XXXVII. Interrogations

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Le calme était revenu sur la ferme, ou presque, les trois types ramenés par Emma étaient chacun dans une chambre en attendant le verdict et Phil était quant à lui enfermé là où se trouvait Henry quelques jours plus tôt. Seuls Charlotte et Billy étaient libres en attendant la fin de ce rassemblement. Si rien n'était clair lorsque Emma puis Malcom étaient rentrés, la vérité sur l'identité de Phil avait rapidement été mise à jour. Il était un membre du groupe des pilleurs. L'avoir en tant que prisonnier était une très bonne chose. Quant aux trois types ramenés par Emma... Amélie avait hurlée de rage. Elle pensait, comme beaucoup ici, qu'ils étaient membres d'un autre groupe. Ils étaient alors évidemment perçus comme un danger potentiel. Mais allaient-ils les mettre dehors ? Pas maintenant qu'ils savaient où était la ferme. Allaient-ils les exécuter ? Ce n'était pas leur façon de faire.

- Tu as été inconsciente ! Explosa Amélie en se levant et en frappant la table de ses deux poings.

- Ils seront utiles si tu leur laisse une chance ! Répliqua Emma en se levant à son tour.

- STOP ! Cria Malcom en frappant d'un coup puissant la table. Il ne sert à rien de continuer à perdre du temps sur le passé, contentons nous d'essayer de changer l'avenir puisque c'est la seule chose sur laquelle nous ayons encore de l'influence.

- Tu as raison, souligna Emma en descendant d'un ton.

Amélie se posa sur sa chaise en silence, imitée par Emma.

- Nous avons quatre individus potentiellement dangereux à l'intérieur, dit Amélie calmement. L'un d'eux fait parti d'un groupe de pilleurs qui est clairement ennemi. Les trois autres sont membres d'un groupe dont on ne connaît pas encore les intentions. Est-ce que quelqu'un a une solution miracle pour résoudre ce problème ?

- Sachant qu'on ne peut se permettre de garder quatre personnes que l'on veut séparer et garder sous contrôle ici, dit Philippe. À moins de toutes les mettre dans le garage. Nous sommes en hiver, l'homme qui y a passé la nuit, ce Phil, il ne tiendra pas longtemps ainsi. Même avec des couvertures, psychologiquement sa situation est plus que difficile.

Un silence s'installa. Pourquoi leur situation ne cessait-elle de bondir de problèmes en problèmes ?

- Laissons-les en liberté désarmés, proposa Emma. Mettons les à réparer les parties abîmées du mur, à travailler dans la serre en attendant de voir s'ils restent à leur place. Et tous les jours l'un d'eux sort avec les deux personnes qui vont nettoyer les rôdeurs accumulés. Ce sera une façon de les tester et de leur montrer que nous voulons leur faire confiance.

- Bien, lâcha Amélie. Mais pas pour Phil. Nous sommes sûr qu'il est un ami de nos ennemis. Phil sera enfermé dans une chambre, et pour les autres on fait ce que Emma a proposé. Autres propositions ? Ou quelqu'un qui n'est pas d'accord ?

Personne ne répondit.

- Parfait, dit Emma. Maintenant la question de ces pilleurs. Je sais où ils logent et, même s'ils retournent dans leur ancienne planque, Malcom sait où celle-ci se trouve. On détient l'un des leurs et d'après ce que Malcom rapporte, ils cherchaient de quoi survivre. Si nous leur proposons de se joindre à nous, ils n'auront plus ce problème n'est-ce pas ?

- Emma, dit Nicolas tu étais enfermée là-haut quand ils ont débarqué ici, tu y étais aussi quand ils nous ont attaqué sur la route. Ce ne sont pas des gens biens.

- Parce-que nous sommes des gens bien ? Demanda-t-elle. Combien de personnes avons-nous tué sans connaître leur réelle situation ? Malcom, n'aurais tu pas tué Charlotte s'il avait fallu pour ramener de la nourriture ?

Malcom la regarda droit dans les yeux. Ils connaissaient tous la réponse. Depuis trop longtemps le sujet principal de leurs conseils était de savoir comment régler ce problème de nourriture, depuis trop longtemps leur ventre continuait de gargouiller même après avoir mangé une portion parfois tout juste suffisante pour survivre.

- Je l'aurais fait, répondit le grand homme d'une voix grave.

- Peu importe, dit Amélie, nous savons qu'à deux reprises ils se sont attaqués à nous, et qu'ils pourraient très bien recommencer, surtout maintenant que les chasseurs sont hors-jeu. Alors attaquons les premiers, évitons qu'un autre massacre ait lieu.

- Ce sera un massacre, protesta Emma. Et tu as bien vu que notre groupe est faible, nous avons besoin de soldats. Pour pouvoir se lancer dans une guerre, il faut avoir des armes.

Le débat se prolongea quelques minutes encore durant lesquelles Amélie et Emma furent quasiment les seules à s'exprimer. Les autres se contentaient de jouer avec leurs mains ou de se lancer des regards pleins de sens. Jamais leur groupe n'avait autant souffert d'un tel manque d'organisation, de stabilité, de cohésion. Ils avaient un camp, certes, mais abritant des membres à la fidélité fragile ainsi que des dirigeants qui n'étaient que peu d'accord sur les façons de faire.
Le conseil prenant fin, la décision concernant les ennemis de la ferme devait être prise le lendemain. "On perd du temps" s'était énervée Emma. Les autres survivants avaient été aussi divisés que les deux jeunes femmes sur la décision à prendre. Certains misant sur le risque zéro en réclamant une intervention destinée à éliminer les pilleurs restant, les autres favorisant une tentative de diplomatie.

La porte du garage s'ouvrit lentement.

- Pas trop froid ? Demanda Emma en refermant la porte derrière elle.

Le sang rouge écarlate tapissait toujours les murs de la pièce froide. Le sol lui-même portait encore ces marques. Au fond de la pièce était assis un homme misérable, qui semblait malade à en mourir. Il leva la tête vers elle et dit d'une voix tremblante :

- Qu'est-ce que vous me voulez ? Pourquoi m'enfermer ici, j'vais en crever.

Emma fit mine de ne pas l'entendre et s'approcha de lui en observant les différentes tâches rougeâtres.

- J'ai demandé ta libération au conseil.

- Qu'est-ce qu'ils ont dit ?

Emma laissa échapper un rire moqueur.

- Ils n'ont pas compris pourquoi je voulais laisser libre nos ennemis.

- Vos ennemis ? Je ne suis pas un ennemi !

- Je le pense aussi. Mais pas la majorité ici.

- Alors il va se passer quoi maintenant ?

- Tu vas me dire tout ce que tu sais sur tes potes.

- Je ne sais pas, ils sont partis un jour pour aller prendre de la nourriture, et ils ne sont jamais revenus.

- Et tu ne sais pas où ils sont ?

- Aucune idée.

- Ils étaient prêts à nous tuer pour avoir de la nourriture ici ?

Phil baissa les yeux sans rien dire. Emma se baissa à son niveau et lui attrapa la mâchoire inférieure pour l'obliger à la regarder. Elle haussa les sourcils, attendant une réponse.

- Ouais, dit-il.

- Bien.

Elle le lâcha.

- Ils rentrent quand ? Demanda-t-elle en se relevant.

- Ils sont peut-être déjà rentrés. Ils ne devaient rester planquer que quelques jours si les choses tournaient mal. Et quand ils vont découvrir que moi et Billy on a disparu, ils vont revenir et vous niquer.

Emma sourit. Elle donna coup puissant de son talon gauche sur la tête de Phil qui s'écrasa à plat ventre en gémissant. Une goutte de sang perlant sur son front, il releva des yeux apeurés vers Emma.

- Ils ne me connaissent pas, dit-elle. Et si le besoin est, je leur apprendrai. Cette nuit je vais venir te chercher. Tu vas venir avec moi et nous allons parler à tes potes.

Elle tourna le dos à Phil et avança jusqu'à la porte pour l'ouvrir. Juste avant de sortir, elle lança un regard amusé à Phil et, un sourire en coin, lui dit :

- C'est moi qui ai décoré la pièce.

Voyant l'expression de l'homme virer de la peur à l'horreur, elle lui fit un clin d'œil et ferma la porte derrière elle. Elle resta quelques instants à la porte, l'oreille attentive et, à peine quelques secondes après, elle l'entendit éclater en sanglots. Elle souffla un bon coup. La victoire était à portée de main.

Humanité : Tome 2 - PouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant