruels entre eux, ça à toujours été le cas et j'ai subis leurs... moqueries, insultes et tout ce qu'un enfant peut faire à un autre. Au début c'était juste des "Tu es un monstre", des "Tu ne mérites pas de vivre" puis au fil des années, ils se sont enhardis. C'était toujours les mêmes personnes mais ils ne s'en prenaient jamais à moi physiquement. Mais des fois la "torture" mentale peut-être pire que la "torture" physique. Ils avaient obtenu mon numéro de téléphone je ne sais pas par quels moyens, et ils m'envoyaient des messages me menaçant de s'en prendre à moi violemment et tout un tas d'autres trucs vraiment pas... agréables.  Je n'en n'ai pas parlé à mes parents -chose stupide- de peur qu'ils ne me changent encore d'établissement, et dépensent encore des sommes astronomiques pour un établissement privé.  Au début je répliquais et je me défendais comme je le pouvais. Mais seule contre tous, c'était presque impossible. Aucun professeur ne s'est rendu compte de ma détresse car mes notes n'ont pas baissé à cause, encore une fois, de ma foutue mémoire. De plus, ils ne me prêtaient pas une réelle attention. Puis j'ai commencé à me dire que ce qu'ils disaient était peut-être vrai puisqu'ils le disaient tous. Ils avaient réussi à me persuader que j'étais un monstre, ils avaient réussi à briser les barrières mentales que je mettais imposées au fil des années. Comme le garçon à la fin du film, je pensais au suicide, et plusieurs fois je me suis dit quand j'avais le grand couteau de cuisine en mains : "tu n'as qu'à te le planter dans le ventre et tout sera fini : plus d'insultes, de messages flippants, de moqueries et de rejet". Mais sûrement par lâcheté, peur ou tout simplement par amour pour mes parents, je n'ai jamais sauté le pas. C'est à ce moment là que les marques ont commencé à apparaître sur mes cuisses. Toujours aux mêmes endroits, sans creuser trop pour ne pas mourir mais en me faisant quand même horriblement mal. De toute façon je méritais de souffrir pour ce que j'étais et suis encore : une sorcière, un monstre, une chose inhumaine. Les gouttes de sang se mélangeaient alors avec l'eau qui coulait dans ma douche, c'était en quelque sorte un rituel me permettant de survivre. Je tremblais toujours après m'être coupée. Le rasoir à la main, je regardais mon sang s'écouler le long de mes jambes pour finir dans le siphon. Il disparaissait et ne revenait jamais, et j'aurais tellement voulu faire comme lui et ne plus jamais revenir.

I RememberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant