Réconciliation. 39

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Je cligne plusieurs fois des yeux, puis me rends compte que je ne rêve pas.

Au moment où je m'apprêtais à rebrousser chemin et à aller prendre le tram, une voix m'appelle :
- Alma ! Att... Attends !

Je me retourne et la vois sortir de la voiture en me faisant un signe.

Elle arrive à mon niveau et m'adresse un léger sourire.
Je reste froide, pour ma part.
J'ai pas oublié le "qui dit que t'es pas une clocharde qui cherche du fric" ou le "impostrice".

- Salut, se contente t elle de dire. Euh... Comment tu vas ?
- Ça va.

J'ai rarement été aussi peu aimable.
En même temps je vais pas jouer celle qui veut faire sa faux cul. C'est pas du tout mon genre.

Elle est complètement prise au dépourvu. Je sais pas quel était son plan mais il est en train de tomber à l'eau vu mon humeur.
Elle prend une grande inspiration et pose ses mains sur mes épaules. Je leur jette un regard de dégoût, j'aime pas quand on me fait ça, ça pue les déclarations solennelles.

- On n'est pas du tout parties sur des bonnes bases. J'en suis désolée.
- Tu l'étais pas trop hier soir.

Elle se pince la lèvre.
Un aspect qu'on a en commun.

- Viens dans la voiture, on parlera mieux.

En effet, des gens commencent à nous regarder étrangement. Je la suis à contrecœur.

Je me réinstalle côté passager et cale mon sac sur mes genoux.
Je ne dis rien. Ce n'est sûrement pas moi qui vais engager la discussion.

- Comme tu le vois je ne suis pas repartie sur Paris.
- Humhum.
- Parce que... J'ai réfléchi. Je me suis mal comportée, hier.
- En effet. J'ai rien demandé, moi.
- Mais moi non plus ! Essaie juste de me comprendre. Mets toi à ma place...
- La flemme.

Elle rigole franchement.

- T'es bien comme Orel...
- Une preuve de plus comme quoi je suis sa fille. Tu commence à me croire, maintenant ?

Silence.

Je pense que c'est le bon moment pour m'expliquer.

- Je sais pas si tu sais ce que ça fait de vivre dans l'ignorance, surtout celle qui cache un secret. Moi, c'est ce que j'ai vécu pendant seize ans. Je ne savais absolument pas qui était mon père et je n'en ai rien su jusqu'à peu. Ma grand mère a osé me raconter la vérité, quitte à s'engueuler avec sa fille. Crois moi, quand j'ai appris ça toute ma vie a été chamboulée. Je ne souhaitais pas entrer dans sa vie comme ça en faisant un scandale, en exigeant qu'il me reconnaisse et m'accueille sous son toit. Non, je suis pas du tout ce genre de personne. Tu vois, mon rêve c'était simplement de le voir, de le rencontrer. Peut être même de lui parler. C'est ce que j'ai eu la chance de faire au concert samedi soir, même si les choses ont évolué dans un sens inattendu. Et voilà où on en est. C'est plus beau que ce que je pouvais espérer, mais je sais que pour que ça soit parfait il va falloir attendre encore. Une relation père fille ne s'impose pas comme ça. Alors crois moi ou pas, mais je suis prête à tout pour que tout soit comme si on n'avait jamais été séparés.


Eh ben. J'ai rarement autant parlé moi. J'ai plus de salive.

Capucine se contente de me regarder d'un air compatissant.

- Je suis... Désolée, elle se contente de dire. Je n'étais pas au courant de tout ça. Hier soir, quand je suis partie, ton... Ton père, parce c'est ce qu'il est désormais, a essayé de me retenir en disant qu'il pouvait tout m'expliquer. Je me répète, mais mets toi à ma place aussi... J'arrive et je découvre une gamine dans le lit de mon copain, et j'apprends que c'est sa fille cachée. C'est digne d'un film, ça...
- Qu'est ce qui t'a fait changer d'avis alors me concernant ?
- Je suis allée jusqu'à la gare, mais il n'y a avait plus de train pour Paris. Alors je me suis pris une chambre d'hôtel et j'ai beaucoup, beaucoup réfléchi. J'étais énervée contre Aurélien parce que j'ai eu l'impression qu'il m'avait trompée, mais je me suis raisonnée en me disant que cette histoire date d'il y a trop longtemps. Je me suis alors dit que c'était sûrement la vérité et que je me suis conduit comme une égoïste. Ce matin je suis retournée le voir, on s'est expliqué, excusé réciproquement, enfin bref, et il m'a proposé d'aller te chercher, pour que je puisse m'excuser. Et voilà où on en est Alma. Tu vois, si je suis venue, c'est parce que je tiens à Orel et je sais que maintenant tu fais partie des êtres qu'il ne veut pas perdre, alors il faut qu'on s'entende, nous aussi.


Bon.
S'il en est ainsi.

Je lui jette un sourire en coin et tends ma main.

- T'es pardonnée, Capucine.

Étonnée, mais avec un sourire, elle me la sert avec énergie.

- Tant mieux alors. On rentre ? On va en profiter pour parler de nos vies et faire connaissance.
- Ça marche.


Un beau futur a l'air de me sourire. Alléluia.


Mon père et ses histoires à raconterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant