CHAPITRE QUATRE .5

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En s'approchant de l'heureux attrapeur, Tranit reconnut sa jeune enseigne artilleuse qui exultait en réalisant l'exploit qu'elle venait d'accomplir. Il y avait de quoi !

Un mâle et une jeune femelle, de beaux animaux qui se tortillaient sur le sol et au-dessus d'eux, la gamine qui levait les yeux au ciel, incrédule devant le résultat de sa chasse.

La jeune femme arrêta son dorkis près des deux captures et laissa son animal flairer les deux bêtes au sol.

- Commandant ! Commandant ! Vous avez vu s'exclama la gamine.

Tranit confirma d'un sourire bienveillant.

- J'en serais presque jalouse, enseigne. Félicitations ! Ce soir on chantera ton nom !

La gamine observa Tranit avec stupéfaction, rougit un peu puis exulta une nouvelle fois, trop heureuse.

Puis il se passa quelque chose que généralement de très rares personnes observaient. Sous le regard ébahi de Tranit, l'enseigne pour la première fois de sa vie émit ce parfum si particulier que les gens ont au moment du désir. Tranit en fut quelque peu bouleversée en humant cette senteur si particulière qu'elle-même n'avait jamais produite. Elle regarda la gamine qui poursuivait la célébration de son exploit, s'en amusa avant de lui faire signe de bien ligoter ses dorkis en lui tendant une de ses cordes.

- Calme-toi, enseigne ! Un peu plus et tu vas m'exciter ! Encore un peu et tout le bataillon sera en rut !

La jeune fille reçut le lasso dans les mains puis réalisa subitement ce qui venait de lui arriver. Elle rougit, eut un hoquet de surprise et éclata de rire en ligotant un peu mieux ses deux captures.

Tranit lui offrit toutes ses félicitations puis talonna son dorkis pour laisser la gamine reprendre ses esprits. Et dire que moins d'une heure plus tôt elle commençait à s'inquiéter pour elle, après avoir surpris les paroles de  Bornarou fils et de son crétin d'acolyte.

Heureusement qu'il y avait un peu de justice dans ce monde. L'enseigne allait être très entourée dans les prochains jours et la plaçant sous la responsabilité d'une femme expérimentée, il ne lui arriverait rien de bien méchant pour peu qu'elle sache se contenir.

Tranit reprit un petit trot et observa attentivement les scènes aux alentours. De nombreux groupes avaient attrapé leurs cibles, tous les cavaliers semblaient occupés et la quasi-totalité des animaux sauvages avait disparu, enfoncée dans le roncier, grimpée sur une branche en hauteur pour échapper aux chasseurs.

Pourtant vers l'est et la fin de la plaine, des animaux essayaient encore de s'enfuir alors qu'en contrebas quelques cavaliers tentaient de s'organiser pour une dernière poursuite. Tranit avait encore l'avantage de la hauteur. Elle pouvait peut-être en sortir quelque chose.

Elle talonna vigoureusement sa femelle dorkis et lui demanda un dernier effort pour rabattre ce groupe peu éloigné d'elle et y parvint en partie, trois jeunes s'effrayant de sa venue et redescendant vers la rivière, alors qu'une quatrième bête poursuivait sa montée.

Elle semblait sur le point de s'effondrer et Tranit mit quelques instants à réaliser qu'elle était pleine ! Sur le point de pondre deux ou trois œufs.

Il était extrêmement rare qu'une femelle ponde hors saison, celle-ci commençant justement après l'équinoxe. La tentation était trop grande. Avisant deux rabatteurs venir s'occuper du groupe qu'elle avait lancé dans la bonne direction, Tranit fit pivoter sa monture et la laissa à un petit trot pour qu'elle puisse récupérer de ses efforts.

La femelle allait bientôt arriver au roncier, mais n'aurait pas la force de grimper se mettre à l'abri. Elle chercherait probablement à s'abriter dans un feuillu ou derrière les rares mottes d'herbes grimpantes.

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant