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Après avoir longuement pleuré et parlé à sa mère, Amélia se releva doucement. Cela faisait si longtemps qu'elle n'y était pas allée et cela lui avait fait du bien de vider son sac. Sa mère n'était peut être pas présente au même moment où elle parlait. Cependant, elle avait l'impression de sentir une présence rassurante autour d'elle pendant qu'elle parlait. Elle essuya ses joues baignées de larmes avec les paumes de sa main, et renifla lentement. Elle n'avait jamais autant pleuré depuis tant d'années ! Inconsciemment, cela lui fit du bien. Elle alluma son téléphone qui était dans la poche de son manteau et vit l'heure. Il était deux heures du matin. Il n'y avait pas de bus pour aller au lycée, et elle ne voulait pas aller chez son père. Il ne lui restait qu'une personne à appeler : Scar. Elle doutait qu'il allait venir la chercher. Cependant, elle l'appela tout de même, n'ayant aucun autre choix. Elle laissa sonner, et pendant les quelques secondes qui suivirent l'appel personne ne répondit. Elle poussa un soupir, il était bien trop occupé pour répondre à son téléphone. Elle alla raccrocher, quand une voix se fit entendre au bout du fil. C'était Scar.

- Scar ?

- Oui ? Qui c'est ?

- C'est Amélia.

- Tiens tiens...

- Écoute, je ne connais personne ici sur Paris. Je suis seule et je ne peux plus rentrer en métro. Tu pourrais venir me chercher ?

- Où est-ce que tu es ? Demanda t'il après quelques secondes de silence.

- Je t'envoie mon adresse par téléphone. Merci beaucoup.

Il raccrocha et Amélia sourit. Elle avait toujours su que Scar avait un bon fond. Elle doutait fortement qu'il allait accepter au début, mais au final, il ne semblait pas aussi froid que d'habitude. Elle lui envoya sa localisation par message et sortit d'une cimetière par la même ouverture. Elle retrouvait bruit des voitures, les klaxons qu'elle avait laissé une demi-heure plus tôt. Elle s'assit sur le trottoir désert en entendant Scar. Il y avait très peu de passants dans la rue, pourtant il y avait beaucoup de voitures. Amélia les regarda passer, sans vraiment penser à quelque chose de particulier, laissant son esprit errer.

Soudain, elle entendit une voiture se mit devant elle et klaxonna. Elle se leva et vit que Scar était dans la voiture. Elle ouvrit donc la portière et s'y installa. Pendant plusieurs minutes, ils ne se parlèrent pas. Ce silence leur était familier, et ils s'y accommodaient très bien. Pourtant, Amélia engagea la conversation.

- Merci. Tu n'étais pas obligée.

- De ?

- D'être venue me chercher. Tu n'étais pas obligée.

- Ah. C'est rien.

- Où est ta pouffe ?

- Je sais pas. Je suis sortie un peu après que tu es partie.

- Pourquoi ?

- Aucune idée. J'avais besoin d'air.

- Ne prends pas ce que j'ai dit au pied de la lettre.

- Pourtant, tu avais l'air de le penser.

- Oui, mais je ne voulais pas te le dire comme ça.

- Alors, tu voulais me le dire comment ?

- Je ne sais pas vraiment.

Ils rentrèrent chez lui et Amélia partit se coucher sur le canapé. Quant à Scar, il était directement partit dormir dans sa chambre sans vraiment penser à Amélia. Celle-ci avait réussi à trouver une couverture, et s'était assoupie à la minute où elle posait sa tête sur le canapé, beaucoup trop fatiguée de sa journée. Le lendemain, Amélia ouvrit lentement les yeux, à cause de la lumière. Elle ne savait pas vraiment quelle heure il était, et alluma son téléphone pour le savoir. Il était déjà 14 heures ! Elle ne pensait pas qu'elle avait autant dormit. Pourtant, cette longue nuit de sommeil lui avait fait du bien. Elle sortit donc du canapé à la recherche de Scar. Il devait probablement encore être en train de dormir, et ne voulant pas le réveiller, elle essayait de faire le moins de bruit possible en allant à la cuisine. Elle ouvrit doucement tous les tiroirs. Ils étaient absolument tous vides. Elle ouvrit la bouche, étonnée. Pourquoi n'y avait-il pas quelque chose dans ces tiroirs ? Ne serait-ce que des biscottes pour manger le matin ? Elle reconnaissait bien là Scar. Pourtant, lorsqu'elle restait avec lui avant, il y avait toujours quelque chose à manger dans les placards. Elle sourit, bon, c'était bien souvent de la nourriture périmé depuis longtemps mais tout de même ! Soudain, elle entendit que quelqu'un ouvrait la porte de l'appartement. Elle s'approcha de la porte. C'était Scar qui tenait dans sa main, des pains au chocolat achetés dans la boulangerie du coin.

- Tu ne dormais pas ? Demanda t-elle.

- J'ai l'air de dormir ?

- Non, je suis juste surprise que tu te réveilles aussi tôt. Et qu'en plus de ça, tu achètes des pains de chocolat ?

- Pourquoi ? C'est normal, non ?

- Où avez-vous emmenez Scar ?

Pour toute réponse, il déposa les pains au chocolat sur la table et l'invita à se servir. Puis, il s'affala lui même sur son canapé, et en prit un. Amélia prit donc un pain au chocolat à son tour, et le mangea. C'était la première fois que Scar faisait cela. Ces mots d'hier l'aurait peut être touché au fond ? Elle était contente de savoir qu'elle avait eu un impact, aussi infime soit-il.

- C'est quoi ton vrai nom ?

- Hein ? Bah Scar.

- Non. Ton vrai nom. C'est quoi ?

- Pourquoi tu me demandes ça maintenant ?

- Je me suis toujours posée la question. Mais je ne sais pas pourquoi je ne te l'ai jamais demandé avant.

- C'est Scar, c'est tout ce que tu as à savoir.

- Est-ce que tu as déjà aimé quelqu'un ?

- Bien sûr ! Tellement de filles !

- Non, je veux dire aimer avec ton coeur. Et pas avec autre chose.

- Ah ! Dans ce sens là !

- Oui. Est-ce que tu as déjà été passionné par quelqu'un ?

- Non. Amélia... Je persiste à croire que les sentiments sont pour les faibles. En tout cas, dans le milieu où je suis et où j'évolue, c'est comme cela que je dois penser.

- Mais toi ? Qu'en penses-tu vraiment ? Les sentiments sont vraiment pour les faibles ? Ils ne sont pas utiles ?

- Moi ce que j'en pense, on s'en fout. Ce n'est pas moi qui régit la société. C'est la société qui me régit.

- Tu vois, moi je ne pense pas comme toi sur ce sujet. Je pense qu'une personne peut changer la façon de voir les choses des autres.

- Peut-être. Mais j'ai pas envie d'être cette personne là. Je n'ai qu'un objectif dans ma vie, et c'est pas de cette manière que je pourrais le réaliser.

- Toutes ces années que je te côtoie, et je me rends compte que je ne sais rien de toi. Rien de ta famille, tes vrais amis. Rien. Je ne sais pas ce qui t'es arrivé pour que tu devienne comme ça. Mais j'espère qu'un jour tu vas réussir à voir la lumière au fond du trou. Même si aujourd'hui tu lui tournes le dos.

- Ça ne changera pas Amélia...

- Peut être que si ! Merci Scar. Pour tout. Pour tout ce que tu m'as apporté. Même inconsciemment, dit-elle en se levant. Au fond, je sais que tu n'es pas celui que tu montres. J'arrives pas vraiment à discerner la personne que tu es vraiment. Mais j'espère qu'un jour tu la dévoileras. Et que tu quittera ce monde de pouvoir et de richesse. C'est pas comme ça que tu seras heureux... Merci. Merci pour tout.

Elle se leva et rangea ses affaires dans le sac qu'elle avait apporté pour aller jusqu'à l'arrêt de bus. Scar n'avait pas répondu, il était assis sur le canapé, pensif. Elle se sentait en paix avec elle-même. Elle avait dit ce qu'elle avait à lui dire, même si elle n'avait pas obtenu les réponses qu'elle attendait. Une fois ses affaires rangées, elle se dirigea vers la porte de l'appartement et sourit en pensant qu'elle le voyait sans doute pour la dernière fois.

- Adieu Scar. J'espère que tu seras vraiment heureux un jour.


AméliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant