XXXV. Réalités

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L'absence du brouhaha habituel dans l'amphithéâtre faisait un grand bien pour tout étudiant qui avait pour but d'écouter -tant bien que mal- les cours proposés par les différents professeurs de cette université. Une dizaine d'élèves seulement étaient présents dans l'immense salle. Amélie griffonnait sur une feuille en attendant l'arrivée du professeur. Un loup. Ce loup ouvrait grand sa gueule terrifiante pour tenter de dévorer le faucon qui le survolait. Un magnifique faucon digne au regard brillant d'une étincelle qu'Amélie aimait s'imaginer à chaque fois. Ce combat entre deux créatures opposées devait être magnifique. Ils se griffaient et se donnaient des coups dans cesse, attendant de voir l'autre succomber de ses blessures. Mais le loup avait beau être plus puissant, Amélie en était sûr, le faucon avait toujours la possibilité de s'envoler avant qu'il ne soit trop tard.

- Bonjour à tous, salua un vieil homme en entrant dans l'amphithéâtre.

Il installa ses affaires sur le grand bureau qui se trouvait aux pieds des rangées de sièges et regarda devant lui.

- Et bien... Dit-il en regardant un à un les 11 élèves présents. Content de constater que vous êtes au moins onze à avoir eu le courage de venir. De quoi voudriez vous que l'on parle aujourd'hui ?

- Du fort taux d'absentéisme à votre cours peut-être ? Proposa un élève installé le plus en retrait à la sixième rangée.

Un autre étudiant pouffa de rire tandis le le professeur hochait la tête.

- Bonne idée, ainsi nous pourrions dériver sur le fort taux d'absentéisme de votre humour.

Un silence se fit, l'étudiant concerné se contenta de faire une moue de désapprobation.

- Autre chose ?

- Croyez-vous en ce qui n'est pas croyable ? Demanda une jeune fille au second rang.

- Si ce n'est pas croyable non. Mais qu'est-ce qui peut ne pas être croyable mademoiselle... ?

- Zia.

- Zia, bien. Alors ?

- Les extraterrestres, proposa-t-elle, les fantômes ?

- Vous, qu'en pensez vous ?

Un autre étudiant du troisième rang leva la main et, sans attendre d'être interrogé dit :

- Ça typiquement ça n'existe pas.

- Quelles sont vos preuves ? Demanda le professeur, un léger sourire aux lèvres.

- Je... Ce n'est juste pas possible. La science n'a jamais prouvé l'existence des fantômes.

- A-t-elle démontré qu'ils ne peuvent exister ?

Le silence donna raison au professeur qui se tourna vers Zia.

- Quel est votre avis ?

- On ne sait pas s'ils existent. Cependant des études ont démontrées que si des extraterrestres avaient existé, nous les aurions déjà trouvé.

- Des études... Des études qui se basent sur quoi je vous prie ?

- La science. Les énergies, le temps, l'espace. Des mathématiques.

- Quelle science ?

- Et bien... La nôtre ? Celle de notre monde.

- Les entiers naturels sont-ils compréhensibles pour vous ?

Amélie se demandait où le professeur voulait en venir mais elle se contenta d'écouter, intriguée.

- Oui, répondit Zia sans savoir elle-même si elle n'entrait pas dans un piège.

- Si je vous demande de me calculer trois moins deux dans cet ensemble, vous n'aurez aucun problème, nous sommes d'accord. Car en toute logique, le résultat est de un. Si je vous bloque dans cet ensemble et que je vous demande de me calculer deux moins trois, que répondez vous ?

- C'est impossible.

- Bien. L'ensemble des entiers naturels peut être vu comme une sphère. Une petite sphère. Car deux moins trois, qui vaut moins un, se trouve hors de cette sphère, hors de cette réalité. Mais si vous allez chercher au-delà, alors vous vous rendez compte qu'il existe une autre sphère, qui elle accepte l'existence des nombres négatifs. Et cette autre sphère englobe elle-même la première.

- Quel rapport avec les fantômes ou les extraterrestres monsieur ? Demanda une étudiante du second rang qui n'avait pas parlé jusque là.

- Les théories que les Hommes développent depuis toujours se fondent sur ce qu'ils savent. Sur leurs découvertes et sur leurs certitudes. Autrement dit, la science telle que nous la percevons aujourd'hui est la science qui fonde notre réalité, mais qu'est-ce qui vous dit qu'au delà de la sphère qui forme notre réalité, il n'existe pas une autre sphère plus vaste encore ? Une autre sphère dans laquelle les fantômes sont tout ce qu'il y a de plus logique et crédible ?

- La mort pourrait-elle mener dans cette autre réalité ? Demanda Zia.

Le professeur ne pu retenir un rire.

- Peut-être, peut-être pas. Je n'en ai aucune idée. Mais rien ne nous dis que nous ne sommes pas en ce moment en train de rêver. Peut-être que tout ce qu'il y a autour de nous n'est qu'un immense mirage.

- Bien sûr que non, répliqua l'élève au dernier rang, je vous parle comme vous me parlez, nous sommes tous bien conscients de ce que nous vivons.

- Lorsque vous faites un cauchemar dans lequel vous commencez à vous noyer, qu'est-ce qui vous effraie tant ?

- La noyade, n'importe qui en serait effrayer, ça n'eut veut rien dire.

- Lorsque vous jouez à un jeu et que votre personnage se noie, êtes vous vraiment si terrifié que ça ? Non, ce qui vous terrifie, c'est que vous allez mourir, car cela semble plus vrai que jamais. Je suis même persuadé qu'il vous est déjà arrivé de rêver de quelque chose qui semble totalement banal sur le moment et, qu'à votre réveil, vous vous rendiez compte que finalement ce que vous avez vécu était dépourvu de toute logique.

- Ça m'est déjà arrivé, dit Zia.

- Et malgré le peu de logique que vous constatez à votre réveil, durant le rêve, tout semblait normal et explicable.

Le silence se fit dans l'amphithéâtre.

- Ce que je veux vous faire comprendre, dit le professeur en réajustant ses lunettes sur son nez, ce n'est pas que le père Noël existe, qu'un quelconque Dieu veille sur nous, c'est simplement qu'on ne sait rien de ce qu'on appelle la réalité. Quelles que soient les explications que l'on trouve, que l'on donne, nous trouverons toujours quelque chose qui dépasse notre entendement...

Sur ces mots, Amélie baissa les yeux sur son dessin. Son professeur avait raison. Après tout, qu'est-ce qu'un loup et un faucon iraient faire à se battre l'un contre l'autre ? 

Humanité : Tome 2 - PouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant