Quiproquos. 37

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Je rougis comme jamais j'ai rougi.

Je m'attendais à tout sauf à une rencontre de ce genre.
Surtout qu'elle a l'air bien vénère.

Les deux compères arrivent tout essoufflés au palier et commencent à analyser la situation.

Moi, allongée sous la couette, l'air perdu.
Capucine, légèrement énervée, tenant la poignée de la porte dans sa main. Fixant son copain, l'air d'attendre une réponse.

- Dis moi pas que c'est encore un des plans foireux de Gringe, grince t elle entre ses dents.
- Mais arrêtez putain, proteste l'intéressé. Orel, tu lui as rien dit ?
- J'ai pas eu le temps, t'as bien vu, se justifie mon père. Capu, ben... J'ai appris un truc quand t'étais pas là.
- Qu'est ce que t'as appris encore comme connerie ? grommelle t elle avec une once d'inquiétude dans la voix. T'as quand même pas appris que cette gamine c'était ta fille et que tu la receuillais pour la nuit ?
- Pas juste pour la nuit.

Si le contexte avait été différent, la tête de Capucine m'aurait bien fait rire. Mais là...

Elle regarde mon père comme si c'était la première fois qu'elle le voyait tel qu'il était.

- Mais, elle commence à balbutier. Mais... Comment ?
- Judith était enceinte quand on a rompu. Elle me l'a caché, jusqu'à ce que je le découvre.
- Quand ça ?
- Hier soir. C'est... Compliqué. Mais voilà, jsuis daron quoi.

Silence de mort.

Je sens le regard de Capucine passer de moi à Orel. Puis de Orel à Gringe. Puis de nouveau sur moi.

- J'y crois pas, grince t elle entre ses dents.

Elle s'approche rapidement de moi et se positionne juste à côté du lit, en me toisant.

- Qui dit que t'es pas une clocharde qui cherche un prétexte pour gagner du fric ? me crache t elle au visage. Qui dit que t'es réellement sa fille, hein ?
- Capucine ! s'énerve mon père. Tu lui parles pas comme ça steuplé. Pis tu vois bien que c'est ma photocopie putain ! Tu peux pas remettre ça en cause.
- Je crois ce que je veux et je dis que cette gamine est une putain d'impostrice, elle rétorque en me montrant du doigt. C'est pas plus ta gamine que moi.
- Tu peux pas nier que c'est pas l'enfant d'Orel, intervient Gringe d'une voix claire. On est passé voir Judith ce matin, tout concorde. C'est la fille d'Orel que tu le veuilles ou non. Et puis comme il le dit, c'est son portrait craché.

Elle les dévisage un à un avant de me lancer un ultime regard plein de dégoût. Si elle avait pu je suis sûre qu'elle m'aurait éjectée du lit, même de l'appartement sans aucun remord.

- Très bien, dit elle dans un soupir, puisque tout le monde est contre moi j'ai plus rien à foutre ici. Cette ville craint vraiment.

Elle retourne vers la porte.

- Capu, tente de la raisonner mon père en essayant de lui attraper le bras.

Elle se dégage de son étreinte et on l'entend descendre les escaliers à toute vitesse. Mon père se lance à sa poursuite en continuant de l'appeler.

Ne restent alors plus que Gringe et moi, l'air désemparé.

Je me ratatine sur moi même.
Je n'ai jamais voulu causer tant de problèmes.
Ils n'avaient qu'à utiliser une putain de capote il y a seize ans, bordel.
On n'en serait pas là...

J'entends Gringe bouger puis je sens un poids sur le lit. Je relève la tête.
Il est assis sur le rebord, à une soixantaine de centimètres de moi. Il m'adresse un regard se voulant compatissant accompagné d'un sourire. Je le lui rends.

- Commence pas à croire que c'est de ta faute. Faut la comprendre, elle débarque et... Enfin voilà, quoi. Ça reste entre nous, se met il à chuchoter, elle est à moitié chelou aussi donc sois pas trop étonnée.

J'esquisse un sourire plus franc.

- J'ai cru voir ça, oui.
- Mais bon, Orel est heureux avec elle, donc... J'ai l'impression de le revoir avec ta mère au tout début qu'ils étaient ensemble. Avant le truc, évidemment.

Le "truc". Le moment où Judith a cru bon de tromper Aurélien comme ça, sur un coup de tête.

Je reste pensive quelques instants.
Jusqu'à ce que Orel remonte du rez de chaussée. L'air dépité.

- Elle a rien voulu entendre, lâche t il à notre attention. Elle est repartie sur Paris.
- En voiture ? s'étonne Gringe. Elle a pas fini, le dimanche soir c'est infernal le périph '...
- En train, le coupe Orel. Elle... Elle est partie en traînant sa valise bleue. Celle que je lui ai offerte ya deux ans. Je la reconnais pas putain, elle aurait dû être contente, je sais pas...

Il vient s'asseoir avec nous, puis s'allonge carrément sur le lit.

Gros silence dans la pièce.

Je m'allonge également à ses côtés, en veillant tout de même à laisser un léger espace entre nous.
Parce que voilà, de base je ne suis pas du tout tactile avec les gens, alors avec ceux qui me sont en grande partie inconnus...

- Je suis désolé que t'aies vu ça, me glisse mon père à l'oreille. En temps normal c'est une meuf géniale. Mais là, elle a dû piquer une crise de jalousie.
- C'est moi qui suis désolée, je lui réponds en faisant attention à ne pas trahir mes sanglots. Je n'aurais pas dû venir. J'abuse de... De toi et c'est de ma faute si tu t'embrouilles avec Capucine.
- Je t'interdis de dire ça, gronde t il en se relevant brusquement et en me fixant. C'est pas parce que Judith a merdé qu'il faut que tu fasses passer la faute sur toi.

Penaude, je hoche timidement la tête.

- Elle s'en remet sûrement pas d'avoir croisé Bella Hadid, ricane Gringe. Elle a dû croire qu'elles étaient devenues potes, alors revenir ici avec les Casseurs Flowters ça lui a foutu un coup au moral...
- Arrête de parler Gringe ou je t'en fous une.
- Oh, ça va, si on peut plus rien dire...

Le silence envahit la pièce, jusqu'à ce que la voix de Carlos s'élève timidement :

- Euh... Alma ? T'es toujours là ?


Mon père et ses histoires à raconterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant