Humanité : Tome 2 - Pouvoir

XIX. Tensions

Le bruit des tasses que l'on posait sur la table était le seul que l'on pouvait entendre en ce deuxième matin de Février. La pluie s'était arrêtée pour laisser quelques heures de répit aux survivants, mais le vent froid continuait de frapper la propriété. Le ciel gris devenu habituel surplombait inlassablement la ferme qui semblait arrêtée dans le temps depuis quelques jours. Seules Edana et sa sœur continuaient de sortir quotidiennement. Ce jour là, elles avaient emprunté le pick-up de Philippe pour une nouvelle expédition. Elles étaient les seules à sortir, seulement équipées de couteaux et d'arbalètes. Pourtant, elles ramenaient toujours des conserves, des bouteilles d'eau, de l'essence, des chewing-gum, du papier toilette, des lampes de poche, parfois même des choses plus originales en ces temps sombres, comme de la mousse à raser, des tentes "Au cas où on devrait partir rapidement... ou simplement qu'on aurait une envie de camping", des marshmallow... bref, tout et n'importe quoi. Une fois, elles étaient même rentré avec un barbecue, des sacs de charbon et quelques kilos de viande dans une glacière remplie de glace. C'était elles aussi qui avaient ramené quelque sacs de graines pour varier les plantations de Philippe et Jean. Emma était épatée par ces deux jeunes femmes qui étaient à la fois très solitaires et solidaires. Lors de l'un des rares repas en commun du groupe, Joe avait raconté que les deux sœurs avaient été seules près de trois mois avant qu'elles ne rejoignent le cirque dans lequel elles travaillaient. Car lorsque les choses avaient dégénérés, les deux sœurs avait pris une journée pour participer à un parcours du combattant où l'une avait terminé deuxième et l'autre troisième. Le premier, un homme d'une trentaine d'année bien baraqué, fut d'ailleurs accusé de s'être dopé. Mais personne ne su si c'était vrai car un mort-vivant avait débarqué sans crier garde et lui avait dévoré l'épaule.

Quoiqu'il en était, ce sombre matin avait une dimension inquiétante. Mike lui-même restait silencieux, debout appuyé sur le plan de travail de la cuisine. Chacun scrutait les autres comme si les membres du groupes essayaient de communiquer par le regard. Emma remarqua l'air particulièrement préoccupé de Alexandre. Il lançait des regards rapides à Noham et évitait celui de Emma. Noham lui-même semblait en plein doutes. Eva gardait les yeux fixés sur sa tasse, essayant sans succès de garder une attitude qui semblait normale. Joe, quand à lui, jouait avec sa cuillère nerveusement, lançant des petits regards rapides à chaque personne de la table. Emma s'inquiétait, elle comptait parler à Alexandre aujourd'hui et ainsi confirmer qu'elle pouvait l'ajouter à l'équipe des marrons sur son échiquier. Mais au vu de son comportement étrange, voir même au vu du comportement général, elle avait l'impression que cette nuit, beaucoup de choses avaient changé, et pas seulement son comportement à elle. Si Alexandre changeait de camp et passait à l'ennemie, ce n'était pas bon pour elle. Ou alors Alexandre était en train d'essayer de ramener Noham à sa cause, voir de simplement jouer les infiltrés, mais Emma n'y croyait pas. Elle changea de plan, elle allait directement vérifier qu'elle pouvait compter sur ses cavaliers. Mais pour cela, elle allait non seulement devoir être discrète, mais aussi être prête à sauter sur la moindre occasion, car elle avait bien remarqué que les jumelles ne restaient jamais longtemps au camp.

Mike se racla la gorge.

- Aujourd'hui je veux voir tout le monde à bosser sur la barricade, dit-il avec sérieux, même Jean et Philippe.

Il but une gorgée du contenu de sa tasse puis reprit :

- Ces derniers jours ont été inutiles, et même si Edana et Ailana nous ont ramené quelques provisions, c'est insuffisant pour un groupe de notre taille. Elles m'ont convaincu de faire une pause, mais maintenant la pluie s'est calmée, et pendant que tout le monde se reposait à l'intérieur, elles ont clairement fait plus que ce qu'elles auraient dû, je pense que chacun l'a remarqué.