J'ai toujours cru que j'étais née sans père. On me l'avait tant de fois répété à l'école, au collège, et maintenant au lycée, que j'avais fini par croire que c'était vrai. "Ta mère elle t'a sortie sans couilles". "Ton père si t'en as un il a tellement honte de toi qu'il préfère ne pas te voir", et autres vulgarité rythmaient mon quotidien.
Bien sûr, étant petite, j'ai posé des tas de questions. Pourquoi moi et ma mère vivions nous seules, à l'écart des autres? Pourquoi mon père ne venait jamais? Elles aurait au moins pu me dire quelque chose, mais non. Elle restait muette, plongée dans son mutisme.
Elle aurait pu me dire que j'étais le fruit d'une erreur, que mon père était un salaud, ou même qu'il était mort. Non, elle se résignait à se taire et à ne laisser filtrer aucune information. J'ai fini par comprendre pourquoi longtemps après.Aujourd'hui, je ne demande plus rien. Je vis ma vie sans me soucier de mes origines, sans chercher à savoir de qui je suis le portrait.
J'ai donc presque seize ans et je suis en première L (j'ai dû sauter une classe parce que j'avais un niveau quelque peu meilleur que les autres). Lire m'a toujours passionnée et j'aimerais m'orienter vers une fac de lettres, alors cette filière était comme faire pour moi.
Ma mère et moi vivons dans un quartier populaire de Caen. Enfin, à Caen... C'est une espèce de ville qui s'appelle Hérouville Saint Clair, et la plupart des gens ne s'y attardent pas. C'est triste comme coin, il fait rarement beau et il y a plus de zones industrielles et de HLM que de résidences pour les gens huppés.
Ma mère travaille comme cantinière dans mon ancien collège. C'est une femme encore jeune, à peine trente cinq ans, bien bâtie et qui ne rechigne pas à travailler malgré ses problèmes de santé. Depuis ma naissance elle n'a jamais cherché à se remarier ou même se sociabiliser; le soir, quand elle rentre, elle allume la télé et l'éteint seulement pour aller se coucher. Parfois elle me fait vraiment pitié. Alors je travaille d'arrache pied pour avoir de bons résultats en cours et essaie de faire le moins de sonnerie possible pour qu'elle ne perde pas ses forces à m'engueuler.
J'ai peu d'amis. Mon physique peu avantageux et les rumeurs qui circulaient sur moi n'ont pas vraiment aidé, mais j'ai un meilleur ami, Carlos, d'origine espagnole, qui me soutient et est mon plus fidèle bras droit.
Lui aussi a été victime de sévères discriminations. On l'appelait toujours l'espagnol, le petit Kendji, et autres insultes qui respiraient tellement la bêtise que je ne les citerai pas.
Bien sûr, je ne fréquente pas que Carlos. J'ai d'autres amis, avec qui je parle très souvent.
Quelques fois.
Ok. Rarement.
J'ai beau être au lycée, où les gens sont plus matures, où le contact est plus facile, non, je suis toujours très impopulaire. La plupart des gens de ma classe sont avec moi depuis le collège voire le primaire ou la maternelle, alors au lieu d'être sauvée des ragots j'en ai encore plus bavé.
Mais bon. Je n'ai pas à me plaindre. J'ai une vie sociale merdique, une famille que je connais à moitié (dans tous les sens du terme), et un père que je recherche. Enfin, que je connais juste de nom. Ce qui me pousse à dire que je ne le connais pas quand même.Trêve de bavardages.
L'histoire? De suite les gens.
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Mon père et ses histoires à raconter
FanficTout le monde ou presque connaît Orelsan, le rappeur originaire de Caen ayant connu plusieurs polémiques par rapport à certaines de ses chansons. Tout le monde donc, sauf moi. Et pourtant je devrais. Parce que c'est mon père. #940 dans la catégorie...