Le lundi matin est arrivé vite. Trop vite même je dirais. Il est l'heure de retourner au lycée et autant dire que ça sera très dur.
Fiona et ses potes vont pas nous louper, Carlos et moi. Je sens qu'on va se faire traiter de tous les noms, du genre "mais cassez vous sales connards, vous voyez pas que personne peut vous blairer ici ?". Je pense qu'on va aussi très mal nous regarder (bon ben ça ça change pas tellement), peut être aujourd'hui plus que la moyenne.
Je soupire. Encore une belle journée de merde.
Ah non, ça pourrait aller en fait. En littérature je devrai travailler avec un groupe de filles assez sympas, j'essaierai de créer des liens et de les garder aussi longtemps qu'il faudra... Sauf si elles se mettent à croire ce que dira Fiona sur mon compte.- T'as l'air perdue dans tes pensées ma chérie.
Je sursaute presque.
Ma mère, vêtue simplement d'une robe de chambre délavée, boit son café en lisant un de ses bouquins préférés. Son visage est tellement ridé qu'elle fait minimum quinze ans de plus.
- T'as pas idée, je marmonne en finissant mon bol de céréales.
- T'as des problèmes au lycée ?Mon problème c'est toi, c'est toi qui as voulu me cacher la vérité.
C'est ce que j'ai envie de lui cracher au visage.
Mais je sais que si je lui dis ça elle va se laisser faire et ne va même pas essayer de me contredire ou de m'engueuler. Elle va se ratatiner sur elle même et passer directement à autre chose.
C'est comme si c'était elle l'enfant, qui avait fait une connerie et qui se laisse engueuler par sa mère.Ça me fait pitié.
- Hey Alma.
- Hey.Je fais la bise rapidement à Carlos et je vérifie les regards.
Personne qui nous observe en plissant les yeux ou nous regardant tout simplement mal.
Personne qui chuchote sur notre passage.
Non, on est comme invisibles.Je respire alors.
La matinée se passe en mode normal. RAS comme dirait.. Comme dirait je ne sais qui. En littérature comme prévu j'ai travaillé avec trois filles très sympas, Laurianne, Inès et Eulalie. On a bien rigolé et on s'est même échangé nos insta.
Ce sont des choses qui se font en début d'année, je sais bien, mais jusque là j'ai été tellement réservée et repliée sur moi même que je n'ai pratiquement jamais parlé aux autres personnes. Carlos, ça fait depuis le collège qu'on est inséparables mais il m'a lâchée pour aller en ES. Évidemment. Alors oui j'aurais dû essayer de me sociabiliser un minimum mais j'en étais incapable. Comme je disais un peu avant (je vais éviter de me répéter c'est chiant à la longue, surtout si c'est pour faire ma victime), les gens n'ont pas été propices à la conversation.
Enfin bref. J'ai des nouvelles potes, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.Le midi, je reste avec elles. Ça me fait du bien de rester avec des filles de mon âge, ça ne m'est pas arrivé depuis l'épisode de la patinoire.
Par contre ça plaît pas trop à Carlos. Au self, alors que je rigolais à une réaction comique d'Inès, j'ai croisé son regard.
Il ne m'a jamais autant fait mal, son regard. On pouvait sentir la détresse, la tristesse, la rancœur... Et même la colère.- Ça vous dérange si Carlos vient avec nous ? C'est mon meilleur pote et il est tout seul...
Elles se regardent et s'interrogent mutuellement.
- Si tu veux, lâche finalement Laurianne. Il est pas trop chiant ? Parce que j'ai cru entendre Sabrina dire qu'il était vla chelou.
Ah.
Sabrina.
Une pote à Fiona.Je prends une grande inspiration et leur dis clairement :
- Faut pas croire tout ce que racontent les gens. Lui et moi, on est devenus potes parce que au collège on était tous les deux insultés en permanence. Alors du coup, ça a entraîné un manque de confiance en soi, une timidité maladive ou encore une réputation dégueulasse. Mais ça fait pas de nous des gens bizarres. OK c'est vrai on est un peu associaux mais c'est pas de notre faute. Ça vous suffit comme arguments ?Elles me fixent un bon moment, jusqu'à ce qu'Eulalie éclate de rire.
- Mais vas y mais invite le de suite ton pote on va pas le laisser manger dans son coin mdr !
Je la remercie d'un sourire et fais de grands signes à Carlos, histoire de lui faire comprendre qu'il est le bienvenu à notre table.
Mais il refuse de bouger.
Son regard me fait toujours aussi mal.Alors c'est moi qui décide de bouger. Je quitte précipitamment la table et arrive essoufflée à la sienne.
- Carlito, on t'a jamais dit que c'était impoli de refuser une invitation ?
- Casse toi.Je reste muette.
- Comment ça "casse toi"?
- Tu comprends pas le français, maintenant ? Je te demande de me laisser seul.
- Mais enfin Carlos...
- Je vais devenir violent Alma. Retourne avec tes nouvelles potes je vois que je sers plus à rien.
- Je te proposais de venir. Mais puisque tu veux rester dans ta merde... Eh ben reste une pauvre merde.Et hop je retourne sur mes talons. Les filles me demandent pourquoi l'intéréssé n'est pas venu.
- Comme vous disiez tout à l'heure il est chelou, je réponds brusquement en mangeant mon quignon de pain.C'est quoi son problème ? Pour une fois qu'on peut ne pas être les différents et montrer aux gens qu'on est pas des sauvages bordel.
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Mon père et ses histoires à raconter
FanficTout le monde ou presque connaît Orelsan, le rappeur originaire de Caen ayant connu plusieurs polémiques par rapport à certaines de ses chansons. Tout le monde donc, sauf moi. Et pourtant je devrais. Parce que c'est mon père. #940 dans la catégorie...