CHAPITRE TREIZE .2

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Tranit termina sa toilette avec l'aide de Laumit qui lui lava les cheveux et les peignit une nouvelle fois. Tranit se résolut à une tenue plus civile. Elle passa une chemise de chanvre propre qu'elle ceignit entre ses jambes, puis sa robe longue grise qui la faisait plus ressembler à une jeune apprentie druidesse qu'à une jeune militaire.

Elle n'avait qu'une paire de bottines plates en peau souple en plus de ses hautes bottes en cuir. Elle les chaussa puis passa à la taille une petite ceinture de cuir pour y porter son escarcelle et sa dague. Elle n'avait plus de fonction officielle, mais était toujours guerrière et y avait droit. Laumit lui prêta une capeline de fourrure, dans la bordure de laquelle Tranit glissa une longe matraque plombée, pour affronter la fraîcheur de la nuit.

Tranit trouva un bout de parchemin et y écrivit un mot pour confirmer la cession d'un œuf de sa femelle à Alèr ou bien le versement d'une somme d'argent. Elle imprima sa chevalière dans un bout de cire à sceller pour certifier le message et armées d'une lanterne, les deux amies se rendirent en marchant à l'auberge.

Laumit se rappelait leurs escapades d'adolescentes, lorsqu'encore étudiantes avec le père de Tranit, elles se rejoignaient en début de soirée pour aller écouter les bardes et boire de l'alcool.

Combien de fois elles s'étaient amusées à voir les hommes pris de boissons, s'encanailler avec les ribaudes, se battre entre eux parfois s'en savoir vraiment pourquoi et surtout voir les jeunes hommes tourner autour d'elles.

Tranit s'en agaçait plus qu'autre chose. Si elle était femme depuis ses treize ans, elle n'avait pas encore fleuri comme son amie, aussi les choses du sexe la laissaient-elle vraiment indifférente et les garçons l'oubliaient aussi vite qu'ils captaient le parfum de Laumit.

Les deux amies passèrent par une petite artère tranquille qui rejoignait, après quelques dizaines de toises, la rue principale pour rejoindre la nouvelle auberge. Il fallut peu de temps à Tranit pour comprendre que le mot tranquille n'existait plus ! Même là, des chariots dételés stationnaient sous la surveillance de leur équipage qui dormaient à l'intérieur. Des ombres gigotaient dans des recoins et Laumit pouffa, excitée par ces effluves de corps transpirant, d'alcool et des effluves d'activités sexuelles.

Deux épaisses silhouettes titubantes se tenaient au milieu du chemin et la jeune officière devina tout de suite qu'il s'agissait d'ennuis en puissance. Malgré tout ce qu'ils avaient ingérés, ils étaient sensibles aux discrètes effluves émanant de Laumit que toute cette situation commençait par exciter quelque peu. Tranit aurait aimer faire passer son ami par une ruelle dégagée mais les deux individus ne lui en laissèrent pas le temps.

- Ça sent la chatte, grommelai l'un, sans savoir si c'était pour lui une bonne ou une mauvaise chose.

Tranit fronça les sourcils tout en faisant signe à sa camarade de ne rien dire. Ces deux hommes puaient la vinasse et portaient des pièces d'armure, ils étaient dangereux. Ivres aussi. Tranit n'avait pas besoin de longues réflexions pour imaginer la suite des évènements.

Si elle n'alertait personne, elle ne ferait pas le poids. Si elle était hors de combats et que les deux hommes s'en prenaient à Laumit, il y aurait de fortes chance que le spectacles attirent d'autres volontaires. Tranit connaissait bien ces gens. Ils partiraient du principe que Laumit avait ce qu'elle méritait et ils contribueraient à lui donner sa part.

La jeune officière avait malheureusement déjà rencontré de telles situations lors de son travail, surtout pendants les longues fêtes religieuses. Il fallait y aller au culot et surtout pas leur laisser le temps de réfléchir. Le marmotteur semblait le moins bourré et celui qui cogitait le plus. Ce serait lui qui entraînerait son compère dans les embrouilles. Se trouver à moins de vingt toises de la grande rue ne signifierait rien pour lui.

Il portait sur sa tunique de laine crasseuse un plastron de cuir porté de travers. Contrairement aux instructions de la milice, il portait une longue dague et un casse-tête. Son compère portait une rondache dans le dos et une hache passé au ceinturon. La jeune femme souhaita qu'ils ne soient pas des chevaliers ni des écuyers, ce qu'elle allait faire pouvait lui apporter quelques ennuis.

S'assurant d'un coup d'œil rapide que tout était tranquille derrière elle et que Laumit restait sagement en retrait, Tranit ne chercha même pas à échanger la moindre paroles avec ces deux idiots, cela ne servirait à rien.

Profitant de toute sa colère, sa frustration qu'elle avait dû retenir depuis l'épisode du Capitole elle s'élança vers les deux soldats qui n'avaient pas sentit le changement d'attitude de Tranit et de son amie. Parfois, la puissance des effluves de la jeune brasseuse pouvait s'avérer être un précieux atout !

Prenant le risque de tourner le dos au moins ivre des deux, Tranit s'empara de la matraque plombée qu'elle dégagea de l'ourlet de son vêtement tout en s'avançant vers le plus ivre.

Tenant bien la poignée son arme, Tranit fit un grand pas en avant et donna un grand coup de matraque plombée dans le genou du soudard qui n'avait pas encore tourné les yeux vers elle.

La boule de plomb terminant le tube de cuir renforcé s'écrasa contre l'articulation et il y eut un bruit sourd alors que l'homme déséquilibré tombait à terre en poussant son ami. Trop ivre pour hurler de douleur tant mieux. Tranit ne laissa pas le moindre répit au plus dangereux. Sa colère était bien là, bouillonnante.

Acculant le second soudard contre la ridelle d'un chariot reposant sur ses cales de bois, Tranit huma l'air autour de lui et le dévisagea d'un œil mauvais.

- Ça sent la bite dégueulasse et la trouille, connard !

Avec de longues années de pratique dans la milice, Tranit lui donna un coup de matraque dans la tempe pour lequel son casque de cuir ne fut d'aucun protection. Sa tête heurta violement la planche du chariot, réveillant l'occupant du véhicule et il tomba sur son camarade qui ne s'était toujours pas relevé. Une épée sortit de la toile et Tranit, sans se démonter, prit une petite voix et s'exclama.

- Attention brave gens ! j'ai bien peur que ces deux ivrognes tentent de vous voler quelque chose ! Mais que fait donc la milice !

Les mots magiques ; voleur, milice, firent immédiatement leur effet. Alors que Tranit entraînait son amie au plus vite vers la rue et la lumière, deux valets armés de gourdins tombaient à bras raccourcis sur les deux soudards et leur filaient une sérieuse correction, alors que leurs voisins les rejoignaient pour prêter main forte.

Tout le monde savait bien qu'il fallait mieux taper d'abord pour que les miliciens n'aient qu'à ramasser ce qui survivait. Tout le monde s'en portait mieux ainsi.

Tranit remit sa matraque dans son abris de fourrure et se dépêcha de faire entrer son amie dans l'auberge toujours aussi fréquentée. Les hommes et même des femmes se retournèrent sur leur passage et Tranit attrapa le coude de son amie qui souriait béatement pour lui souffler à l'oreille.

— Calme-toi ! Tout le monde te respire à dix pas !

— J'peux pas... je suis tellement excitée !

Exaspérée, Tranit la fit vite entrer dans la grande salle, espérant que autres odeurs environnantes leur offriraient un petit répit.

Toutes les tables semblaient prises. Une scène sur laquelle deux bardes jouaient de la harpe et se bataillaient à coup de vers sous les encouragements d'une vingtaine de buveurs, d'autres tables où des parties de dés acharnées se déroulaient. Fort peu de filles, contrairement à ce que Tranit s'attendait. Une demi-douzaines qui se relayaient auprès de quelques soiffards affalé sur le comptoir.

Tranit avisa Alèr qui venait se chercher à boire. Elle lui tendit son mot et lui demanda de lui trouver une table dans un coin tranquille. Elle dut secouer le garçon qui regardait Laumit avec un sourire niais. Le garçon les conduisit dans un petit recoin reculé et assez calme après que Tranit l'eut bousculé fermement. Il les laissa avec regrets.

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Vixii

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant