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À part cet incident désastreux, la semaine s'était écoulée dans un calme presque trop étonnant. Amélia passait ses journées dehors dans les jardins, assise, en train de penser. Après autant de temps, elle avait enfin réussi à se trouver une « amie ». Une personne qui la supportait, malgré son caractère colérique. Une personne qu'elle avait finie par apprécier et accorder sa confiance. Et pour quoi ? Pour qu'une fille lui dise de ne plus la fréquenter et Tamara l'écoutait sans broncher. Accorder sa confiance et s'ouvrir aux autres était beaucoup trop compliqué. Bien souvent, on se faisait mal. Elle finissait toujours pas souffrir. Systématiquement. Elle avait ouvert son coeur à son ancienne meilleure, résultat elle souffrait. Elle avait ouvert son coeur à Scar, résultat, elle souffrait. Et maintenant avec Tamara. Pourquoi ? Pourquoi finissait-elle toujours par souffrir ? Pourquoi tout le monde l'abandonnait-elle ? À commencer par sa mère. Était-elle si repoussante que cela ? Pourtant, lorsqu'elle rencontrait des gens qu'elle aimait, elle essayait de se donner toujours plus. De se battre pour ses personnes. Qui se faisait de plus en plus rare d'ailleurs. Ils étaient même une espèce en voie de disparition. Parfois, elle voulait juste tout arrêter. Arrêter de vivre alors qu'elle était malheureuse. Arrêter de vivre pour arrêter cette souffrance dans son coeur. Ce vide qui ne voulait pas se combler. Ce vide qui lui semblait béant.

La classe avait pris en grippe Amélia. Jade était partie jouer les victimes auprès de toute la classe. Tamara était présente, mais n'avait pas daigné dire la vérité. Elle avait seulement baissé les yeux. De toute façon, Amélia ne cherchait pas l'approbation de la classe. Elle voulait juste qu'on la laisse tranquille. Ce que Jade n'avait pas l'attention de faire. Amélia était encore assise dehors dans les jardins. Elle se leva donc pour rentrer car il commençait à faire de plus en plus tard. Depuis une semaine, la situation était insoutenable pour Amélia. Elle se devait d'aller parler à Tamara. Elle en avait plus que marre de passer ses journées dehors à attendre que le temps passe plus vite pour éviter de faire face à ce silence.

D'un pas vif, elle marcha jusqu'au dortoir et ouvrit la porte d'un geste brusque. Comme elles étaient privées de sortie, elles restaient dans le lycée. Tamara était encore en train de réviser lorsqu'elle entendit l'arrivée retentissante de son amie. Elle retourna instantanément dans ses révisions.

- Tamara !

- A...Amélia ?

- On a besoin de discuter.

- Je pense aussi...

- Pourquoi tu m'as évité toute la semaine ?

- Je... Non, ce n'est pas ce que tu crois.

- Et qu'est-ce que je suis censé croire ? Que si on se s'est pas parlé de la semaine, c'est tout simplement une pure coïncidence ? Arrête de me mentir. Ça n'aggrave que ton cas.

- Excuse-moi. Tu as raison. C'est Jade. C'est elle qui m'a demandé de ne plus te parler.

- Pourquoi ?

- Elle m'a dit que tu étais une fille à problème. Que je ne devais pas rester avec toi, sauf si je voulais en avoir moi aussi.

- Et tu la crois ?

- En fait... Je crois que non.

- Alors pourquoi tu l'as écouté ?

- Parce que... Une fille comme moi n'a même pas le droit d'être ici. Ne mérite pas d'être dans cette école. Elle ne mérite que la campagne. Et elle a raison. Alors elle doit être probablement avoir tout le temps.

- C'est elle qui t'as dit ça ? Et ne voyant pas qu'elle lui répondait, Amélia continua. Tu sais Tamara, dit-elle d'une voix plus douce, cette fille ne cherche qu'à te rabaisser.

- Qu'est-ce que ça lui apporterai ?

- Rien. Elle ne supporte pas qu'une fille aussi gentille, jolie et intelligente soit ici par ses propres moyens. Écoute moi bien. Si quelqu'un mérite d'être ici, c'est toi. Ne laisse pas les autres dire ce que tu dois faire ou penser. N'écoute que ton coeur. Et moi, évidemment.

- Oh ! Amélia. Tu as si raison ! Comment ai-je pu l'écouter ?

- Parce que tu ne te rends même pas compte que tu es une personne exceptionnelle, voilà tout.

- Tu penses vraiment ce que tu dis là ?

- Bien sûr !

- Alors... Je crois bien que c'est le premier compliment d'Amélia la sorcière !

- Eh oui, ça doit être ça !

- Plus sérieusement, merci. J'avais besoin d'entendre ces mots je crois.

- Si je revois Jade ! Je vais lui casser sa tête ! Comment peut-elle oser faire ça ?

- C'est Jade. Elle est née comme ça. Elle et son frère sont adulés dans le lycée. Pourtant, ils rabaissent les autre pour se surélever. Et je ne vois même pas comment on a tous pu accepter leur manège. Je suppose que parfois on se tait juste parce qu'on a peur. Peur d'affronter ce qui est en face de nous. Alors on plaque un sourire et on attend patiemment que ça passe, même si ça ravage tout. Et qu'on aurait pu éviter ça. Tu te rends compte ! J'ai envie de changer le monde mais je ne peux même pas résister à Jade. Quelle super justicière je fais !

- C'est vrai qu'on ne peut pas tous être comme moi. Cette fille n'a pas eu juste d'adversaire à sa taille. Qu'est-ce qu'on fichu ses parents avec l'éducation ? 

- À ce qu'on raconte, ses parents étaient rarement là. Alors avec Édouard il n'avaient que des gouvernantes.

- Les pauvres, ces gouvernantes ! Elles ont dû être pousser à bout !

- Elles ont probablement pas du passer la journée !

- Mais d'ailleurs, à quoi il ressemble son frère ?

- À elle. Le même nez, la même bouche. Les mêmes yeux aussi. Le même comportement immonde avec tout le monde. Se prend pour un roi.

- Comme si juste une Jade nous suffisait pas.

- Elle et moi, on ne fait pas partie du même monde. Elle a déjà les bonnes cartes en main pour commencer sa vie. Un nom prestigieux, jolie, pleins de contact. Moi, j'ai dû les gagner ses cartes. C'est marrant comme la vie est injuste, hein ?

- Ouais. Je me demande qui décide les règles du jeu.

- Il est probablement truqué d'ailleurs. Enfin bon, après tout, je n'ai pas son caractère.

- Comment arrive t-elle à séduire autant de gars ?

- Ils tombent vraiment amoureux d'elle ? Ou c'est juste l'illusion qu'ils s'en donnent ? Sortir avec Jade, c'est signe de pouvoir.

- Quelle bande d'hypocrite dans ce lycée quand même ! Pas un pour rattraper l'autre.

- À part Andrew.

- Ouais. Je me demande d'ailleurs comment il a pu avoir une telle personnalité, alors même qu'il a vécu avec ces gens depuis des années !

- Je pense qu'il est un peu trop tête en l'air. Il pense à autre chose. Il voit la vie différemment. Il voit les gens comme un challenge.

- C'est le cas de le dire ! C'est la personne la plus bizarre que j'ai jamais rencontré ! Et crois moi, j'en ai rencontré plein. Tu le connaissais avant ?

- Non. À part de réputation. Le seul qui tient tête à Édouard, et par son côté atypique, il est souvent pointé du doigt.

- Il résiste au frère de la blondasse ? Il remonte dans mon estime, tiens !

- Je me répète, mais je suis vraiment désolée. Je suis vraiment contente de t'avoir rencontré. Tu es différente. Et je prends ça comme une qualité.

- C'est la première fois qu'on me dit ça. Alors merci. Ça fait longtemps que je n'ai pas reçu de compliments.

- On repart sur des bonnes bases ?

- Les meilleures.

Elle se regardèrent en souriant. Elles avaient enfin pu se comprendre l'une et l'autre. 

AméliaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant