Partie 37 : «À barque désespérée, Dieu fait trouver le port ! »

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  *Raïssa*

  Cela fait maintenant deux semaines que je suis rentrée chez moi ! J'ai reçue plusieurs appels de mes amies dont Seynabou, Nogaye, Mamadou, Emir, et plusieurs autres camarades de classe, me demandant où je me trouvais, pourquoi je ne venais plus à l'école ! J'ai été vraiment touchée par autant d'attention de leur part, humm un peu de curiosité aussi dans tout ça... je me limitais juste à leur dire que j'allais bien et que je reviendrais InshAlah (Si Dieu le veut), à Seynabou je lui ai expliqué brièvement ce qui s'était passé, elle était triste et fâchée en même temps, elle me reprochait de ne pas lui avoir parlé de tout ça et n'en revenait pas de la méchanceté de ma tante et de ses enfants, elle me proposait de revenir à Dakar et de venir rester chez elle, que sa maman m'aimait beaucoup ! J'ai refusé, je ne veux plus jamais être dans cette cité, dans ces situations, non je ne voulais plus... elle avait insisté, j'étais catégorique, on a commencé à nous quereller puis pour apaiser les tensions je lui ai promis d'y réfléchir avant de raccrocher, tout en sachant que ma décision était déjà prise et c'était un NON !
  Le plus surprenant fut l'appel d'Estelle, j'avoue que j'ai été surprise, je ne m'y attendais pas du tout ! Elle m'a juste dit que cela faisait presque deux semaines qu'elle ne m'avait pas vue à l'école et qu'elle s'inquiétait pour moi, je l'ai rassurée, puis elle m'a parlé des cours que j'avais raté, et elle a promis de me les expliquer lorsque je reviendrais, je l'ai remercié et elle a raccroché ! C'était bizarre, elle m'avait parlé normalement comme si on n'avait jamais été en froid, et comme je ne savais pas faire semblant, je répondais machinalement à ses questions ne comprenant toujours pas son comportement, mais bon tant mieux alors !
  Ma mère étant une bonne cuisinière, connaissait de nombreuses recettes Africaines comme Européennes ! Et comme elle ne voulait pas me voir rester à la maison et ainsi avoir le temps de m'apitoyer sur mon sort, elle préparait des cakes, mini-pizzas, Gaufres, Poudings, pastelles, et des beignets à base de mil et me les mettait dans un récipient pour que j'aille les lui vendre dans les maisons voisines et alentours !
Cela m'occupait un peu et me permettait de ne pas trop penser à ce qui m'arrivait et surtout cela me rendait heureuse de pouvoir aider ma mère qui était quant à elle en train de tresser ses clients comme d'habitude ! Ah oui, vous pensez qu'elle avait oublié les tresses, eh bah non ce serait juste trop beau, ma mère n'oublie jamais ! La veille elle m'avait défrisée les cheveux et walaie j'ai failli pleuré, elle m'a taquinée en me disant que ces derniers temps j'avais une fontaine à la place des yeux car j'avais tout le temps envie de pleurer !!
Aujourd'hui, dès le réveil, après les tâches ménagères, elle m'avait fait de très belles tresses, juste avant que je ne parte vendre mes amuses bouches, et elle, tresser ses clientes !
Les gens n'arrêtaient pas de me complimenter, tout le monde disait que j'étais trop belle ! Il y'a même eu un touriste à qui je vendais des cakes qui m'avait demandé s'il pouvait prendre une photo avec moi, j'ai bien sûre refusé (je ne voudrais pas me retrouver demain sur une carte postale lol) et je lui ai vendu un peu à la hâte pour partir car le vieux toubab (Blanc) là ne se décourageait pas ! Et maman qui disait ne vouloir pas que j'attire le regard des gens (rire)...
  Après mon petit commerce qui se terminait assez vite car les gens du village et surtout les touristes raffolaient de ces amuses bouches, je passais par le marché pour rentrer et j'en profitais pour acheter de quoi préparer le repas ! À la maison je préparais tout, et j'attendais le retour de maman ! On mangeait dans la gaieté en discutant ! Elle repartait, et je me remettais au fourneau pour le diner !
Après tout cela, je pars me laver et mis juste un bustier noir et une sous-fesse blanche puisqu'il faisait un peu chaud...si ma mère me voyait dans cette tenue, c'est sûr qu'elle allait commencer à râler (rire) mais de toute façon je ne sortais pas de la maison... !
Je me mis sur mon lit pour enfin me reposer ! Mais c'est dans ces moments de répit que mon cerveau ne me laissait pas en paix, je repensais sans cesse à la tournure qu'avait prise ma vie, à mes études qui allaient se gâchaient, à mes rêves envolés, à la méchanceté de ma tante et de ses filles, à comment mon oncle se faisait manipuler par sa femme, à Francis et à son stoïcisme quand sa mère et ses sœurs s'étaient mises à m'humilier, je ne le connaissais pas sans cœur ! À cet homme sans cœur qui me servait malheureusement de père et de ce que m'a dit ma mère de lui l'autre jour, à Chris qui ne cessait d'appeler et que j'ignorais toujours... à pleins d'autres choses... j'en avais mal à la tête ! Je me levais et entrais dans la chambre de maman pour chercher du doliprane dans ses tiroirs quand j'entendis Souléy, le fils de tata Koréa la voisine m'appeler !
  Moi : Souléy Lou khéw ?? (Souléy que se passe-t-il ?)
  Il entra dans la chambre à la hâte, et avec ses plastiques contenant du sable, il salit toute la maison !
  Moi : guénal négu bi ioe, yaak liguéy reik gua meune, kholal linguafi taakalé (sors de la chambre, tu aimes trop gâcher le travail des gens, tu as vu comment tu as Sali ici)
  Lui : cheutt meunoma bayi (pfff tu ne peux pas me laisser tranquille)
  Moi : So beugué koula bayi gua déff yeufou niit, guolo guololou reik mola nekh, lane la sakh ? (Si tu veux qu'on te laisse en paix il faut être normal, tu aimes trop faire le singe, et puis même qu'est ce qui se passe ?)
  Je disais cela en sortant pour prendre un balai dans la cour et je faillis tomber à la renverse en voyant celui qui se tenait devant moi :o
  Souléy me suivit :
  Souléy : kokou moladone sétt, coté marsé ba ladone foowé dégu ko mouy laté koulafeu kham, ma indiko. Bakhna dh méynama 5000, dama fookni sakh weuroul, mane démnaa (c'est celui-là qui te cherchait, je l'ai trouvé à côté du marché où je jouais demandant après toi et je l'ai amené, il est gentil Hein il m'a donné 5000 francs, j'ai même pensé qu'il était fou, bon je m'en vais moi !)
  Et il partit en courant comme d'habitude, jamais il ne marche ce garçon toujours à courir ! Il ne changera jamais...
  Je le regardais avec de gros yeux, mais que faisait-il ici et surtout comment avait-il su que j'étais là ?

Chronique D'une Jeune Fille Senegalaise Au Destin SingulierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant