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Tamara avait passé son après-midi et une bonne partie de la soirée en essayant d'éviter de parler Amélia. C'était probablement une bonne chose n'est-ce pas ? Ainsi, elle évitait de s'attirer des problèmes par le biais de sa colocataire. Pourtant au fond d'elle, elle sentait que ce n'était pas la bonne solution. Que ce qu'avait dit Jade n'était que mensonges. Elle était en train de revoir un cours de sciences qui lui causait quelque difficulté lorsque Amélia rentra. Le reste de la soirée s'écoula dans un silence tendue que ni l'une ni l'autre ne voulait briser. Le lendemain, le scénario se répéta le matin et pendant les cours.

C'est bizarre, pensa Tamara. C'était la première fois qu'elle était en froid avec quelqu'un. Elle avait toujours essayé d'être la plus gentille et la plus sympathique possible. Laisser ses envies de côté et contenter celles des autres. Elle ne s'en était jamais rendu compte jusqu'à présent. Elle avait toujours été comme ça. Avec ses parents, ses amis, sa famille. La seule rébellion dont elle se souvient, c'était lorsqu'elle avait insisté auprès de ses parents pour partir à l'internat. Les réprimandes avaient fusé. C'était surtout sa mère qu'elle redoutait. Cette dernière n'était pas très affective. La vie à la campagne était la seule chose qu'elle comprenait. C'était simple pourtant. Se réveiller à cinq heures, manger, aller dans les champs, s'occuper des plantations, rentrer manger le midi, et recommencer. Ne s'accorder des pauses que pour le strict nécessaire : manger et s'occuper de Tamara lorsqu'elle était beaucoup trop jeune. Cette dernière trottait derrière sa mère tous les jours à la campagne. Chacun des animaux étaient ses amis. Étant fille unique, s'étaient d'ailleurs ses seuls amis. Sa mère ne prêtait pas vraiment attention à elle. Elle l'a laissait gambader tranquillement tant qu'elle ne faisait pas de bêtise.

Sa mère n'était pas très affective. Le seul témoignage d'amour qu'elle lui ai jamais montré, c'était lorsque beaucoup plus jeune, Tamara était rentrée de l'école en pleurant car à l'école on se moquait de ses cheveux roux qu'elle tenait de sa mère d'ailleurs. Sa mère l'avait prise dans ses genoux et sans dire un mot, une parole, lui avant caressé les cheveux avant de lui déposer un baiser sur le front. À partir de ce jour, elle était très fière de ses cheveux, qu'elle arborait fièrement. Ce seul geste affectif Tamara le préservait comme le plus précieux de ses souvenirs. Le seul souvenir de sa mère, aimante, et attentionnée. Elle assumait donc que tout le monde n'était pas pareil. Certains aimaient montrer leur amour, d'autres non. L'une était-elle mieux que l'autre ? Elle ne savait pas vraiment.

Chaque être humain était différent des autres. Chacun étaient uniques à leur manière. Tamara essayait du plus possible de ne jamais juger quelqu'un et de les accepter tel qu'ils sont. Embraser leurs qualités et leurs défauts. Amélia était ce genre de jeune fille qu'elle n'arrivait pas à cerner. La plupart du temps, elle arrivait facilement à comprendre une personne et savoir comment elle était. Avec Amélia, c'était le jour et la nuit. Le chaud et le froid. Elle ne savait pas vraiment sur quel pied danser, de quelle manière réagir. Et cela déstabilisait Tamara énormément. Mais au fond, pouvait-on vraiment connaître une personne ? L'être humain avait beaucoup trop de facette. Après tout, on ne montrait jamais vraiment que ce que l'on veut. Et on ne laissait montrer qu'une infime parcelle de notre personnalité. Certains avait une carapace plus épaisse que d'autres. Tamara, elle faisait définitivement partie de celle dont la carapace était en béton armé.

L'être humain est compliqué, se dit Tamara. Beaucoup trop compliqué pour qu'on comprenne sa personnalité. Les facettes étaient si multiples ! Pouvait-on y venir à bout un jour ? Elle ne savait pas vraiment. C'était déjà compliqué de s'aimer soi-même, de s'accepter. Mais aussi de se connaître entièrement. On change, on évolue. En bien, en mal. Tout dépend de nos rencontres, de nos expériences. Tout dépend de ce qui nous façonne. Alors on pouvait connaître une personne, pour au final ne plus la connaître du tout n'est-ce pas ? Mais n'y a t-il pas de cet ancien moi qui résidait encore en nous ? Qui résistait ? Alors au final, qui étions-nous vraiment ? Quelle définition pouvait-on se dire de nous-même. Ou bien même, pouvait-on même en faire une ?

- Mademoiselle Tamara, la réponse à la question ?

- Oui, Madame ? Pardon, je n'ai pas vraiment entendu...

- Prêtez plus attention au cours s'il vous plaît. Vous paraissez beaucoup trop ailleurs.

- Excusez-moi...

Elle rougit de s'être fait réprimander par le professeur. Elle sentit derrière son dos le regard perçant de Jade. Cette dernière arborait un sourire dédaigneux. Tamara ne savant pas vraiment quoi faire lui fit un petit sourire. La fin des cours sonna enfin. Tamara et Amélia laissèrent passer les élèves de la classe. Elles étaient, ainsi qu'Andrew dans sa classe à lui, chargées de nettoyer la salle de la classe tous les soirs pendant une semaine. La classe n'avait relativement pas besoin d'être beaucoup nettoyer. Des morceaux de papiers trainent de ci et de là. Quelques bouts de gommes, et sans plus. Elles n'allaient probablement passer seulement dix minutes ici. Heureusement pour Tamara qui pensait passer au moins une heure. Lorsque Tamara leva enfin la tête et remarqua que tous les élèves avaient quitter la salle de classe. Tous les élèves ? Pas vraiment, elle remarqua que Jade était toujours présente, rangeant ses affaires d'une lenteur qui agaçait Amélia.

- Tu peux pas aller plus vite ?

- Non, pourquoi donc ?

- Ecoute moi la blondasse, dépêche toi de ranger tes affaires parce que j'ai pas que ça à faire d'attendre que ton cul sorte de cette classe.

- Mon cul ? Tu vas voir ce qu'il va faire mon cul. Sur ces mots, elle sortit de son sac, plein de confettis et de détritus qu'elle répandit dans toute la classe. Jade devait probablement être au courant que les deux jeunes filles étaient de corvées et cherchait à les énerver.

- T'es pas sérieuse là ? Dis moi que je rêve. Tu pètes des confettis maintenant ? Comment t'as osé faire ça ?

- Faire quoi ? Je n'ai rien fait moi.

- Sale garce je vais te faire avaler tes faux cheveux blonds.

- Approche, j'attends que ça. Tu expliqueras à la directrice pourquoi tu me frappes, et tu seras vi-ré.

- Qu'est-ce que t'as pas compris, avec ton cerveau de la taille de tes confettis ? J'attends que ça moi, de me faire vi-ré. Alors ramène toi.

- Comment ça ?

- Marre d'être dans ce bled pourri, avec des vieilles meufs comme toi. Tu respires juste le cliché de la blonde bête, jolie et machiavélique. Avec tes faux airs de sainte nitouche alors que t'as probablement sauté tout ce lycée, et même ton frère pendant que tu y es.

- Sale pétasse, retire ce que tu viens de dire, dit Jade en s'avançant.

- Pourquoi ? Tu vas faire quoi ? Appeler ton frère ? Ta maman ? J'ai pas peur de toi. Je suis sûr que tu t'es jamais battu. Rien qu'un coup de poing dans ta sale gueule et je te refais ta dentition.

- Les filles, les filles ! Arrêtez ! cria Tamara en s'interposant entre elles. S'il vous plaît. Je n'ai pas envie de créer des ennuis, et je suis sûr que vous non plus. Si ça te dérange, je vais les nettoyer, les confettis Amélia. Et Jade, s'il te plaît, arrête de la chercher et rentre dans ta chambre.

- Je n'en ai pas fini avec toi Amélia. Je te pourchasserai jusqu'à que tu craques.

- Tu ne fais qu'aggraver ta ressemblance de sorcière. Vas y, casse toi. Et la prochaine fois que tu me fais un truc comme ça, ton apparence physique ressemblera à ta personnalité.

- C'est ça, continue à me menacer.

- Qu'est-ce que tu n'as pas compris dans casse-toi ? Je devrais peut-être taper sur ta tête jusqu'à qu'elle enfle comme ton égo surdimensionnée.

- Amélia, s'il te plaît. Ne crée pas plus d'ennui que ça.

Jade s'en alla en tapant des pieds. Amélia et Tamara rangèrent pendant près d'une heure tout les confettis et autre détritus que Jade avait jeté sans prononcé un mot entre elles. L'ambiance était toujours aussi froide entre. Et la dispute entre Jade et Amélia n'avait rien amélioré. 

AméliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant