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La colline isolée de tout était devenue leur lieu de rendez-vous préférée. C'était un coin propice pour dévoiler ses sentiments. Amélia ne savait pas vraiment pourquoi elle appréciait cet endroit. Tout ce qu'elle savait de certain, c'était qu'elle l'appréciait. Elle regarda ses amis du coin de l'oeil. Ils étaient aussi dans un recueillement profond, contemplant le paysage qui s'étendait devant eux. Cet endroit avait un attrait certain.

- Dire qu'il y a quelques semaines ont ne se connaissait même pas ! Commença Andrew.

- C'est vrai... Et maintenant on se balade à Paris ensemble !

- Ouais. Qui aurait cru que moi, Amélia je me ferai des amis ? Si je suis venue ici, ce n'était que dans l'optique de partir le plus vite partir.

- Ouais ! Je suis sûr que même au collège tu n'avais pas d'amis, plaisanta Andrew.

- Étonnement si, dit Amélia après un long silence. J'avais une meilleure amie.

- Oh ! Toi ? C'est presque improbable..

- Eh oui ! Même moi.

- Au collège je n'étais pas beaucoup entourée. Comme maintenant d'ailleurs, avoua Tamara.

- Je porte à croire que c'est mieux de n'être qu'avec quelques amis, mais avec lesquelles on est proches. Je ne me vois pas avoir toute une bande d'amis, parler et connaître tout le monde, mais d'être en réalité proche d'aucun d'eux, dit Andrew pensif.

- Mais dans ce cas là, est-ce qu'on peut vraiment les nommer « amis » ?

- Non... Probablement pas. Je n'ai jamais été entouré de gens non plus, commença Andrew. Peut-être que je les repoussais ? Je ne sais pas trop. Ce côté atypique probablement. Mes parents me le reprochaient assez souvent. « Tu es trop tête en l'air », qu'ils me disaient. En quoi rêver, s'échapper un peu pouvait faire du mal ?

- Ils pensaient probablement que tu n'étais pas mature.

- Ouais. Probablement. Mais je le suis, et beaucoup plus responsable que la plupart des gens de mon âge. Alors au collège, hop là, j'étais directement étiqueté comme « le mec bizarre ». Je me demande d'ailleurs comment on a pu m'affubler de ce surnom. Enfin bon... Ce vilain sobriquet m'a permis rester seul et de rêvasser encore plus. Je n'avais pas à me coltiner la société humaine.

- Pourtant, à te voir, on aurait l'impression que tu es à l'aise avec tout le monde, et que tu es extrêmement sociale.

- Oui, j'ai essayé de m'ouvrir plus. D'après mes parents, ça ferait de moi quelqu'un de mieux. Je me demande si ça a vraiment fonctionné.

- Donc le Joyeux Andrew était donc renfermé sur lui-même et rêveur ! Intéressant.

- Pas si surprenant que ça en vérité, mais bon... Et toi ? Tu l'étais aussi ?

- Oui, répondit Tamara. Mais moi, contrairement à toi, ce n'était pas pour penser. C'était pour lire.

- Étonnant ! Railla Amélia.

- Hé oui ! Alors moi aussi, et ça depuis la primaire, on m'a étiqueté comme « l'intello », marrant comme une étiquette qu'une quelconque personne vous l'appose vous colle à la peau pendant toute votre scolarité, voire plus.

- Bon, moi j'étais le mec bizarre et Tamara l'intello. Et toi Amélia ?

- Je ne sais pas. On ne m'avait pas vraiment apposé un surnom.

- Alors, c'est que tu devrais faire partie de ceux qui en apposait.

- Peut-être bien, s'esclaffa Amélia. Mais je ne pense pas que j'ai jamais décrit quelqu'un par un seul mot. Pourquoi se restreindre, alors que la la langue française est si riche ! Non, plus sérieusement, j'étais au contraire plutôt bien entourée. Une famille aimante, des amis géniaux ! Quoi de plus ?

- Et quand est-ce que ça s'est gâtée, demanda Andrew doucement.

- L'élément déclencheur ? La mort de ma mère, se confia Amélia. Oui, c'est bien ça assurément. J'étais très proche de ma mère. Le genre de relation que très peu de gens ont la chance de connaître. Et que j'ai eu le temps de connaître que pour quelques années. C'était, non, c'est la personne que j'aime le plus au monde. Même si je ne peux plus créer de souvenirs avec elle, je chéris ceux que j'ai déjà créer avec elle. J'étais beaucoup trop jeune quand elle s'en est allée. De toute façon, quel que soit mon âge, j'aurais voulu qu'elle ne meurt jamais. Insensé hein ? Comme si elle allait défier les lois de la nature. Comme si l'amour nous protégeait de la mort. Non, il nous le fait oublier. Et quand il arrive, sans prévenir, comme un coup de vent il fait encore plus mal. Mal à en chialer. Mal à s'en blesser. S'en blesser et blesser les autres. Je lui en ai voulu. Voulu d'être parti aussi vite. Comme ça, comme un coup de vent.

- Tu avais toujours ton père ?

- Oui. Il était là. Physiquement, c'était indéniable, il était là. Mais il était toujours ailleurs. Il était avec elle, je suppose. Il l'aimait d'un amour intarissable. Je pense que c'est la seule personne qu'il n'ai jamais vraiment aimé. Elle était unique. Différente. Somptueuse. Je ne peux pas la décrire, dit-elle ses yeux baignés de larmes. Elle était cette chose, et ne l'était pas. Elle contredisait tous les stéréotypes. Elle marquait les esprits. Elle était si douce, si aimante. Si bienveillante. Mais au fond, elle était aussi un petit diable, jamais à court d'idées pour nous faire rire, sauvage. Si je pouvais la tenir dans mes bras, une dernière fois... S'il vous plaît, rendez-là moi rien que pour une fois. Lui dire que je l'aime. Lui dire merci, merci pour tout. Je la serrerai fort contre mon coeur pour qu'elle entende mon coeur battre pour elle. Parfois je l'appelle, je l'appelle dans mon sommeil, chaque heure, chaque seconde, et j'ouvre les yeux. Mais je ne la vois pas. Elle n'est pas là. Elle n'est plus là, et elle ne reviendra plus. Parfois je me demande si elle est déçue. J'en suis sûre. Je fume, je bois, je suis aigrie... Qu'est-ce qu'elle doit penser de moi ? Est-ce qu'elle pense encore à moi ?

- Je ne sais pas...dit Andrew en la prenant contre lui. Mais elle était fière de toi quand elle était là. Et elle a confiance en sa fille. Elle sera toujours fière de toi, ne l'oublie pas.

Amélia renifla et hocha la tête, peu convaincue par ses arguments, mais sentir de la bienveillance et des oreilles pour écouter ce chagrin qu'elle gardait enfouit au fond d'elle, qu'elle n'autorisait jamais à sortir la rassura.

- Merci, dit-elle en reniflant. Et pour revenir au sujet du collège : j'avais une meilleure amie. Elle s'appelait Zoey. Nous n'étions pas fusionnelles, mais on s'entendait très bien. Avec la mort de ma mère, j'ai changé. J'ai commencé à boire, fumer. Elle n'était pas le genre de personnes qui fumait et buvait, alors on a prit de la distance toutes deux. C'était mieux comme ça. Si je continuais, j'allais lui faire du mal. Alors voilà, la chute d'Amélia. Ça se résume en quelques mots. Quelques phrases pour des années de vie.

Sur ces mots, ils continuèrent de se regarder mutuellement. Ils étaient silencieux, mais n'en pensaient pas moins, se soutenant par des caresses et des regards. Amélia s'était pour la première fois ouverte à eux. Ils en étaient très heureux, la carapace d'Amélia était extrêmement solide, et y pénétrer extrêmement compliqué mais ils y arrivaient enfin doucement, mais surement et réussissait à construire une vraie amitié sur des bases solides. 

AméliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant