XI. Choix personnels

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Après une nuit complète à se retourner dans son lit, Emma avait une idée un peu plus clair sur la situation, sur ce qu'il convenait de faire. Ils étaient tous prêts à partir sauf Amir et Amélie. Cette dernière ne pourrait pas, même si elle le voulait. Quand à Paul, il n'était pas encore rentré depuis la veille, ils n'avaient pas encore eu l'occasion de lui parler et ne connaissaient pas son avis. Mais selon le médecin, il resterait aussi à l'hôpital. Et ce matin là, Emma avait bien remarqué le regard préoccupé de Malcom. Elle savait qu'il était avec Amélie depuis un bon moment, qu'ils survivaient ensembles, mais elle ne savait pas exactement quel était leur lien. Au départ elle pensait qu'il était un genre de gars qui veillait sur elle depuis sa plus tendre enfance. Mais d'après ce qu'elle avait pu comprendre, il n'était auprès d'elle que depuis que tout avait commencé. Peu importait, ils devaient trouver une solution, et vite.

- Cet hôpital est une mine de denrées rares pour tous les survivants de notre pays, disait Noham en regardant chacun avec insistance, nous devons partir.

Il avait laissé tout le monde silencieux. Chacun savait qu'il avait raison, que le moindre dérapage provoquerait des coups de feu, des morts, la formation d'une horde là, dehors... personne n'avait envie de revivre cette situation dramatique. Mais tout le monde savait que quitter les lieux signifiait aussi quitter Amélie. Nicolas semblait être le moins dérangé de tout cela. Même Martin était plus hésitant que lui.

- Si c'est dangereux pour nous, ce le sera pour eux, Amélie comprise.

Martin avait tenté de donner son avis, mais l'importance qu'avaient prises les décisions de Noham dans le groupe pesaient plus lourd que ce qu'il pensait. Ils avaient beau ne pas aimer ce jeune fou qui prenait la place de chef, personne n'aimait se mettre en avant et donner son avis, au risque d'être rejeté, de prendre une mauvaise décision. Autant dire que chacun était arrangé qu'une personne se dévoue. Et comme Noham ne considérait jamais que telle ou telle problème était de ça faute, tout allait pour le mieux.

En fin de journée, après qu'un groupe soit parti explorer la sortie de ville qui permettait de rejoindre la ferme décrite par Amir, tout le monde se réuni pour prendre une décision.

- La route semble sécurisée, disait Noham, du moins suffisamment pour permettre aux véhicules de passer sans problèmes. D'après la carte que m'a passé Amir et notre vitesse moyenne, on en a pour une trentaine de minutes à rejoindre cette ferme. On ne sait pas si on restera là-bas ou non, mais si jamais c'est le cas, on reste à une distance raisonnable de la ville, de l'hôpital.

Il marqua une pause pour regarder chacun puis repris avec un ton qui se voulait être confiant :

- Je sais que la plupart d'entre vous sont hésitants, le fait qu'Amélie reste là, le fait qu'Amir soit médecin... Mais en mémoire de ceux qui sont morts là-bas... on ne peut pas prendre le risque de reproduire ça. Tony, Harry, Perrine...

- Et Louis, le coupa Martin.

Emma senti un éclair passer entre le regard des deux hommes.

- Ouais, Louis aussi. Tout ça est dû à des erreurs, des erreurs que nous ne pouvons nous permettre de commettre de nouveau. Amélie s'en sortira, et Amir m'a fait la promesse qu'il nous rejoindra avec sa fille et Paul si les choses tournaient mal ici.

Emma observa Malcom qui venait de baisser les yeux. Il était étrangement silencieux depuis qu'Amélie avait été blessée. Il restait très en retrait et évitait de s'engager dans des conversations. Emma elle-même avait pris ses distances, préférant monter sur le toit du bâtiment pour observer les environs, observer ces mort-vivants qui marchaient sans s'arrêter. Repenser à la mort de Franck... à toutes les morts précédentes, aux tensions qui hantaient le groupe depuis cette courte guerre. Lorsqu'elle avait hésité à sortir Martin et son ami de l'épicerie il y a quelques mois, elle savait qu'en faisant cela, elle s'engageait dans un sorte de sociabilité. Elle avait mit fin à sa solitude et avait pensé que finalement, cela pourrait l'aider. Aujourd'hui, elle s'était attachée à certaines personnes mais comprenait pourquoi elle avait évité cela au départ : une communauté ne menait qu'à la destruction et à la souffrance. Il y avait forcément des pertes, forcément... depuis la nuit dernière elle pensait avec culpabilité à la possibilité de reprendre la route en solitaire, sans rien dire à personne. Elle avait même repensé à ce livre qu'elle avait dans son sac, qu'elle lisait il y a quelque temps encore. Baudelaire décrivait ce monde sans même savoir qu'il allait devenir plus vrai que nature. En ce moment, beaucoup trop de questions se battaient dans ses pensées, ne lui laissant que trop peu de repos.

Humanité : Tome 2 - PouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant