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Un long silence s'était suivie après qu'Amélia eu racontée son souvenir. Ils étaient tous les trois très pensifs. Surtout Amélia qui se souvenait malgré son jeune âge des moindre détails de cette journée. Elle avait été merveilleuse, ils avaient ris durant tout le week-end de tout et de rien. Elle referma ses bras autour de ses genoux. C'était lors de ces moments là que sa mère lui manquait le plus. Pourtant Andrew avait raison, c'était la première fois qu'elle pensait à sa mère et aux moments qu'elles ont passé ensemble sans ce qu'elle ne se mette à pleurer. Elle n'avait même pas remarquée ce détail. Et pourtant c'était bel et bien la première fois qu'elle ne pleurait pas, et riait même en repensant à ce souvenir. Était-ce un pas vers la guérison ? Elle ne le savait pas vraiment, mais était très heureuse de ce changement en elle.

- Dis moi Amélia... dit Tamara d'une voix douce et presque craintive.

- Oui ?

- Comment est morte ta mère ? Si tu n'as pas envie de le dire, ce n'est pas grave ! Je me demandais juste...

- Non, non, ce n'est pas grave. Je vais te dire. Parce que bon, le mystère plane, n'est-ce pas ?

- Oui... Je me suis toujours demandée sans jamais vraiment oser te le demander.

- Quand j'avais quatorze ans, ma mère était de plus en plus faible. Au début, on croyait que ce n'était qu'une grippe, ou je ne sais quoi. Qu'elle ne serait qu'affaiblie qu'un petit moment. Mais les semaines ont passé et elle n'était toujours pas rétablie. Quand elle est repartie voir le médecin, elle était complètement anéantie. Avec mon père, on a essayé de la convaincre de nous parler, de nous dire ce qui n'allait pas. Mais elle refusait catégoriquement. Ce n'est qu'une semaine plus tard, après des nombreux aller-retours chez le médecin et une grande insistance de notre part qu'elle a accepté de nous parler. Elle avait un cancer. Un cancer du sein plus précisément. On s'était douté de quelque chose avec mon père. Mais... pas à ce point là. On était vraiment... sous le choc. Je me souviens de son annonce comme si c'était hier. Nous étions tous les trois assis sur la table de la cuisine, ma mère était en pleurs, et mon père était dévasté. C'était la première fois que je la voyais baissée les bras devant quelque chose. Dans les premiers mois qui ont suivi l'annonce, ma mère avait pris la décision de tenté la chimiothérapie. Mais ça l'affaiblissait énormément, alors elle avait arrêté d'enseigner et restait à la maison. Rester seule dans la maison, en ayant que très peu de force la rendait dingue. C'était une personne très autonome et qui adorait sa liberté. Alors, quand elle était réduite à avoir besoin de notre aide pour le moindre problème, elle était toujours énervée. Comme un oiseau en cage. Mais la chimio aidait et son état allait de mieux en mieux. Nous étions tellement heureux ! On voyait enfin une lumière au bout du tunnel. Mais, quelques semaines plus tard elle a fait une rechute impressionnante. Les médecins lui ont dit qu'ils ne pouvaient plus rien. Qu'elle n'avait plus que quelques mois, et qu'elle devrait plutôt les passer avec sa famille dans le calme, plutôt que de gaspiller son temps et son énergie à se soigner, parce que ça ne servirait à rien. Et depuis quelques temps, ma mère ne s'énervait plus pour rien, elle était beaucoup plus heureuse qu'avant. Maintenant que j'y réfléchis, c'est qu'elle avait probablement accepté l'idée de sa mort. Elle riait avec nous, et nous regardait beaucoup plus intensément. Mon père et moi nous ne voulions pas l'abandonner. C'était surtout mon père. C'était impossible pour lui de lâcher prise.

- Pourquoi ? demanda Tamara.

- C'était la femme de sa vie. Le genre d'amour qu'on ne peut oublier ou remplacer je suppose... Même aujourd'hui après autant de temps, je ne l'ai jamais vu attiré par une autre femme. Ce n'était que le temps d'une soirée. Il y avait quelque chose entre eux... Quelque chose de... magique. D'intense. Et mon père déteste lâcher prise aussi facilement. Alors... Il a décidé malgré tout, malgré l'avis des médecins qu'il restait encore une solution. Qu'on pouvait la sauver. À l'époque, je ne savais pas que la situation s'était dégradée à ce point. Mais mon père et ma mère se disputait beaucoup à propos de ça. Alors j'ai rapidement compris que sa situation était beaucoup plus grave qu'ils ne me laissaient penser. Ils se disputaient à longueur de journée. Ma mère avait accepté l'idée. Mais mon père... Il l'obligeait à aller voir de grands médecins. L'un d'eux à même dit que sa situation n'était pas si catastrophique que le disaient les autres médecins. Mon père pouvait croire n'importe qui à cette époque. Alors dans la nuit, il a fait les bagages de ma mère et sans même lui laisser me dire au revoir, l'a emmené pour partir à un hôpital privé en Suisse. Elle est morte deux semaines plus tard. Je n'ai jamais pu lui dire au revoir. Je n'ai jamais eu le temps de parler de sa mort prochaine, de comment j'allais m'en sortir sans elle. Elle s'était envolée avant même que je m'en rende compte. C'était... horrible. J'avais tellement pleuré pour qu'il me laisse aller la voir. Mais il avait refusé. Des milliers de fois. Alors je n'avais jamais eu la chance d'aller la voir. Je lui en voulais tellement. Je lui en veux encore. Je ne pourrais jamais lui pardonner ça. Il a dû la rendre tellement malheureuse, loin de tout ceux qu'elle aimait. J'étais tellement malheureuse sans elle. Mon Dieu... C'était horrible. Un enfer sur terre. Je ne suis pas allée à son enterrement. Je ne suis pas allée voir son corps. Je ne voulais pas la voir froide, sans expression... Je ne voulais pas la voir morte. Elle qui était si... joviale ! Non, c'était impossible que j'aille la voir dans cet état. Et puis comment je pouvais aller la voir ? Je n'avais même pas la force de me lever pour aller la voir. Je passais tout mon temps à pleurer. Mon père, s'était tout le contraire. Il l'a veillait comme si elle était encore là. Comme si... Elle allait soudainement se réveiller d'un long sommeil. Je pense que je lui aurais pardonner le fait qu'il nous l'avait éloigné s'il était venu me voir directement. S'il s'était excusé. Mais il ne l'avait pas fait. Il ne l'a jamais fait.

- Il ne s'est jamais excusé ? s'étonna Tamara.

- Non. Il l'a laissé crever là-bas. Seule. Sans personne. Dans un endroit où elle ne connaissait personne. Et il n'a jamais rien dit. Éprouvé aucun remords. Le moment où j'avais le plus besoin de son soutien, il était inexistant. Enfin, il était là. Physiquement, du moins. Mais son esprit était toujours ailleurs. On a jamais parlé d'elle après sa mort. Comme si elle n'existait plus. J'avais essayé pourtant. Mais il était tellement fermé. Il ne voulait parler à personne, et s'acharnait dans son boulot. Il ne voulait même plus parler à sa propre fille. Ironique, non ? Pourtant j'étais la seule qui pouvait le comprendre réellement. Je ne sais pas pourquoi il a réagit comme ça. Je lui en veux tellement... À mes yeux, il n'est même plus digne d'être mon père.

Amélia laissait des larmes de rage couler. Ses poings étaient fermement serrés, et son visage était crispé. Toute la haine qu'elle ressentait pour son père se traduisait jusqu'à son attitude, et ses expressions. Tamara s'approcha lentement pour la serrer dans ses bras. Amélia se calme donc doucement entre ses bras. 

AméliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant