Amélia

47.

- Comment vous vous voyiez votre vie quand vous étiez plus jeune ? Demanda Andrew.

- Je crois que j'y pensais pas trop, dit Tamara. Je me voyais juste en train de rendre les gens heureux, je pense. Par contre, pendant un moment je croyais dur comme fer que je pourrais devenir une chanteuse.

- Une chanteuse ? S'étonna Amélia. Alors là, j'y crois pas !

- Oui, une chanteuse. Et le pire, c'est que je n'ai vraiment aucun talent. Et que je chante comme une casserole.

- J'aimerai bien entendre ça, dit Andrew.

- Jamais ! Vous allez saigner des oreilles.

- Personnellement, je voulais être astronaute. Pourtant, j'ai le vertige, avoua Andrew.

- Comme c'est ironique, dit Amélia en riant.

- Ouais. Je crois que j'ai pas vraiment de chance dans ma vie. C'est triste. Enfin bon, maintenant je n'ai plus trop envie d'être astronaute. Je pense que j'ai plutôt envie d'être... Photographe !

- Photographe ? D'où te viens cette envie ?

- Je ne sais pas vraiment. Je suppose que ça a toujours été là. J'ai toujours voulu capturer certains moments de la vie et de pouvoir avoir une trace sur papier. Chercher les bons angles, la bonne lumière pour faire ressortir les choses comme je le vois moi. J'ai envie de travailler dans des grandes villes. Comme Paris par exemple.

- Pourquoi des grandes villes en particulier ?

- Ça m'attire. Tous ces gens vivant leurs vies juste à côté, sans jamais se saluer, ni même se préoccuper de son voisin. Autant de monde ! Autant d'opportunité de prendre les gens et les choses en photos ! Ici par exemple, j'ai vite fait le tour avec ma caméra.

- Mais il y a pas mal de belles choses dans la campagne, rétorqua Tamara.

- Oui. Mais tout se répète. Rien n'est nouveau. C'est du vu et du revu... Dans des grandes villes tout change, tout est en mouvement constant. Aucune chance de se lasser. C'est bien mieux. Et toi Amélia ? Qu'est-ce que tu voulais être ?

- Moi ? Je n'en savais rien, et à vrai dire je m'en fichais pas mal. Ma mère m'a toujours dit qu'avant tout, il fallait que je cherche à être heureuse.

- Heureuse ?

- Oui. Elle ne m'a jamais demandé ce que je voulais faire plus tard. Elle m'a toujours demandé comment je voulais être plus tard.

- Et comment tu te voyais être plus jeune ?

- Je me voyais avec quelqu'un qui me plaisait vraiment. Je voulais finir ma vie avec lui, rendre visite à ma mère, passer du temps avec elle. Puis passer chez mes amis, rire à gorge déployé. Ce genre de choses. Aucun métier ne me fascinait à l'époque. Je crois que je voulais être comme ma mère. Heureuse, et désinvolte.

- C'était vraiment ton modèle, dit Tamara d'une voix douce.

- Oui... Oui, elle a toujours été mon modèle, et je pense qu'elle le sera toujours.

- C'est beau, commença Andrew. Je t'avoue que je t'envie un peu.

- Par rapport à ma mère ?

- Ouais. La relation que t'entretenait avec elle. Quand tu en parles, tu as à des étoiles plein les yeux. Tu as vraiment l'air reposé. T'as l'air heureuse. J'aurais aimé la rencontrer. Elle avait l'air géniale.

- Elle l'était vraiment... Elle était exceptionnelle. J'ai eu beaucoup de chance d'une certaine manière. Je sais que ce que je vais vous avouer là n'est que de l'égoïsme pur... Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'elle aurait dû rester bien plus longtemps avec nous. Beaucoup plus. Je sais que c'est... le cours de la vie. Les gens naissent. Et inéluctablement les gens meurent. C'est comme ça et on y peut rien. Alors, pourquoi la première vérité du monde fait-elle si mal ? Elle n'aurait pas dû nous quitter aussi tôt. Il ne me reste rien d'elle.