CHAPITRE SEIZE .1

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Nuit du 16 au 17 germinal 719

Alors que Tranit suffoquait sous la poigne qui lui écrasait la gorge, une haleine fétide l'enveloppa et une grosse voix d'ivrogne s'insinua dans ses oreilles.

- Qu'est-ce t'as fait à mon frère, salope !

En partie assommée par le choc contre le mur de terre cuite, la trachée bloquée par la puissante prise, Tranit mit un très long moment à reconnaître le cadet de l'écuyer qu'elle avait tué pendant les manœuvres.

Son regard luisait de haine et de méchanceté, alors que dehors les servantes s'enfuyaient en criant, effrayées par ce qui se passait. Les rixes étaient assez fréquentes dans l'établissement, mais en général elles éclataient dans le même groupe, lorsque jeu et boisson ne faisaient plus bon ménage. Rarement les clients d'un chalet allaient s'en prendre à ceux d'un autre.

Bloquée par la surprise, l'effroi, Tranit ne pouvait rien répondre mais ses réflexes prirent le dessus et d'un violent coup de rein elle allait précipiter ses pieds dans la poitrine de son agresseur lorsque le regard de celui-ci s'écarquilla sous l'effet d'une puissante émotion puis que l'emprise de sa main diminua quelque peu, permettant à Tranit d'avaler une petite gorgée d'air et d'éviter l'évanouissement. Elle se sentait tomber, mais du coin de l'œil, malgré sa vision déjà trouble elle aperçut une petite silhouette vêtue de vert frapper à coups de pieds le dos de l'écuyer. Comment Adacie pouvait-elle frapper un homme aussi grand presque dans la tête ?

Un voile noire se posa sur ses yeux alors qu'elle tentait de reprendre son souffle et qu'elle entendait distinctement les coup de pied dans le corps de l'estropiat qui n'arrivait toujours pas à réagir sous la virulence des coups. Il y eut des bruits plus lointains puis une voix grave éclata.

Qu'est-ce qui se passe ici ! Arrêtez immédiatement !

Tranit se força à rouvrir les yeux et tenter de se relever. Elle aperçut dans l'embrasure de la porte un hallebardier équipé, l'un des gardes du domaine qui cherchait à comprendre ce qui s'était passé.

Adacie ne répondait rien, l'air mauvais et cdontinuait à frapper méthodiquement. Tranit leva la main, lentement et souffla, plus qu'elle ne dit :

- Cet homme m'a attaquée ! Je veux le voir pendu !

Le hallebardier la reconnut, surpris de la voir sans uniforme de milicienne puis s'approcha pour découvrir le visage de l'homme inconscient.

- Merde ! Le gros Fréou ! Commandant, que se passe-t-il ? Gamine, arrête de le frapper !

Adacie leva un regard noir vers le hallebardier qui voulait s'interposer.

- Attaque sur un officier, c'est peine de mort immédiate !

- Tranit n'est plus officier, gamine. Tout le monde le sait !

Des voix se firent entendre derrière lui, indistinctes, alors qu'Adacie serrait dans ses mains l'étui de sa masse d'arme. Tranit se releva doucement, de peur de perdre l'équilibre et continua à récupérer son souffle.

Adacie la désignait.

- La commandante Tranit est officière de Sa seigneurie Erwan d'Asasp. Toute agression contre un officier de Sa Seigneurie est passible de la peine de mort. Appelez votre milice, ils vous le confirmeront. Moi je veux la garde ici, dans l'instant !

La tension entre la frêle Adacie et le hallebardier montait. Tranit devinait que ça allait s'envenimer, lorsqu'une imposante silhouette bouscula le garde. La seconde mère maquerelle, qui comprit aussitôt la gravité de la situation.

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant