Flash Back #4

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5 juillet 2000

Judith sirote son cocktail en jetant un œil au barman.

- Ya moyen que je me le fasse, tu crois ? demande-t-elle à sa voisine, sa meilleure amie Wendy.
- C'est pas ton genre. Regarde plutôt là bas, ya un groupe de BG qui a débarqué.

Judith suit le regard de Wendy, soit vers la partie opposée à elles du bar.

Trois hommes, à peine âgés de vingt ans, sont accoudés, un verre à la main. Ils sont absorbés dans leur discussion.

Judith se tourne vers son amie, une moue sur le visage.

- T'es pas sérieuse ? On a dit qu'on allait taper chez les trentenaires.
- Les trentenaires de Caen ils sont tous casés avec trois gosses, ils viennent plus en boîte. Fais pas la fine bouche, ils ont l'air chaud ces trois là...
- Mouais... Vas y sans moi alors.
- Juju ! Me laisse pas y aller toute seule ! On a dit qu'on se trouvait un coup ce soir, histoire de fêter le bac.

Judith soupire, et à contrecœur quitte le tabouret sur lequel elle était juchée, prend le bras de Wendy et toutes deux viennent aborder les trois hommes.



- On se voit demain ? glisse Wendy discrètement à Judith. Je passe chez toi vers quinze heures, ça le fait ?
- Tranquille. À demain ma belle, fais gaffe à toi.
- T'inquiète pas, je sais me défendre...

Elles se serrent rapidement dans les bras, puis se séparent. Judith trotte jusqu'à la Peugeot garée à trois cents mètres de l'entrée de la boîte. Elle ouvre la portière côté passager, et sourit au conducteur.
- On va chez moi ou chez toi ? lui demande celui pour qui son cœur a fait un bond dès leur premier regard.
- Chez toi. Je vis encore chez ma mère...
- Ça marche.

Il démarre, et vingt minutes plus tard, la Peugeot se gare devant une petite maison de ville.

Ils ne sortent pas de la voiture.
Elle le dévore des yeux.

Jamais elle n'aurait cru tomber sur un jeune homme de dix huit ans, au crâne rasé et au physique ressemblant à tout sauf à celui d'un bodybuilder.
Mais son regard, à la fois pénétrant et sensible, l'avait séduite.

Il lui sourit.

Puis il se penche vers elle et effleure ses lèvres.

Elle ferme ses paupières.

- On y va ?
- Oui, elle répond dans un souffle.




Judith ouvre les yeux tout doucement, et la première chose qu'elle voit est son chemisier, par terre, à côté d'un jean et d'un polo orange.

Elle se relève doucement, et analyse la situation.
Aurélien, le gars avec qui elle a passé la nuit, dort encore, à sa droite. Ils sont, comme elle le présume, dans sa chambre.

La gueule de bois commence à l'assommer. Elle esquisse une grimace et s'extirpe du lit, à la recherche d'une aspirine.

Elle ramasse ses vêtements et les enfile rapidement, en faisant attention à ne pas le réveiller.

Puis elle sort silencieusement de la chambre et file découvrir la maison.

La chambre donne sur un grand palier desservant une salle de bain, une autre chambre et un espèce de bureau. À droite de la porte, un escalier menant au rez-de-chaussée.

Elle descend ce dernier en se tenant aux murs et en regardant partout autour d'elle. En effet, des photos, des posters, des affiches de disques sont affichés partout dans la cage d'escalier. Le tout donne une touche originale, unique.

Le rez-de-chaussée est assez simple. Une petite cuisine, un grand salon et une porte donnant sur une buanderie. Une nouvelle fois, des affiches sont éparpillées partout sur les murs. Ici, des étagères remplies de figurines de mangas prennent tant de place que Judith a pendant un instant l'impression d'être à la Japan Expo.

Elle ne s'y connaît pas tellement, en manga. Elle a juste entendu parler des basiques, et des animés qui sont aujourd'hui des légendes. Concernent les goûts musicaux d'Aurélien, elle est tout aussi ignorante. Elle a reconnu quelques noms du rap américain, comme 2Pac, mais c'est tout.

"Je devrais lui demander, ça alimentera la conversation".

Ses pieds l'emmènent vers la cuisine. Elle ouvre plusieurs tiroirs et placards, et tombe souvent sur des baguettes asiatiques encore emballées ou des ramens pas encore consommés.

Elle soupire, parce que son mal de tête ne s'est pas calmé, et remonte l'escalier, direction la salle de bain. En fouillant un peu, elle finit par tomber sur la boîte à médicaments, où elle trouve son bonheur.

Cependant, juste avant de refermer la boîte, son œil est attiré par une petite cassette.

" Qu'est ce que ça fout ici ?"

Vérifiant qu'elle est toujours la seule réveillée de la maison, elle agrippe la cassette et va s'asseoir sur le rebord de la baignoire.

Saint Valentin.

C'est le titre de la cassette.

"Saint Valentin ?..."

Elle la retourne dans tous les sens, comme si elle allait obtenir des réponses à ses questions.

- Hey, l'interpelle une voix rauque.

Elle sursaute et fait tomber la cassette dans la baignoire. Le bruit est recouvert par un enchevêtrement de serviettes disposées dedans.

- Salut, répond elle en se levant.
- T'es déjà levée ?
- Ouais... J'avais mal à la tête.
- Ah merde. En même temps, vu tout ce que t'as pris hier...
- C'est bon, j'ai trouvé une aspirine.
- T'as réussi à en trouver une même dans tout le bordel qu'il y a ici ? Chapeau.

Elle rit.

Puis gênée, elle tire sur son chemisier (elle a décidé de ne pas enfiler son jean, en fin de compte) pour cacher le haut de ses jambes.
Un sourire moqueur aux lèvres, Aurélien la regarde faire, et s'approche doucement d'elle.

- Pas la peine de te cacher comme ça, j'ai déjà tout vu.
- Ouais mais quand même...

Il fait un pas de plus.

Judith se pince la lèvre.

Recommencer ce qu'ils ont fait il y a seulement quelques heures ?

Pourquoi pas...

Mon père et ses histoires à raconterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant