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Amélia buvait sa boisson tout en observant Paris. Ils étaient tous silencieux après ses aveux. Tamara trouvait son amie extrêmement courageuse. C'était comme si cette dernière avait perdu ses deux parents d'un coup, et n'avait aucun soutien. Cela n'étonnait pas Tamara que son amie avait tenté d'oublier sa souffrance avec l'alcool et les sorties. Elle ne savait probablement pas comment essayer d'aller mieux. Elle était très heureuse de l'avoir rencontré et qu'Amélia c'était confié car elle pouvait ainsi l'aider à sa manière. Même si elle se rendait bien compte que c'était à Andrew que revenait toutes les éloges. En effet, c'est lui qui avait permis à son amie de pouvoir se débloquer et de leur parler à coeur ouvert. D'ailleurs, il n'avait prononcé que quelques mots depuis toutes ces révélations. Il était resté pensif et calme.

- Tu as de la chance, commença Andrew en sortant de sa torpeur.

- De la chance ? ricana Amélia. On a une vision différente de la chance.

- Non... Je me suis mal exprimé. Tu as de la chance car tu as eu une enfance heureuse à un certain moment. Même si tout a explosé après...

- Tu n'en a pas eu toi ? demanda Tamara doucement.

- Non. Enfin, je suis un peu sévère avec mes parents. Mon enfance n'avait rien d'heureuse. Mais, elle n'avait rien de triste non plus. Elle était morne et plate. Mes parents étaient très peu présents.

- Pourquoi ?

- Ils étaient toujours quelque part : en voyage, en visite... Ils sautaient sur la moindre occasion pour se débarrasser de nous. Ou alors, même lorsqu'ils étaient à la maison, ils le passaient séparément, dans leur propre chambre.

- Séparément ? Comment ça, séparément, demanda Amélia.

- Je ne les ai jamais vu s'embrasser, se tenir la main, ou même échanger un regard complice. À croire que des cigognes nous ont vraiment apportés dans le château, mes soeurs et moi. Je ne sais même pas comment ils se sont rencontrés, ou même s'ils s'aiment vraiment. Je pense que non.

- Tu en es certain ?

- Sûr et certain. Quand j'étais jeune, je n'ai jamais cru en l'amour. Le seul modèle que j'avais en face de moi, exprimait tout sauf de l'amour. Ma mère ne nous avait jamais fait de câlin ou de bisous. Elle n'était qu'une... statue. Elle était aussi froide qu'une pierre. Toujours tirée à quatre épingles. Je ne l'ai jamais vu avec un pyjama ou quoi que se soit. Comme si, même à la maison elle jouait un rôle. Dans sa propre maison. Mon père non plus d'ailleurs. J'avais l'impression qu'ils n'étaient que des robots, programmés pour nous donner de l'argent. Ils ne travaillaient pas non plus. Ils avaient tous les deux une grosse fortune, et de grandes terres agricoles partout dans la région. Ils payaient des gens pour s'en occuper. Un jour, quand j'ai voulu aider ces personnes, mon père m'a fusillé du regard et m'a interdit de le faire.

- Pourquoi ?

- Parce que selon lui, c'était indigne de notre rang. C'est marrant tiens, une personne qui n'a jamais bougé son cul de sa vie qui se permettait de se croire supérieur. Je n'ai jamais aimé la mentalité de ce milieu. Ils pètent tous plus haut que leur cul, et sont égoïstes. Dès que je peux avoir mon indépendance, je pars le plus lin possible d'ici. Au revoir Édouard et Jade et toute cette bande d'hypocrite.

- Tu ne penses pas que certaines personnes se démarquent du lot ?

- Si. Si bien sûr ! Mais beaucoup trop peu pour qu'on puisse les reconnaître. Et puis toutes les personnes avec des idées différentes sont juste... inexistantes. Elles se cachent et ne veulent pas montrer qu'elles sont différentes des autres sous peine d'être jugés. Et les seules qui assument ce qu'elles sont vraiment... Et bien voilà, elles sont constamment jugées, et harcelés. Est-ce que c'est ça le monde dans lequel on vit ? Ne pas pouvoir exprimer nos vrais sentiments et nos idées sous peine d'être moqué ?

- C'est vrai... Mais ce genre de comportement est de plus en plus jugé, défendait Tamara. Les gens sortent de leur silence et osent parler.

- Oui, dit Andrew en lui lançant un sourire. Mais bien trop peu. Quand est-ce qu'on va arrêter de vivre à travers les réseaux sociaux et l'avis des autres. Le seul qui compte vraiment c'est le notre. Trop de gens n'arrive pas à s'en rendre compte. C'est triste... Mais c'est la réalité de notre monde aujourd'hui.

- Peut-être que ça va changer un jour ?

- J'espère bien ! Je ferais tout pour, dit-il d'un air déterminé.

- Sinon, commença Amélia, j'ai une demande un peu bizarre. Je ne l'ai jamais faite à quelqu'un, mais je voudrais aller rendre visite à la tombe de ma mère. Quand j'habitais sur Paris, j'y allais toute les semaines, voire même plus. C'est vrai que maintenant, avec l'internat, je n'y vais plus du tout. J'ai un peu l'impression d'être fautive. Si vous voulez on peut y aller ensemble ? Ça me ferait plaisir que vous la rencontrez. Enfin... Vous voyez ce que je veux dire.

- Oui, dit Tamara. Avec grand plaisir !

Bien sûr Amélia. Je suis content que tu nous le proposes.

Ils allèrent tous ensemble vers le cimetière où était la mère d'Amélia en marchant et discutant. Amélia n'avait même pas besoin de se renseigner sur le chemin. Ses pas la dirigeaient directement là-bas, comme si elle y était attiré. Comme la nuit était tombée, elle réutilisa le même chemin, caché dans les buissons pour rentrer dans le cimetière, ainsi que ses amis. Tamara prit un peu plus de temps pour s'engouffrer dans le passage, et cela fit rire ses amis.

- Pendant une période, j'y allais très souvent. Mais j'avais aussi besoin d'y aller la nuit. Alors un jour, j'ai découvert ce trou dans les buissons. Personne ne l'a remarqué je pense.

- Je ne suis jamais venu dans un cimetière. Et encore moins la nuit. C'est la première fois que je viens dans un endroit comme ça, et je t'avoue que ça me fait flipper, dit Tamara.

- Moi aussi quand j'étais plus jeune j'avais peur des fantômes. Mais maintenant, je trouve ça rassurant qu'il y ai des fantômes. Tu t'imagines ? Pouvoir recontacter les gens qu'on a perdu ?

- N'empêche, ça me fait toujours flipper, moi cette idée.

- Voilà, c'est ici, dit Amélia en montrant la tombe de sa mère. Je suis désolée, c'est un peu glauque comme idée. Mais après avoir autant parlé d'elle... J'avais envie de la revoir.

- Ne t'excuses pas, la rassura Andrew. C'est tout à fait normal. Qu'est-ce qu'il y a écrit dessus ?

- Une mère et une épouse formidable, récita Amélia. C'est moi qui ai trouvé l'inscription. Je n'avais aucune idée de ce que je pouvais mettre. Aucun mot ne pourrais la décrire parfaitement, dit-elle en s'agenouillant. C'est une phrase bateau. Mais sur le coup, je n'avais même pas la force de penser quoi que se voit. J'aurais peut-être dû penser plus. Parce que... C'est ce qui va rester pour l'éternité, n'est-ce pas ?

- Je trouve ça déjà très bien. Tiens, quelqu'un à mis des fleurs ?

- Mon père prend toujours soin de venir y apporter des fleurs, ou des choses pour décorer. Ma mère adorait les fleurs. Tous les types de fleurs. Elle décorait toujours la maison de pleins de fleurs différentes. Je venais souvent déposer des fleurs ici. Mais avec l'internat... Je ne le fais plus du tout. 

AméliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant