CHAPITRE NEUF .2

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Tranit fit comme si de rien n'était avec cet étrange langage, reprit son arbalète et regarda Sarix.

— Je vais prévenir le légat, nous allons rejoindre la rive.

— Un peloton viendra avec vous pour reconnaître l'endroit dont tu as parlé hier. Le navire sera là pour la demie de la première heure ou peu après. Tu feras bien surveiller mon erkis ?

— Bien entendu. Il ne lui arrivera rien. À plus tard commandant.

Ils échangèrent un rapide salut et Tranit rejoignit son campement.

Elle trouva le légat devant sa tente surveillant le rangement de ses affaires.

— Bonjour légat. Le transport sera là dans moins d'une demi-heure.

— Excellent commandant. La nuit s'est bien passée ?

— Aucun problème. Un peloton du prince viendra avec nous pour inspecter la colline.

— Tu iras avec eux Tranit, je m'occuperai de ton erkis et de ta femelle.

— L'erkis du chevalier Sarix, Légat, il me l'a acheté pour quatorze doubles-soleils.

— Félicitations ! s'exclama son supérieur, vraiment content pour elle. Je connais peu de gens pouvant se vanter d'avoir fait une si jolie vente. Une véritable fortune.

— Oui légat. J'en suis la première surprise, mais cela arrive à souhait. Voulez-vous que je fasse descendre le troupeau sur la rive dès maintenant ?

— Non, laisse les animaux se dégourdir un peu ici, mais qu'on ne leur donne pas trop à manger. Certains animaux sauvages ne supportent pas très bien le voyage par bateau.

— À vos ordres légat.

Tranit s'éloigna avec plaisir. Elle avait besoin de s'occuper, car comme cela lui arrivait souvent après une nuit de veille, l'inaction allait l'assommer et le sommeil se ferait finalement sentir. Elle attendrait l'embarquement pour piquer un petit somme.

Comme annoncé par Sarix, un gros catamaran de transport fit son apparition peu après la demie de la première heure. Deux longs troncs évidés et élargis reliés par une plateforme surélevée, des mâts télescopiques pour profiter du moindre vent favorable, ces navires étaient en général mus par des chaines de godets ou des roues à aubes pour les cours d'eau plus nerveux, actionnées par des dorkis de somme.

Les godets creusaient l'eau faisant avancer le navire, ou bien les pales propulsaient le vaisseau même avec un courant contraire assez fort.

Pour un navire se déplaçant sur les cours d'eau, il n'y avait pas mieux. Pourtant, celui-ci avait l'air un peu différent, mais Tranit n'en était pas certaine, les bateaux n'entrant pas dans ses centres d'intérêt.

L'avant de la coque ne portait cependant pas le nom de son propriétaire, comme le voulait la coutume, mais deux écussons, dont celui de la maison du prince Awel et un autre, trois bandes de bleu de tons différents. Les deux écussons surmontaient un énorme 0307 peint des deux côtés de la proue. Tranit vit qu'il en allait de même sur l'autre coque.

Elle devinait les grandes roues à aubes à l'arrière de la coque, mais celles-ci lui semblaient étrangement positionnées. N'ayant personne avec qui partager ses impressions, la jeune femme garda ses réflexions pour elle-même.

Quoi qu'il en soit, ce transport se rapprocha assez aisément de la rive et s'échoua tout en douceur du bout de ses flotteurs. Une longue rampe fut descendue par des poulies et des marins mirent pied à terre. Tranit se porta à leur rencontre et y retrouva Sarix qui conversait avec celui qui semblait être le capitaine. Il lui désigna Tranit.

— Voici le commandant adjoint des miliciens. Demande-lui.

Le marin se tourna vers elle et lui donna un semblant de salut.

— Commandant, j'aurais juste voulu savoir combien vous serez.

Tranit désigna le campement, plus haut.

— L'équivalent d'un bataillon renforcé, avec une dizaine de chariots et une trentaine de cavaliers. Mais nous avons un troupeau d'une trentaine de bêtes sauvages. Le prince va faire aussi monter un peloton.

— D'accord. Faites venir vos hommes, on va installer vos bêtes dans la cale centrale avec vos montures. Ensuite, vos hommes pourront s'installer sur la plateforme et profiter du voyage. Avec ce temps, nous serons vite arrivés.

Tranit donna ses ordres à ses miliciens qui aidèrent à l'embarquement du troupeau. Seul l'erkis donna quelques difficultés, un instant effrayé par un jeune mâle dorkis qui s'excitait un peu trop.

Sarix contrôla la bête avec fermeté et tout fut rapidement réglé. Les montures et les bêtes de trait furent installées dans cette immense cale se trouvant sous la plateforme et les hommes s'installèrent dessus, à l'air libre.

En un peu moins d'une seule demi-heure, le catamaran se déséchouait et reprenait sa route. Un seul mât télescopique à l'avant de chaque flotteur était dressé, profitant d'un léger vent arrière, mais la propulsion était fournie par les deux immenses roues à aube placée à l'arrière des flotteurs, à l'intérieur de ceux-ci contre toute attente.

Encore une chose que Tranit n'avait jamais encore vue. Ce n'était pas ces roues qui mouvaient le navire, en fait les roues semblaient actionner quelque chose d'autre, à l'arrière des flotteurs qui propulsait le navire. Même le légat semblait impressionné.

— Je n'avais jamais vu ça. Le prince m'a parlé hier d'un nouveau système introduit par son cousin, mais je n'imaginais rien de ce genre.

— Il y a un peu trop de choses nouvelles avec ces gens, légat. Jamais je n'aurais pensé que les Montagnards puissent avoir tant de différences avec nous. C'est étonnant que nous n'en ayons jamais entendu parler par chez nous.

— Les échanges directs avec eux ne sont pas si nombreux que ça et nos gens ne se rendent pas si souvent dans les hauteurs. Ce sont les gens du Banca, du Juzon qui viennent chez nous. Ils ont une maison de représentation à Maubourguet.

— Je le sais, confirma la jeune femme. La vieille tour de guet près du port. Le vénérable tenait absolument à leur faire acheter les anciens entrepôts de maître Bornarou.

— Oui, je m'en souviens ! ricana le vieil officier. Encore de belles jérémiades au conseil. Bon, je vais aller bavarder avec le capitaine pour en savoir un peu plus sur ce navire. Repose-toi, Tranit. Je crains qu'à notre retour nous soyons un peu trop occupés.

Tranit était bien d'accord avec lui et alla s'allonger dans un coin tranquille pour se relaxer un peu, espérant plonger dans un sommeil sans rêve ni cauchemar.

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Vixii

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant