17.

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Théo s'était finalement désigné pour y aller, en voulant y finir « une bonne fois pour toute ». Ils l'avaient tous salués en lui souhaitant bon courage. Ils se demandaient tous ce qu'il allait bien pouvoir inventer.

Théo n'était pas le genre de garçon intrépide, ni téméraire. Bien au contraire. C'était une personne qui aimait les règles et les appliquait à la lettre. Prudent et judicieux le définirait certainement mieux. Il n'essayait pas de se changer. Il était simplement comme il est. Rien ne le changerait. Rien ni personne. Il n'avait pas besoin de changer. Pourquoi changer ? Il s'assumait pleinement. Ses qualités et ses défauts, aussi nombreux soit-il.

Pourtant combien de fois lui avait-on reproché son caractère ? Il ne pouvait même plus compter sur ses doigts. Et ses orteils. Au début, évidemment, ça l'avait affecté. Se sentir rejeter. Incompris. Et puis quelques années après il avait repris confiance en lui. Tout simplement parce qu'il s'était rendue compte qu'être différent n'était pas une mauvaise chose. Il s'était même rendue compte que c'était la meilleure chose qu'il lui était arrivé. Et depuis ce moment là, tout ce manque de confiance en soi c'était transformé en une énergie qu'il utiliser pour ce différencié des autres au maximum. Alors qu'on lui reprochait de ne pas rentrer dans une case alors qu'il faisait tout son possible, on lui reprocher maintenant de vouloir se libérer de cette case.

Mais il ne faisait plus attention aux remarques. Quoi qu'il fasse, il se ferait incendier. Cette envie de ressembler aux autres, de satisfaire les autres, il l'avait depuis si longtemps qu'elle lui rongeait de l'intérieur. Et puis il s'était demander pourquoi ?

Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Pourquoi nous imposions nous de rentrer dans des cases ?

Pourquoi nous jugions nous en permanence ?

Pourquoi ne pouvait-on tout simplement pas se rendre heureux ? Les uns les autres ?

Pourquoi l'humain, l'animal le plus développé disait-on, cherchait-il à se perfectionner alors même qu'il ne le serait jamais ?

Pourquoi s'en prendre aux autres ?

Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Certaines nuits toutes ses questions lui tournaient dans la tête, et l'empêchait de dormir. Peut-être n'y avait-il tout simplement pas de réponse ?

Mais maintenant tout avait changé. Malgré les cicatrices qui se refermaient difficilement. Il ne retenait que l'essentiel : elles se refermaient. Ils s'étaient entourés de bonnes personnes. Il ne fuyait plus les problèmes, il les affrontait. Voilà sa nouvelle philosophie de vie. Dure. Pénible. Mais efficace. Tellement efficace qu'il s'était retrouvé à raconter un soit disant secret. Il se demandait encore pourquoi il avait accepté un tel jeu. Surtout que ce Scar ne lui inspirait pas confiance. Déjà, qui s'appelait Scar ? Et puis avec son air nonchalant et son sourire, il ne lui inspirait tout simplement pas confiance. C'était son sourire surtout. Le genre de sourire qu'on n'avait pas envie de rendre. Le genre de sourire, lorsqu'on voyait, on avait envie de prendre ses jambes à son cas et s'enfuir loin. Le plus loin possible. Cette soirée prenait une tournure qui ne lui plaisait guère. Voilà ce qui arrivait à parler à des inconnus. Il soupira et décida d'en finir rapidement. Réfléchit Théo. Il fallait au moins qu'il est u « secret » à dire. Il se creusait la cervelle. Pas un secret de collégien. Quelque chose de poignant. Mais rapide, évidemment. Il fallait que ça se finisse rapidement. Qu'il en finisse rapidement.

Il aimait la sécurité et la prudence, pourtant une petite part de lui aimait aussi le risque. Etait-ce cette part là qui l'avait décidé à faire ce jeu ? Peut-être. Sans doute. Il n'en savait fichtrement rien. Et avait-il réellement besoin de savoir ? Il se lançait et c'est tout ce qui comptait.

Il apostropha un jeune homme de son âge qui lui lança un regard furieux. Il ne s'attendait sans doute pas à qu'un homme lui parle. Il se retourna, coupant tout dialogue avec Théo. Celui-ci insista tout de même et parla, ne sachant pas si son interlocuteur l'écoutait.

- Ce n'est pas trop poli de se retourner quand une personne veut lui parler.

- Je pense que c'était assez clair comme ça.

- Et je pense que c'est assez clair que je m'en fiche. J'ai une chose à te dire et je ne partirai pas avant de te l'avoir dit.

- Alors dit le qu'on en finisse, bordel ! dit-il assez énervé.

- Pas la peine de me brusquer ! C'est quelque chose d'assez personnel à vrai dire...

- Et qu'est-ce que j'en ai faire ?

- La triste vérité est que tu n'en as rien à faire. Strictement rien. Mais tu sais quoi ? L'anonymat a ses avantages aussi.

- Je ne les vois pas pour le moment.

- Oh ! Tu t'en rendras compte assez vite, dit-il un plan se mettant en place dans sa tête. Est-ce que tu as déjà eu un chagrin d'amour ?

- Qui n'en a pas eu ?

- Tu marques un point. Donc. Je suis sortit avec une fille. Plutôt mignonne. Sympa. Je l'aimais. Beaucoup même. Mais bon, comme toute bonne chose à une fin, cette histoire en a eu aussi.

- Super ! Je compatis, mais maintenant, adieu !

- Ah ! Pas si vite ! Ça aurait pu se terminer aussi facilement que cela. Mais la vie n'est jamais aussi simple n'est-ce pas ?

- J'en suis bien conscient...

- Mais ce n'était pas une rupture comme les autres. Elle m'avait trompé.

- Tu n'es pas le premier à s'être fait trompé. Et ni le dernier.

- Je suis devenu complètement fou quand je l'ai su. Je l'aimais tellement ! Elle était si belle, si intelligente ! Comment avait-elle pu me faire ça ? J'étais furieux contre elle. Et il fallait qu'elle le paye. Alors elle a payé.

- Et qu'elle en était le prix ?

- Sa vie.

- Si c'est une blague, ce n'est vraiment pas drôle.

- Ça ne l'est pas du tout. Je n'oserai pas plaisanter sur ça. Il fallait que je le dise à quelqu'un.

- Un parfait inconnu ?

- Encore mieux !

- Et si je le répétais à quelqu'un ?

- Le ferais-tu ? Sans preuves concrètes ? Réfléchis juste aux conséquences qui en suivra. Je suis assez rancunier. Et patient.

Il le regarda en ouvrant et refermant la bouche, ne sachant pas quoi dire. Il recula de quelques pas, puis s'enfuit sans demander son reste. Théo sourit. Voilà, c'était fait. Et il fallait bien avouer que c'était assez amusant de susciter la peur dans le regard des gens. C'était quelque chose qu'il provoquait rarement. Une fois de temps en temps ne faisait pas mal. Il retourna vers ses trois nouveaux amis et leur raconta rapidement ce qu'il avait inventé comme « secret ».

- Je crois qu'on a un thème, dit Scar en riant.

- Bon alors à qui le tour ? demanda Théo.

- A toi l'honneur Amélia.

- Je suppose que je ne peux pas contester ?

- Bien sûr que non.

AméliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant