XXXVI. Billy

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- Donnez-moi une seule bonne raison de ne pas vous laisser mourir.

Malcom regardait autour de lui. Cette voix était légèrement brouillée. Rapidement il aperçut les hauts-parleurs présents aux quatre coins de l'entrepôt. Quelqu'un devait se trouver dans l'un des bureaux à l'étage, ayant accès aux différents postes de contrôle de l'endroit. La seule question qui demeurait était de savoir comment avaient fait ces personnes pour avoir de l'électricité. Peut-être un générateur dans une salle annexe ? À l'extérieur, la masse de rôdeurs tambourinait toujours les panneaux de fer, cherchant à entrer tant bien que mal dans le grand bâtiment. Malcom avait l'impression par moments que les portes recommençaient à bouger pour laisser entrer le jour. Mais pour le moment, cela n'était que de mauvaises impressions.

- Nous ne voulons aucun mal ! Cria Malcom. Nous cherchons seulement à avoir des provisions !

Nicolas, Eva et lui-même s'étaient regroupés au centre du bâtiment, observant autant les différentes portes que les bureaux qui les dominaient.

- Où est votre camp ? Combien de membres ?

Malcom hésitait. Les bureaux n'étaient pas larges. Du moins ils ne semblaient pas l'être. Peu importe combien étaient ces personnes, elles ne devaient pas être nombreuses pour tenir toutes dedans.

- Nous sommes dans une ferme proche d'ici, nous sommes un groupe d'une trentaine de personnes. Mais nous sommes trop nombreux pour les réserves cumulées là-bas, on a besoin d'aide.

- Sur trente personnes, combien ont été recrutées les deux derniers mois ?

La question était piégeuse.

- J'ai rencontré dix d'entre eux peu après le début. Le reste du groupe a été formé sur le long terme. Ces deux derniers mois, nous avons perdu la moitié de notre groupe avant de rencontrer sept personnes à la recherche d'un abris.

- Qu'est-ce qui a provoqué la perte d'autant de monde ?

Nicolas et Eva se contentaient d'écouter, laissant Malcom improviser des réponses qui pourraient satisfaire cette femme qui tenait leur vie entre ses mains. Le regard de Malcom s'assombrit.

- Certains ont voulu imposer une dictature et ont menacé la vie de toute la communauté. Ça a dérapé.

Sa réponse était sincère, sa peine de faisait ressentir.

Un silence s'installa. Plusieurs secondes passèrent sans que personne ne prononce le moindre mot puis la porte seule située dans un coin du bâtiment s'ouvrit. Une jeune femme apparu. Elle n'était pas très grande et portait de petites lunettes rectangulaires. Ses cheveux châtains bouclés étaient attachés derrière sa tête et elle portait un grand manteau sans doute à l'origine beige mais qui avait peu à peu viré au marron. Il lui tombait jusqu'aux genoux et lui donnait un air enfantin.

- Moi aussi j'ai besoin de votre aide, dit-elle d'une petite voix qui semblait soudainement beaucoup moins menaçante.

Il y a deux mois à peine, Charlotte était arrivée à bout de force dans la petite ville voisine de l'entrepôt. Elle avait trouvé une maison par chance encore pleine à craquer de provisions mangeable. Puis elle s'était lancée vers l'entrepôt où elle avait tuer quelques rôdeurs proches de la grille jusqu'à en soutirer un passe sur lequel était inscrit un code. Elle était alors entrée par la porte grande ouverte et s'était réfugiée à l'étage. Peu à peu elle avait appris à comprendre le fonctionnement des différents boutons présents sur le tableau de bord et à se sentir à l'aise dans ce bâtiment entouré de rien d'autre que la mort. Elle était même montée sur le toit pour constater que des panneaux solaires permettaient au bâtiment d'être électrisé. Puis, un mois plus tôt, elle avait rencontré Billy en sortant pour aller vers la ville. Le petit garçon sortait tout juste de la forêt, hurlant de terreur. Ses parents venaient d'être dévorés par des monstres et lui-même était poursuivi. Charlotte l'avait alors pris sous son aile. Concernant les provisions, des stocks immenses de boîtes de conserves de trouvaient dans le sous sol. À son arrivée, Charlotte en avait trouvé une bonne partie à l'étage, mais pas sécurité elle les avait tous placé derrière les portes métalliques. Deux cartons étaient situés à l'étage au cas où elle et Billy devaient rester cacher. Mais deux semaines plus tôt, alors que Charlotte sortait en ville trouver des armes, un groupe était arrivé à l'entrepôt. Ils avaient dû provoquer un sacré remu-ménage, avait pensé la jeune femme, puisqu'elle avait retrouvé une énorme marre de sang à l'entrée de l'entrepôt et que, depuis la ville, des coups de feu s'étaient fait entendre. Quoiqu'il en était, Billy avait, connaissant les boutons aussi bien que celle qui les lui avait appris, quitté l'entrepôt et fuit l'endroit. En rentrant, l'enfant n'était plus là. Même si Charlotte savait qu'après autant de temps il était certainement mort, elle n'avait pas cessé de le chercher. En vain.

- Et toi ? Demanda Eva avec un regard admiratif vers la jeune femme au grand manteau, comment tu as survécu avant d'arriver ici ?

La question était excellente. Mais Charlotte se contenta de faire bref, disant qu'elle avait quitté sa ville natale avec quelques amis avant de rejoindre une grand groupe de survivants. Mais ceux-ci avaient été surpris par une horde au bout de quelques mois et la fuite était donc devenu inévitable. Elle avait ainsi laissé derrière elle les quelques amis qu'elle s'était fait dans ce cauchemar.

- Vous avez besoin de nourriture et moi je ne désire rien de plus que de me trouver de nouveau dans une communauté. Je suis seule depuis trop longtemps. Acceptez-moi parmi vous.

La demande était évidemment tentante et le regard innocent de cette survivante voulait leur inspirer confiance. Mais était-ce prudent ?

- Si vous ne voulez pas, c'est votre droit, mais ça l'est tout autant pour moi de garder ma nourriture.

- C'est du chantage, pesta Nicolas.

- On survit tous avec ce que l'on a, répliqua Charlotte.

- Aidez-moi à retrouver Billy, et je vous offre de quoi tenir une semaine. J'ai une piste, je pense que je sais où il est. J'ai juste besoin que l'on me prête main forte. Et vous vous avez besoin que je vous donne de la nourriture.

Malcom n'était pas contre le fait d'accepter la jeune femme, mais il doutait fortement que tout le monde soit du même avis, Nicolas le premier. Une femme qui, seule, parvient à survivre si longtemps... Évidemment que cela était louche. Sans compter qu'ils n'avaient pas vu les réserves de nourriture. Mais Charlotte avait dû deviner leurs doutes puisqu'elle les invita à rester avec elle le jour même afin de l'aider à faire entrer dans l'enceinte les quelques rôdeurs qui étaient arrivés de la ville depuis la veille.

- Nous partirons demain, dit-elle. Comme ça ce soir, vous goûterez à ce que je mange tous les jours depuis deux mois.

La journée s'écoula longuement. Nicolas ou échanger quelques mots avec Malcom en privé et ils étaient tous les deux d'accord : ils ne pourraient s'éterniser bien longtemps avec Charlotte, ils devaient rentrer avec de la nourriture et, la question restait encore en suspens, peut-être avec la survivante elle-même. Le soir elle s'absenta quelques minutes derrière la porte double et avant de réapparaître avec un carton plein de conserves. Pour la première fois depuis longtemps, ils mangèrent plus que nécessaire et Malcom vida trois conserves alors que les autres s'étaient contenté d'une, une et demi pour Nicolas et Eva. Le lendemain, ils quittèrent l'entrepôt dans la matinée. Les trois invités avaient dû improviser des positions parfois bien étranges pour dormir sur les machines ou à même le sol. Si Nicolas ne semblait pas apprécier Charlotte le moins du monde, le sentiment était apparemment réciproque. Ils partirent à pieds à travers la forêt, abandonnant la voiture derrière eux. Malcom n'aimait pas cette idée, mais Charlotte avait tout ce que leur groupe avait besoin, le trio fut contraint d'obéir. Ils n'arrivèrent en vill qu'en début d'après midi, et Charlotte leur désigna une maison qui faisait parti d'un petit lotissement. Elle semblait déserte mais la jeune femme leur expliqua qu'elle pensait que Billy était dedans, ou au moins des personnes qui avaient croisé la route de l'enfant.

- L'un d'eux porte un sac à dos rouge, ça à l'air d'être le même que celui de Billy.

Bien que Malcom voulu aller frapper à la porte immédiatement, elle l'attrapa par le bras et lui adressa un regard noir.

- Demain nous viendrons avec votre voiture. Et là on ira.

Malcom ne compris pas un instant la logique de la jeune femme. Était-elle folle ? Apparemment non, mais elle avait une cadence incroyable et Malcom la soupçonnait de vouloir les fatiguer, les pousser à bout afin de les tester. Elle leur avait laissé leurs armes et, à n'importe quel moment ils pouvaient l'attraper et la forcer à révéler le code d'accès. D'ailleurs Nicolas proposa la torture comme solution pour parvenir à leurs fins plus rapidement, mais Eva et Malcom réussirent avec difficultés à le retenir d'étrangler la femme qui leur servait de guide.

- Cette gamine je vais me la faire, marmonna Nicolas alors qu'il acceptait à contre cœur de suivre le groupe.

Ils rentrèrent à l'entrepôt une nouvelle soirée commença, comme la précédente, puis une nuit tout aussi identique à celle de la veille. Le lendemain, enfin, ils sortirent de l'enceinte de l'entrepôt pour rejoindre le gros 4x4. Ils arrivèrent rapidement à la petite maison indiquée la veille par Charlotte et sortirent du véhicule qu'ils venaient de garer juste devant. Malcom défonça la porte d'un coup d'épaule puissant et les quatres survivants entrèrent d'un seul mouvement, armes pointées vers l'avant. Face à eux se tenait un seul homme grand, pâle et apparemment terrifié.

- Que voulez-vous ? Demanda-t-il d'une voix tremblante.

Malgré l'arme qu'il pointait sur eux, Malcom n'avait pas peur. Ce type n'allait pas tirer.

- Où est Billy ? Demanda Charlotte en avançant vers lui d'un air menaçant. L'homme braqua son arme sur elle mais, à peine eut-il le temps d'ouvrir la bouche qu'une porte latérale s'ouvrit et laissa apparaître un petit visage apeuré.

- Charlotte ? Demanda l'enfant. Il se passe quoi Phil ?

Tout de suite, la tension sembla se volatiliser. L'enfant semblait autant se rapporter à Charlotte qu'à l'inconnu face à eux. Malcom ne savait quoi penser mais Nicolas dû admettre que Charlotte ne leur avait pas menti.

- Bon maintenant balance, dit Charlotte, où sont tes potes ?

- Quels potes ? Demanda Phil avec un air réellement surpris.

- Ils sont partis chercher à manger, dit Billy d'une petite voix.

Phil fut une grimace et, apercevant quatre armes se braquer sur lui, il dû admettre. Ainsi Malcom appris qu'ils étaient sept, huit avec Billy mais que les autres étaient partis en expédition il y a deux jour afin de trouver de la nourriture et d'en ramener. Mais ils n'étaient pas revenu et Phil était inquiet pour eux. L'homme fut désarmé et une discussion entre Charlotte et Billy eut lieu pendant qu'une autre entre Eva, Malcom et Nicolas se tenait. Charlotte conclu que Phil et ses amis n'étaient pas de mauvaises personnes tandis que Nicolas tentait désespérément d'argumenter contre l'intégration de Charlotte à leur groupe. Mais Eva avait été séduite et Malcom lui-même devait bien avouer que la jeune femme ne leur avait donné aucune bonne raison de douter.

- On ne perd rien à les ramener à la ferme et à faire voter tout le monde sur leur cas, dit Malcom.

Nicolas donna son accord à contre cœur tandis qu'ils se dirigeaient tous vers la sortie. Il était hors de question de laisser Phil en liberté. Même si Charlotte avait l'impression que son groupe était bon, cela restait risqué. D'autre part, Malcom savait qu'à la ferme ils avaient besoin de renforts contre les pilleurs, et avec la quantité de nourriture que Charlotte allait leur permettre de ramener, savoir combien de nouvelles recrues allaient intégrer leurs rangs n'était plus un problème, à conditions que celles-ci soient fidèles.

Le nouveau petit groupe entra tant bien que mal dans le 4x4 qui, par chance, était relativement spacieux, Billy dû se mettre sur les genoux de Charlotte. Ils partirent en direction de l'entrepôt où leurs précédents locataires prirent les quelques affaires qu'ils avaient ainsi que trois caisses pleines de conserves. Sur la route du retour vers la ferme, Malcom se senti obligé d'avouer à Charlotte qu'ils n'étaient qu'une dizaine sur place, qu'il avait menti par peur d'une attaque, au cas où elle avait été malhonnête.
Arrivés à la ferme, la grille s'ouvrit rapidement. À peine le 4x4 entra-t-il dans la propriété qu'il aperçu une moto garée devant la maison, ainsi qu'un autre véhicule qui lui était inconnu. Mais le plus surprenant fut d'apercevoir Emma, face à Amélie. Elles se tournèrent en même temps vers la grosse voiture noir qui approchait. Elles avaient un même regard sombre et des traits crispés montrant que, une fois encore, elles n'étaient pas d'accord. Malcom ne savait pas ce qu'il s'était passé ici, mais les visages étaient crispés et quelque soit le récit qu'il allait entendre, il n'allait certainement pas lui plaire...

Humanité : Tome 2 - PouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant