CHAPITRE VINGT-QUATRE .3

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Erwan regarda l'intérieur de la tente qui semblait avoir été dévasté. Son suicidé portait de nombreuses plaies et bosses au visage et au dos. Il s'était battu et plus probablement fait passer à tabac. Toutes ses affaires avaient été jetées, foulées, détruites.

Plusieurs outres gisaient au sol. Les reniflant, Erwan comprit que le pauvre gars s'était saoulé à mort. Sans doute était-ce son arrivée tonitruante et la crainte de se faire attaquer de nouveau qui l'avait incité à se pendre ?

Erwan y réfléchit un instant et vit que ça ne collait pas. Ils étaient arrivés trop vite pour que dans son état il ait le temps de préparer un nœud à sa lanière puis de grimper. Non, il était en train de le faire.

Erwan revint près de lui et s'assura que sa respiration était normale. Toujours là, toujours un peu faible, mais il n'allait pas lui faire un arrêt cardiaque. Il ne semblait pas très grand, mais ses épaules et son torse dénotaient une musculature imposante.

Erwan avait déjà remarqué que les chevaliers volants, comme les hallebardiers, présentaient cette silhouette musclée, l'arme qu'il manipulait étant longue et lourde. Ses longs cheveux châtains étaient démêlés, mais sa disposition montrait qu'ils étaient en général réunis en une longue tresse couvrant la nuque, ce qui était signe d'un jeune chevalier sans apanage.

Quelques armes étaient au sol, dans le fond de la tente. Erwan vit une hallebarde et un grand arc de chasse qui avaient été méticuleusement réduits en miettes par ses agresseurs.

On avait voulu le briser, à détruire ainsi ses armes, ravager son campement et voler son oiseau. Un simple ennemi l'aurait tué, c'eût été plus honorable.

Erwan s'alluma une cigarette de chanvre et vérifia les outres restantes. L'une d'elles contenait de la bière tiède, l'autre une liqueur à l'odeur infâme.

Erwan se demanda si...

Il approcha le goulot du nez de son suicidé et agita l'outre.

– Alors bonhomme ? On émerge ?

À la deuxième tentative, il vit le visage agité de tics nerveux puis, alors qu'il recommençait, l'homme au sol eut comme un hoquet pour vomir puis inspira longuement et se redressa terrifié, se cognant dans son lit derrière lui.

– Non ! Assez ! Je vous en prie ... pitié !

Il ne pouvait retenir ses larmes ni ses sanglots. Tout son corps tremblait.

Erwan resta à distance de lui les paumes ouvertes devant lui.

– Je suis là ! On se calme ! Je ne te veux pas de mal !

Il resta immobile le temps que son interlocuteur puisse reprendre ses esprits et que ses sanglots diminuent quelque peu d'intensité.

– Qui... Qui es-tu ? finit-il par demander.

– Erwan, seigneur d'Asasp.

– Qu'est-ce que ... Oh par les dieux ! Par les dieux !

Il fixait le visage d'Erwan, incrédule et semblait avoir du mal à respirer en voyant les deux yeux bleus de son interlocuteur. Il allait tourner de l'œil. Erwan se rapprocha de lui en lui faisant respirer une nouvelle fois l'outre de liqueur.

– Respire profondément, calmement ! Voilà, comme ça.

Erwan lui posa la main sur l'épaule qu'il pressa doucement plusieurs fois et sourit.

– Je sais ! J'ai les yeux bleus.

– Tu es... ?

– Oui, prophète... c'est ce que disent mes amis et ma famille. Mais je ne suis pas là pour ça. Toi ? Qui es-tu ? Chevalier volant ?

– Heu ... Oui, je suis Glèm d'Ustaritz. Et où est Alsalam ?

– Tu es tout seul ici. J'ai appris que ton écuyer t'avait quitté et dénoncé à tes attaquants.

– Non, je le sais ... Alsalam... mon oiseau...

– Il n'est pas là. Des hommes à moi le cherchent.

Le dénommé Glèm écoutait hébété, quand le hussard devant la tente entra dans le vestibule.

– 10-10 au sud mon seigneur. MR 73 pour sûr. Un combat, quelque part, mais pas trop loin.

Erwan regarda le jeune homme qui tremblait toujours autant.

– Je pense que mes hommes l'ont retrouvé, du moins ceux qui l'ont capturé.

Glèm d'Ustaritz dévisagea incrédule, les larmes ruisselantes sur son visage tourmenté par l'angoisse.

– Tu es un vrai prophète seigneur... ma vie t'appartient, lâcha-t-il avant de s'évanouir de nouveau.

Erwan leva les yeux au ciel.

– J'ai besoin de toi éveillé, couillon. Aidez-moi à récupérer ses affaires, dit-il au garde.

Celui-ci appela son camarade et sous la direction d'Erwan démontèrent la tente et empaquetèrent tout ce qui n'était pas cassé et qu'ils pouvaient prendre avec eux.

Deux traineaux furent fabriqués pour transporter le blessé et ses affaires puis Erwan donna le signal du départ au pas lent. Il entendait clairement les rugissements des revolvers de ses hussards et crut même entendre les bruits moins stridents des pistolets longs de Tranit et d'Adacie.

Il pouvait raisonnablement penser qu'un tel déchaînement de puissance sous-entendait de nombreux adversaires et donc que l'oiseau, sans lequel rien ne serait possible, était là-bas, vivant. Cela le mit de très bonne humeur et il se mit à siffloter gaiement l'air d'une chanson paillarde qu'il affectionnait particulièrement.

Au bout de quelques mesures, il commença à chantonner pour lui-même.

– Un jour la p'tite Huguette ...

* * *

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Vixii

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant