XLV. La fin de la lutte

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Ce fut un tonnerre assourdissant de sons qui survenaient de toute part. Tout le monde était en mouvement, des cris inaudibles se faisaient entendre et une chaleur étouffante envahissait le lieu pourtant particulièrement grand. Emma hésitait à sortir de sa planque. Non, elle ne devait pas se laisser submerger par la horde. Elle resta donc à sa place, où la foule bruyante ne la croiserait pas. Elle avait prit soin de se mettre à l'écart. Justement en prévisions de ce moment. Emma chercha une silhouette en particulier dans la masse qui s'étalait devant elle. Mais elle ne la vit pas. Elle prit le risque de se lever pour mieux voir. Là-bas, entourée, cernée, mais la horde ne faisait pas attention à elle. Elle avait réussi. Dans quelques minutes, elle serait sortie, et sauvée. Emma n'avait pas eu le temps de lui dire ce qu'elle avait eu envie de lui dire depuis le début... mais ce n'était pas grave. Plus maintenant. Elles se reverraient de l'autre côté...


Emma se leva de sa place et descendit les marches enfin libres de l'amphithéâtre en direction du jeune professeur qui rangeait ses affaires.

- Monsieur, appela-t-elle en traversant les quelques mètres qui restait entre eux.

Il leva la tête.

- Tu es... Emma c'est ça ?

Elle sourit et confirma d'un signe de la tête.

- Je me posais une question si vous avez du temps, dit-elle en regardant l'homme ranger ses affaires dans un sac à dos.

Il s'arrêta dans ses mouvements et la regarda de nouveau.

- Bien sûr vas-y, sourit-il.

- Toutes les dictatures dont on parle en cours... à chaque fois le dirigeant est montré comme un monstre, ou dans le meilleur des cas comme un ennemi des droits des citoyens. Mais n'y a-t-il pas des cas dans lesquels des dictatures ont apporté plus de bien que de mal ?

Le professeur avait écouté Emma sans l'interrompre. Il hocha de la tête.

- Ce que tu dis est intéressant. En quoi une dictature peut-elle être bonne selon toi ?

- N'est-elle pas plus efficace ? Le dirigeant peut prendre les décisions qu'il veut, sans opposition réelle, pour le meilleur ou pour le pire. Et... je me dis qu'au moins, le peuple n'a pas à se déchirer entre différents partis. Ils sont ou alors pour leur dirigeant, ou alors contre. Mais quoi qu'il arrive, ils n'ont pas à s'embêter avec des questions politiques.

- Historiquement parlant, si on ne parle que de dictatures négatives, c'est parce qu'on ne connaît pas beaucoup de cas dans lesquels le peuple était complètement heureux d'y vivre.

- Quel cas ?

- Tu ne lâches pas l'affaire n'est-ce pas ? Dit le professeur dans un rire léger. Je mentionnerais Suharto qui a eu le mérite de ramener un peu de calme en Indonésie après la seconde guerre mondiale. Mais c'est sans évoquer les centaines de milliers de personnes qu'il a tuées pour stabiliser le pays.

Emma ne répondit pas tout de suite. Elle réfléchit aux paroles du professeur.

- Est-ce que son peuple ne lui a pas été reconnaissant ?

- Je ne peux pas être malhonnête, il y a certainement des personnes qui lui ont été reconnaissantes de cela. Car s'il ne faut pas oublier ces massacres, il faut aussi se souvenir que le pays est redevenu plus stable et vivable grâce à lui. Cependant... tu comprends que la fin ne justifie pas les moyens. Surtout avec ce genre de moyens.

Humanité : Tome 2 - PouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant