Le son de ma voix chantante, descend au fur et à mesure que je me tourne vers lui. Aidan est posté derrière le divan, les mains dans les poches de son jean qui lui va à ravir. Une mèche de ses cheveux blonds tentant vainement de fuir, mais il l'a relève dans un mouvement de tête. Sa posture est détachée, comme à son habitude, mais je perçois un léger stress qui lui fait cligner des paupières plus que de nécessaire, tel un tic.
-Qu'est ce que tu veux ?, répondis-je simplement et calmement.
Il a l'air surpris de ne pas me voir en colère, mais avec tout le bonheur que m'apporte mon Iko pour le moment, je n'ai aucune envie de m'énerver.
Il m'explique qu'il veut tout simplement parler de ce qui c'est passé avant son départ et « d'autres choses » comme il le dit si bien. Je l'invite à continuer d'un geste de main, et je l'autorise à s'asseoir sur le même canapé que moi. Je me mets tout de même à l'opposé de lui et rapproche mes genoux vers ma poitrine en plaçant un cousin entre les deux. C'est un instinct de défense de ma part je pense...
Je dois cependant avouer qu'il m'a manqué tout comme son cynisme, son regard sombre chargé d'un lourd passé, mais aussi ses répliques sanglantes et son magnifique visage. Quoi ? Je n'ai tout de même pas pensé cela ? Bon alors Cassiopée tu vas détendre tes hormones d'ado en manque parce que ce type qui n'arrête pas de te fixer a – je te rappelle – le pouvoir de lire et de contrôler les pensées.
Mes jambes viennent se serrer encore plus contre moi et je vois les sourcils du beau blond se froncés face à ce geste qu'il ne comprend pas.
Je me force à me détendre car je sais que je ne risque rien. Aidan à l'air content de me voir desserrer les dents et ne plus me voir tirer une tronche de déterrée.
-Pour commencer, je voudrais m'excuser du comportement que j'ai eu à ton égard. C'était déplacé et je n'en pensais pas un mot.
Je vois qu'il est très difficile pour lui d'avouer sa faute à haute voix et devant moi. Mais je sens en lui et dans son regard un profond désir de se faire pardonner.
Je lui fais un signe de tête comme pour approuver sa remarque avant de me lancer.
-J'en ai voulu aux garçons de ne pas m'avoir défendu face à cette méchanceté verbale que tu n'avais pas lâché une seule fois sur moi auparavant. En y réfléchissant, je me dis que j'ai peut-être fait une trop grosse histoire d'une si petite chose. Mais mets-toi à ma place quelques secondes. Toute ma vie j'ai reçu des insultes, et je ne t'avoue pas cela pour que tu aies pitié de moi ! Au cela non ! Je préfère encore me... Bref je m'égare.
Il sourit face à mon débordement et me laisse finir mes explications.
-J'arrive dans un nouvel endroit, où l'on me dit que tout le monde est accepté et sur un pied d'égalité mais j'ai découvert plus tard que ce n'était pas le cas.
Il fronce de nouveau les sourcils devant ma remarque et je vois qu'il s'est de quoi je parle. Intriguant...
-Et des personnes - donc vous quatre – qui avaient promis de me protéger ne l'ont pas fait. Je me suis sentie en quelque sorte... trahie et cela m'a rappelé de mauvais souvenirs que j'aurais préféré gardé enfouis.
Ses poings se serrent car il sait très bien de quoi je veux parler.
-Mais j'ai pardonné aux garçons car ils ont compris leur erreur et je ne veux plus que cette histoire gâche notre toute nouvelle amitié. Nous sommes tous un peu fautifs...
- Cela veut dire que tu me pardonnes ?, s'exclame-t-il tout heureux, en retirant ses mains de sous son menton.
-Oui – un sourire apparaît sur son visage, faisant pétiller ses yeux – cependant ne me refait plus jamais une chose pareille. Pour certain, ce n'est rien de recevoir une insulte mais j'en ai déjà trop supporté pour tout le reste de ma vie. Et je ne suis pas certaine d'avoir la force de te pardonner une nouvelle fois.
Je me mets en quelque sorte à nu en avouant cette « faiblesse » mais je n'ai pas le choix, je veux qu'il comprenne.
Il me fait un clin d'œil en me promettant que jamais il ne recommencera. Le mot « promesse » me fait tiquer car la dernière fois aussi, ils m'avaient promis. Je perds mes couleurs en quelques secondes et je me précipite vers la cuisine pour qu'Aidan ne me voie pas dans cet état. J'ai peur maintenant. Peur d'être une nouvelle fois abandonnée à mon triste sort, comme le poireau qui doit encore gésir dehors.
Je tourne frénétiquement la tambouille du midi pour me persuader que le mot prononcé n'avait en aucun l'objectif de me faire sentir comme la dernière fois au self, mais bien de me faire une promesse. Je sens une présence derrière moi et je me doute que c'est Aidan.
Il est appuyé nonchalamment contre la bordure de la porte, ses bras croisés sur son torse musclé recouvert d'un simple pull gris.
Il me regarde fixement sans jamais détacher ses yeux des miens, comme pour m'inciter à parler. Mais moi je ne veux pas, me sentant bien trop bête face à ma remarque intérieure. J'essaye maladroitement de lui échapper mais son regard est hypnotique et les mots sortent tous seuls sans que je ne puisse les arrêter.
Il me regarde, surpris par une telle pensée, car je dois tout de même avouer que c'est tordu comme raisonnement.
Il semble réfléchir à comment présenter son opinion.
-Je sais que je ne suis pas forcément le garçon le plus fiable, commence-t-il d'une voix calme et rauque, ni le plus serviable, ni le plus gentil. Pour résumer je ne suis rien qui ne soit positif.
Il souffle d'énervement face à sa remarque comme s'il se rendait compte qu'il pouvait être un connard parfois.
-Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi je m'échine à devenir ton ami car ce n'est vraiment pas mon habitude. Cependant, tu dégages une force, quelque chose que les autres filles que j'ai rencontré n'avaient pas.
Une moue triste s'affiche sur mon visage lorsque je comprends qu'un grand nombre de fille est passé sur son lit.
Qu'est-ce que tu es bête Cassiopée quand même ! Ce mec est un dieu vivant, et « bad boy » de surcroît. Tu crois vraiment qu'il est aussi pur qu'une vierge effarouchée comme toi ? Non je ne crois pas ! Je ne sais pas pourquoi mais cela me fait mal au cœur.
-Bon maintenant, je vais exprimer ce que je ressens. C'est nouveau pour moi – il à l'air très gêné - et je suis carrément en position de faiblesse. Je m'ouvre en quelque sorte à toi parce que j'ai envie de te connaître et je suis bien conscient que pour cela il faut que je fasse un effort. Donc tu n'ouvres pas ta jolie petite bouche tant que je n'ai pas fini.
Je réponds un simple « d'accord » car j'appréhende ce qu'il va me dire. Je touille toujours le ragoût pour éviter que les légumes accrochent au fond tandis qu'Aidan s'assoit sur un tabouret près de moi, ses yeux ne m'ayant pas quitté un instant.
PDV Aidan
Est-ce une bonne idée de tout lui avouer ? Ou juste une autre connerie de ma part ? De toute façon je n'ai pas le choix, il faut qu'elle puisse avoir confiance en moi et pour cela il faut que je lui dise de but en blanc ce que je pense d'elle. Il est hors de question que je la perde une seconde fois. Oui j'aurai pu parler de ma vie, mais je ne crois pas que lui rajouter encore plus de misère sur les épaules arrangerait cette histoire. Non. Je ne veux pas qu'elle aie pitié de moi. Comme elle ne veut pas que j'aie pitié d'elle. Certainement qu'un jour je lui raconterai le pourquoi du comment de mon comportement actuel et futur, mais ce jour n'est pas encore arrivé.
Une deuxième partie se joue en ce moment, beaucoup moins subtile que celle entamée avec Salomon (et moins dangereuse), mais beaucoup plus importante à mes yeux.
-Comme je te l'ai dit, tu n'es pas le genre de fille que je fréquente habituellement. Les filles à papa dans ton genre avec un balai dans le cul, non trop peu pour moi. Je préfère les garces un peu extravagantes qui n'hésitent pas à annoncer clairement leurs intentions.
- Je n'ai pas un balai dans le cul !, s'écrit-elle en brandissant la cuillère en bois pleine de sauce devant ses yeux pour se donner contenance. C'est des putes quoi...
Je rigole car la fin de sa phrase ne lui ressemble en rien mais je n'oublie pas ce que je lui ai ordonné.
-Cassiopée...
-Quoi ?!, crie-t-elle encore énervée par ma remarque.
- Tais-toi. Écoute. Mélange.
Elle râle un coup en faisant une moue adorable à un tel point que je me retiens de ne pas me lever et de l'embrasser.
-Mais j'ai découvert que derrière cette fille coincée par un balai dans le derrière et bien trop timide, se cachait une âme meurtrie qui essaye jour après jour de se reconstruire à cause de son passé. Parce que t'es tellement magique, putain, et tu ne t'en rends même pas compte. Parce qu'on ne peut pas se passer de toi, t'es pas quelqu'un qu'on oublie facilement. Cette façon propre à toi que tu as de vivre ta vie, ton sourire que tu balances à la gueule des gens alors que t'as tellement morflé. Mais t'as une putain de force surhumaine. C'est ça qu'on retient de toi : ta façon de vivre différemment de tous ces autres cons qu'on croise dans la rue. Toi tu ne te contentes pas de vivre simplement. Non car tu sais que chaque jour peut-être le dernier et qu'il faut le vivre à fond. Parce que ta vie a toujours été noire, avec une infime part de lumière, et que maintenant tu t'es mise à la peindre selon ton envie. T'es une sorte d'œuvre d'art. Avec ses défauts comme tout tableau mais aussi ses qualités comme tout chef d'œuvre. Tu es quelqu'un qu'on regarde passer dans la rue avec ses yeux émeraudes et dont on n'oubliera jamais le regard et la détermination de s'en sortir. Tu as cette sorte de traînée blanche et noire derrière toi qui prouve à tous les dépravés, reclus de la société et autres ratés que tout est possible. Tu es l'ampoule qui fait fonctionner ma lampe et grâce à toi j'ai envie de tourner la page sur mon passé sombre pour devenir un autre Aidan. Je resterais toujours un connard car c'est tout simplement ma personnalité mais je ne veux plus, tout comme toi, me laisser guider par mon passé.
Depuis quelques secondes, la cuillère a cessé de tourner, comme si Cassi avait voulu immortaliser ce moment dans son esprit pour toujours. Je sens des perles salés couler le long de mes joues mais je m'empresse de les essuyer car je trouve que c'est une faiblesse de pleurer devant quelqu'un. Mon... père m'a toujours dit de cacher mes émotions sous une bonne dose de sarcasme et d'insultes et je crois que c'est la première fois de ma vie que je délivre autant de sentiment d'un seul coup. C'est beaucoup trop inhabituel et je sens bien que cette fille me change. Sauf que je pense apprécier cela. De pouvoir me livrer à une personne sur mes sentiments à son égard m'a soulagé d'un poids, comme si nous étions maintenant deux à le supporter.
Cassiopée ne relève toujours pas la tête du potage, comme si cette marmite était plus importante que tout ce que je viens de lui dire. Je me renfrogne face à cette pensée et je commence à regretter de m'être livré.
Mais comme toujours, ma princesse me surprend en relevant la tête et en me fixant avec ses magnifiques yeux d'un vert profond luisants de larmes. Les gouttes dévalent la pente de ses joues et celle de son nez mais elle ne fait aucun geste pour les effacer.
J'avance donc ma main vers elle pour supprimer ses marques de tristesse mais elle me stoppe en empoignant mon poignet.
-Non, murmure-t-elle simplement en souriant.
Et c'est là que je comprends : ces larmes qui gouttent maintenant sur le sol carrelé de la cuisine ne sont pas une marque de tristesse ou de faiblesse. C'est juste un moyen pour elle de me montrer sa reconnaissance face à mes mots et de me remercier de m'être livré à elle. Elle n'a pas peur d'afficher devant moi, un bâtard enclin à se moquer de tout ceux qui font preuves de tristesse, de peur ou simplement de faiblesse, ses larmes.
Elle brise ainsi toutes mes croyances : montrer ses émotions n'est pas forcément quelque chose de mal, cela prouve juste qu'on est humain.
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Merci à EugenieVCL de m'avoir corrigée <3
VOUS LISEZ
I Remember
Paranormal[ Histoire terminée ] Ma mémoire. Chose qui aurait pu m'apporter gloire et argent n'a fait que me pourrir la vie depuis ma tendre enfance. Se souvenir de tout ce que j'ai pu voir dans ma courte vie n'a rien d'un cadeau. D'autant plus que l'intégral...