CHAPITRE DIX-HUIT .3

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La jeune fille s'exécuta et Tranit regarda passer une bonne douzaine de jeunes chevaliers et écuyers suivis par un troupeau de paysans et de quelques autres aux allures de malandrins. Elle se demanda comment ils pouvaient espérer se faire enrôler.

Ils poursuivirent jusqu'au moulin, où une douzaine de cavaliers les attendaient, des officiers d'infanterie. Ses officiers, réalisa Tranit. Ils vinrent tous la saluer de leur salut étrange, cette main tendue sur la tempe, paume ouverte que Tranit imita pour leur rendre la politesse.

Le plus ancien des officiers s'approcha de Tranit.

— Commandant Luin du premier bataillon, commandant. C'est moi qui vais m'occuper de vos volontaires.

Un autre cavalier s'était approché de Trual en tête et lui désignait un emplacement en bordure d'un roncier entourant quelques jeunes arbres. Un camp temporaire semblait y avoir été aménagé.

— Alors, à vous l'affaire, commandant. Je suis plutôt contente des gars en tête de colonne, mais j'ignore tout des autres.

— Nous allons nous assurer qu'ils en valent la peine. J'ai fait préparer quelque chose à manger et à boire, comme demandé. Vous avez raison commandant, j'ai l'impression que certains n'ont pas avalé grand-chose ces derniers jours.

— Alors, allez-y ! Je vais rester un peu avec vous puis... Adacie, où devons-nous aller ensuite ?

— Au magasin général, commandant. Puis hitéhèmeha, dit-elle énigmatiquement.

L'officier montagnard avait porté la main à sa taille en souriant. Tranit vit qu'il était équipé des mêmes armes qu'elle, un pistolet à la taille, un autre à sa selle. Tous les officiers semblaient l'être.

— Commandant, si vous permettez. Il la saluait avec déférence, mais les yeux interrogateurs. Tranit le laissa aller et fit signe à Adacie de le rejoindre.

— Tu le connais ?

— Non, commandant, pas vraiment. Les gens de Barcus ont prêté serment d'allégeance à notre seigneur quand il s'est emparé d'Asasp et qu'il a imposé ses lois. Beaucoup de gens sont venus l'aider, mais il n'y a pas eu beaucoup de jeunes d'intégrés au début. Ça change maintenant, mais je n'y connais personne.

Le commandant Luin était vassal de l'adversaire le plus acharné d'Erwan pendant la dernière campagne. Je n'ai pas directement participé aux combats contre eux, mais je sais qu'ils sont fidèles. Ça, soyez-en certaine.

Tranit regarda l'officier passer à l'avant de la colonne. Ils arrivaient sur une vaste esplanade fraîchement arasée où une bonne soixantaine d'hommes attendait déjà.

Tranit regarda ses volontaires être répartis en petits groupes, les cavaliers réunis dans un coin, les groupes passés en revue par des sergents aux regards experts.

Tranit savait que c'était des sous-officiers, eux seuls avaient cette façon de marcher, de regarder un nouveau venu et de voir s'il s'adressait à un soldat, un égal ou un supérieur.

Apparemment, ces Montagnards du Barcus savaient ce qu'ils faisaient. Plusieurs groupes se mirent en file et passèrent à un chariot faisant office de cantine. La distribution commença et Tranit se dit que certains pauvres diables auraient aujourd'hui de quoi se remplir l'estomac, au moins. Tranit passa au milieu des groupes, regardant les montagnards interroger, sélectionner les hommes par groupes relativement homogènes.

Adacie lui soufflait ce qu'elle en savait. Répartis entre piquiers et arbalétriers, puis par grade et expérience, les volontaires devraient assumer un certain nombre de tâches en groupe ou individuellement.

Elle expliqua qu'Erwan ne se basait pas sur l'origine géographique pour constituer ses troupes. Ces bataillons du Barcus avaient sans doute une base locale, mais des gars d'autres seigneuries, comtés y avaient été intégrés.

Quand la distribution fut finie et les groupes de nouveaux alignés correctement, les Montagnards commencèrent à expliquer ce qui allait se passer pour le reste de la journée.

Tranit vit quelques gars qui cherchaient déjà un moyen de s'esquiver, d'autres qui semblaient avoir du mal à tenir sur leurs pieds. Ceux-là furent rapidement mis de côté, les malades et faibles près d'un chariot, les fainéants dans un coin plus éloigné. Adacie les lui montra.

— Certains sont vraiment des vauriens irrécupérables, d'autres des fortes têtes dont on peut tirer quelque chose.

— Toi, tu étais dans quel groupe ?

Adacie s'en amusa, mais son regard brillait d'une émotion intense.

— Les fortes têtes ! Je venais de casser le crâne à deux violeurs quand cette femme m'a proposé de la suivre pour rejoindre Sa Seigneurie.

Tranit hoqueta de surprise et aurait voulu dire quelque chose, mais Adacie, énigmatique sourire aux lèvres, lui faisait signe de ne pas y penser, et chassa ce souvenir d'un petit geste de la main.

Elles poursuivirent leur visite. Des groupes étaient recomposés après le passage d'un officier. Tranit vit que les gars de fort gabarit étaient mis de côté.

Adacie confirma.

— Pour l'uniformité. Un gars trop grand dans une compagnie d'infanterie c'est plus gênant qu'autre chose. Les grands peuvent très bien intégrer une troupe de hallebardiers à pied ou bien faire de l'infanterie portée avec les chars.

J'ai entendu notre seigneur dire au capitaine Kilian que son régiment était maigre... Il ne refusera pas quelques douzaines de solides gaillards ou quelques chevaliers expérimentés.

Tranit repassa auprès du commandant qui supervisait la sélection et échangea quelques paroles avec lui. Adacie lui remit le lourd sac de monnaie. Il effectuerait la répartition d'ici peu, une fois un premier test passé.

Ils convinrent de se retrouver le soir même au campement des trois bataillons, pour faire plus ample connaissance et parler de cette première journée de test. Après tout, ça allait être de la responsabilité de Tranit de prendre les décisions finales. Elle devinait en Luin l'homme d'expérience, mais c'était à elle que le commandement avait été donné. Tranit lui souhaita bonne chance et le laissa retourner à son travail.

Adacie l'entraîna avec elle au petit trot et elles retournèrent au moulin. Un relais pour les messages y avait été établi. La lieutenante se fit indiquer le chemin du dépôt, nom donné par les Montagnards à l'ensemble des chariots fournissant les uniformes ou les affaires complémentaires nécessaires aux soldats.

Tranit se demandait comment cet Erwan avait pu avoir l'idée de ces vêtements si étranges et de vouloir en équiper tous ses hommes. Cela devait coûter une fortune à entretenir.

Était-ce suffisant pour s'attacher la fidélité de ces gens ? C'était quelque peu étonnant. Mais il y avait tant de choses surprenantes avec eux.

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Vixii

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant