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Jacques Parker se dirigea vers son bureau, des papiers d'une main et son café de l'autre. Il sortait de son travail beaucoup plus tard et y venait plus tôt. Lorsqu'il rentrait chez lui et qu'il allumait les lumières il se demandait même pourquoi il prenait la peine de rentrer. Personne ne l'attendait, il était seul. Cette solitude ne l'avait pas dérangé à une époque. Mais après avoir connu le bonheur de vivre à plusieurs, retourner dans cette solitude était une épreuve insurmontable. Il passait alors la plupart de ses soirées à réchauffer un diner déjà préparé et travailler même lorsqu'il rentrait chez lui. Il regrettait tant les jours heureux avec Amélia et sa femme. Il était si pressé de rentrer chez lui et les retrouver toutes les deux aussi joyeuses que lorsqu'ils les avaient quittés. Il se demandait bien comment tout cela avait changer en l'espace de seulement quelques années.

Il le savait bien qu'au fond de lui-même : c'était en grande partie de sa faute. Après la mort de sa bien-aimée, il se sentait perdu. C'était la femme de sa vie, il l'avait toujours su, dès le premier regard, dès son premier sourire enjôleur. Il avait partagé tous les plus beaux moments de sa vie avec elle, mais aussi les plus tristes. Elle avait été son roc, l'épaule sur laquelle pleurer et se reposer. La mère de sa fille. Et lorsque Angélique mourut il n'eut pas la force de soutenir sa fille qui était aussi en deuil de sa mère. Il n'avait égoïstement pensé qu'à sa propre douleur : celle de perdre sa femme, sans penser qu'Amélia souffrait tout autant en perdant sa mère. C'était une grave erreur de sa part, erreur dont il s'était rendu compte beaucoup plus tard.

Sa fille avait cherché l'affection de son père pour pouvoir traverser cette épreuve. Mais, voyant qu'il était abonné aux absence, elle se referma sur elle-même et changea radicalement. Il se doutait bien qu'au fond, c'était toujours la petite fille qu'il avait élevé. Il avait été extrêmement honteux de son comportement. Mais il ne pouvait soutenir Amélia sans prendre du temps pour lui, pour pouvoir faire son deuil. Mais l'avait-il vraiment fait son deuil ? Il pensait chaque jour à sa femme, son visage, les courbes de son corps, son sourire, sa voix. Comment pouvait-on lui affirmait que la peine allait partir avec le temps ? Que bientôt sa femme ne serait plus qu'un doux souvenir ? Non, tout cela lui était impossible. Cela faisait tellement d'années que sa femme était morte, et pourtant il avait l'impression que c'était hier qu'il avait appris sa mort. Tout ceci n'était que mensonges ! Il n'y avait pas de deuil. Pas de deuil quand on avait aimé une femme aussi profondément et aussi intensément. Était-il maudit ? Pourquoi lui faire vivre autant de moment joyeux pour tout lui retirer quelques années plus tard ? Il aurait préférer vivre en ermite et ne jamais la connaître plutôt que de vivre sans elle après l'avoir connu.

Il n'aurait peut-être jamais connu de joie intense, rire sans pouvoir s'arrêter ou encore de l'embrasser et penser qu'il était l'homme le plus heureux du monde. Mais il serait prêt à tout abandonner pour oublier cette douleur. Cette douleur lui était insurmontable. Il avait bien essayer de rencontrer d'autre femmes. Mais à chaque fois, c'était la même chose. Il les trouvait magnifique, intelligente, gentille et plein de talents. Mais il ne pouvait s'empêcher de les comparer à sa défunte femme. Ces femmes, si belle et si intelligente soit elle ne pouvait arriver à la hauteur de sa femme. Alors, habituellement après deux trois, rendez-vous il abandonnait tout et se retrouvait encore seul. On le voyait comme un bourreau des coeurs, un Don Juan. Non, il n'était dévoué qu'à une seule et unique femme et ce, depuis la nuit des temps. Dans la vie comme dans la mort. Au fond, il savait qu'après autant de temps, ça femme ne lui en aurait pas voulu qu'il ai trouvé l'amour. Mais il lui était tout bonnement impossible de faire ça.

Il sourit en pensant à la spontanéité de sa femme. Il se rappela qu'un vendredi soir lorsqu'il rentrait chez lui après une dure journée de travail sa femme l'attendait impatiemment. Amélia était dans sa chambre en train de faire des coloriages. Il était passé la saluer et lui déposer un baiser sur le front comme à son habitude. Puis, il rejoignit sa femme dans la cuisine.

- Alors, qu'est-ce que tu as à me dire ? Lui demanda t'il.

- Comment ça ? Mais rien du tout je t'assure.

- Je sens à ton regard que tu vas m'annoncer quelque chose.

- Tu me connais trop bien ! Effectivement, je dois t'annoncer quelque chose !

- Oui ? Je t'écoute.

- On part en Espagne !

- Quand ça ?

- Là, tout de suite.

- Je ne comprends pas...

- J'ai réservé des billets d'avions pour ce soir et j'ai déjà préparé les valises !

- Mais... Et le travail ?

- Cesse de penser qu'à ton travail ! Dans la vie, il n'y a pas que ça qui importe.

- Je le sais bien. Mais c'est si soudain !

- C'est ce qui fait la beauté de la chose. Si nous l'avions prévu quelques mois auparavant, ça aurait perdu tout attrait. Allez, change-toi, on y va. Et ne t'inquiètes pas, ce n'est que pour le week-end. Je ne pouvais empêcher Amélia d'aller à l'école.

- Tu es folle, dit-il avec sourire tendre.

- C'est ce que tu aimes chez moi, non ?

- C'est ce que j'adore dit-il en l'embrassant. Je t'aime. Merci.

- Remercie moi plus tard ! Dans quelques heures nous seront en Espagne. Je vais prévenir Amélia !

- Laisse-moi lui annoncer, j'ai envie de voir sa réaction.

- Je t'en prie.

Il se dirigea jusqu'à la chambre de sa fille, le sourire jusqu'au oreilles. Arrivé devant sa porte, il toqua. L'enfant lui répondit par l'affirmatif.

- C'est l'heure de manger ? J'arrive !

- Non, attends Amélia, ce n'est pas pour ça.

- On ne mange pas ?

- Bien sûr qu'on va manger, dit-il en riant. On part en Espagne. Ce soir. Ta mère nous as fait la surprise.

- C'est vrai ? On part en Espagne ! Cria t-elle en lui sautant au cou.

- Tout ça, c'est grâce à ta maman. Elle a tout prévu sans même qu'on le sache.

- C'est la meilleure !

- C'est vrai, c'est la meilleure, dit-il en lui caressant les cheveux. Allez petit monstre, va t'habiller ta mère nous attends.

- Je suis si contente papa ! Tu penses qu'on va faire quoi ?

- Ta mère nous a probablement prévu encore plein de surprises quant à nos activités.

Ils s'en allèrent donc tous les trois, main dans la main un grand sourire sur leurs lèvres. Heureux d'être ensemble, heureux d'exister tout simplement. Jacques regarda sa fille et sa femme, il ne voulait rien de plus que ces deux femmes. Leurs bonheurs à toutes les deux lui suffisait amplement. Ils visitèrent des coins reculés et rendirent visite à de nombreuses personnes que sa femme connaissait. Amélia était émerveillée de voir autant de verdure et d'animaux. Elle était heureuse de voir ses parents un sourire aux lèvres pendant tout le week-end. Elle les serrait dans ses bras ne voulant pas que ce week-end prenne fin. Elle aurait voulu qu'il ne s'arrête jamais, mais malheureusement, ils durent partir le dimanche soir, mais sans se départir de leurs sourires. 

AméliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant