CHAPITRE VINGT-SIX .3

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— Cette rencontre s'est extrêmement mal passée pour lui, poursuivit Erwan. Il a été si humilié que ses cousins se sont enfuis en pleine nuit sur le dos de leurs animaux, abandonnant une partie de leurs affaires. Des malandrins payés par un chevalier l'ont traqué et capturé son animal.

Lui a été abandonné par son écuyer, son demi-frère qui a préféré devenir soigneur d'un fauconnier et nettoyer la fiente de son animal plutôt que de le revoir en face. C'était la catastrophe totale.

Erwan s'interrompit parce qu'un soldat, marin probablement, venait en courant vers Erwan et le saluait en restant bien droit.

– Mes respects mon seigneur. L'oiseau est à bord en sécurité. Son maître est toujours inconscient.

– Merci sergent. Qu'il le reste le plus longtemps possible. Mes respects à votre capitaine et mes excuses mais ayez l'amabilité de faire charger les cadavres pour nos digesteurs.

– Oui, seigneur.

– Et faites-nous apporter quelque chose à boire et à grignoter.

Le soldat repartit après un dernier salut.

Devant l'air étonné de Tranit, Erwan haussa les épaules.

– Tu sais combien de gaz un corps peut produire ? Ces vingt-neuf morts nous rembourseront de notre peine.

– Sans chercher à savoir qui ils sont ?

– Non, ils ne sont pas de chez nous, dit-il d'un ton définitif, c'est suffisant. Mais revenons à notre histoire. Tu dois la connaître, même si elle est longue.

D'après toi, si Cydrac ne t'avait pas croisé par hasard, combien de temps aurions-nous mis pour arriver jusqu'ici ?

– Impossible à dire seigneur, mais au moins une heure, une de mes heures, précisa-t-elle.

– Et tout aurait été perdu ! Quand je suis entré dans sa tente, cet imbécile venait de se pendre ! J'avais mon couteau et j'ai pu le dégager. Quelques instants de plus et c'était fini et son oiseau aurait été emporté par un fauconnier qui voulait s'en servir de proie pour son faucon.

L'étonnement était visible sur le visage de Tranit qui n'imaginait pas une telle urgence. Erwan se fit fataliste.

– C'est comme ça ! Tu étais là au bon moment et as été capable de nous aider. Ce chevalier volant me doit sa vie et celle de sa monture. Une fois remis de ses émotions, il volera pour moi, où je veux, quand je veux. Dans quatre ou six jours au plus, tu sauras comment est cette imprenable forteresse que tu dois capturer pour moi.

– Et nous gagnerons la guerre ! conclut Tranit en souriant.

– Seulement la première bataille, corrigea-t-il, c'est déjà ça.

– Et ensuite seigneur ?

Erwan eut un petit rictus carnassier.

-Ensuite ? Les choses séreuses commenceront vraiment.

Il rangea sa pipe alors qu'un nouveau marin apportait de quoi se restaurer rapidement.

Ce dernier annonça que le navire était prêt à repartir et que le médecin de bord avait nettoyé la plaie d'Adacie qui était claire et nette. Elle s'en remettrait rapidement sans séquelles.

Erwan répéta ses instructions et dit au navire de rejoindre le port civil au plus vite avant de regagner leur camp. Le marin repartit en courant rapporter ses ordres.

Erwan servit une chope de bière étonnamment fraîche etpétillante à Tranit et lui donna un de ses beignets fourrés qu'elle appréciait tant.

– Avalons ça, nous rentrerons ensemble en ville avec les dorkis. On va pas les laisser ici. Et puis j'ai d'autres choses à te raconter.

– Quel honneur !

– Non, c'est la moindre des choses. Toi, Benwan et ce pauvre gars-là, Glèm, allez devenir mes principaux atouts dans cette affaire. Cydrac me connaît depuis toujours, Diérel presque autant. Ils en savent énormément plus que vous trois sur moi, sur mes projets.

– Votre cousin, Awel ?

– Il m'est entièrement fidèle, mais, héritier du Banca, il doit s'occuper des siens. C'est pour cela qu'il dirige nos forces... il hésita en cherchant un mot, nos forces traditionnelles.

Moi, je garde dans mon corps d'armée ce qu'il y a de spécial.

Il souriait en s'écoutant parler et Tranit devina qu'il avait tant de choses à dire. C'était passionnant mais aussi irritant.

Erwan termina son beignet et sembla profiter de sa bière avant de se verser de l'eau. Il appela un enseigne et fit passer un message, il semblait avoir pris une décision sur un sujet.

L'enseigne partit en courant, un autre approcha le dorkis de Tranit et celui d'Adacie. Erwan se leva et fit signe à l'enseigne de les laisser. Il demanda à la jeune femme de le rejoindre.

– Normalement, nous devrions le faire dans un endroit propre et confortable, mais comme tu as utilisé ton arme, plutôt bien il me semble, tu dois apprendre à la nettoyer.

Tranit trouva son pistolet attaché à sa selle, Adacie avait dû le faire.

Erwan s'en empara ainsi que d'une petite sacoche que Tranit n'avait pas encore eu le temps d'ouvrir. Il fit signe à Tranit de prendre l'arme d'Adacie.

Ils retournèrent près du muret et de la sacoche, Erwan sortit une toile huilée, verte, elle aussi.

– Fais comme moi Tranit. Je vais te montrer comment entretenir tes pistolets. Je vais m'occuper du tien qui à besoin plus que d'un simple dépoussiérage.

Quand tu t'en sers de massue, il faut bien penser à nettoyer la crosse au plus vite. Il y a tout ce qu'il faut dans la pochette.

Tranit fit ce qu'il lui demandait et écouta ses explications avec attention.

Erwan, comme l'avait fait Adacie, détaillait ses opérations calmement, faisait les gestes plusieurs fois avant de lui demander de les répéter.

Tranit découvrit le mécanisme de son arme avec fascination et effroi. La pensée qu'il avait fallu pour l'imaginer la dépassait complètement. Elle comprenait ce qu'Erwan expliquait et montrait, mais elle se demandait comment quelqu'un avait pu y penser.

En tout cas, en même temps qu'il lui expliquait le cycle d'opération de son pistolet long, Erwan la fit démonter et nettoyer son arme jusqu'au début de l'après-midi.

Tranit ne s'en rendit même pas compte, tant elle était absorbée dans sa tâche. Lorsqu'elle réarma la pompe pour vérifier que le mécanisme jouait parfaitement et qu'elle tendit l'arme pour qu'Erwan l'inspecte visuellement, l'après-midi semblait bien entamé.

Le jeune seigneur montagnard rangea l'arme dans son étui après une inspection visuelle et un sourire de satisfaction.

– Félicitations Tranit. Retiens aussi qu'après une journée normale au camp, il suffit d'un coup de chiffon pour enlever la poussière.

Tous les deux jours, un peu d'huile sur le mécanisme. Ces temps-ci, tu vas t'entraîner au tir plus souvent donc là c'est démontage, nettoyage intégral. Le temps d'un repas, c'est suffisant.

Maintenant, tu vas prendre ton pistolet court et refaire la même chose. Je vais t'expliquer la différence pour la pompe, mais tu vas voir que la plupart des pièces de cette arme sont identiques à celles du pistolet long.

Décharge ton arme d'abord. Vas-y, je te regarde faire.

Tranit effectua les gestes qu'il venait de lui enseigner et manœuvra plusieurs fois la pompe pour éjecter les cartouches qu'elle rangea sur la toile huilée.

Erwan lui prit l'arme des mains et lui montra comment en reculant la pompe qui recouvrait l'arme sur toute sa longueur puis en poussant un levier dissimulé par celle-ci, on pouvait la retirer.

Tranit ne cessa de s'extasier une nouvelle fois sur l'ingéniosité qu'il avait fallut pour réaliser tout cela. Cette capacité de conception la laissait pantoise.

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Vixii

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant