CHAPITRE PREMIER .2

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 Le cavalier appela un servant d'une voix tonitruante. Un bougonnement lointain lui fit écho, un serviteur venant de l'étable ou d'une réserve.

Le druide se tourna vers la porte de sa demeure s'ouvrant sur un jeune officier de la garde qui chercha un instant vers où se diriger. Le druide lui épargna sa peine en toussotant et en agitant la main.

— En haut, officier. Que puis-je pour vous ?

Le jeune cavalier grimpa l'escalier en quelques longues enjambées et se présenta souriant devant le druide, la main droite posée sur le cœur.

— Maître Itaïng ? Que les dieux vous soient à jamais propices.

— Et qu'ils vous soient bienveillants à vous aussi, répondit aussitôt le druide en posant sa main droite sur celle du cavalier.

— J'ai le plaisir de vous inviter à vous rendre à un conseil général de la cité libre de Maubourguet, maître. Le vénérable Halastin et le maître du conseil souhaitent tous deux vous y voir.

— Un conseil ? Aujourd'hui ?

— Il vient d'être décidé ce midi.

Le bourg d'Outre-berge était officiellement libre, mais depuis quelques années le développement de celui-ci et de la cité les faisaient se rapprocher inexorablement.

La muraille extérieure du bourg était maintenant en vue de celle de la ville et seul un très ancien canal de navigation séparait réellement physiquement les deux communautés. Itaïng savait bien que d'ici trois ans au plus Outre-berge ne serait plus qu'un quartier de la cité.

Il acquiesça d'un léger signe de tête.

— Merci de l'invitation. Laissez-moi me changer et je vous suivrai.

— Disposez-vous d'un attelage ?

— Non, je n'en ai pas l'utilité. Je vais prendre celui de l'auberge du marché.

Le jeune officier fit un geste vers les appartements du druide pour lui signifier de ne plus y penser.

— Je vais y passer et vous l'envoyer, maître. Je dois aussi aller déposer des messages à votre officier des milices.

Il salua une nouvelle fois Itaïng et dévala l'escalier pour poursuivre sa mission. Le druide se retourna vers sa fille qui n'avait pas cessé son travail.

— Ilatrane ? J'espère être rentré pour la première veille. M'attendras-tu ?

La jeune femme releva la tête un instant pour lui répondre.

— Oui, père. Je descendrai aux cuisines pour vérifier aussi les plats de demain. Ne t'en fais pas.

— Merci mon enfant.

Le druide poursuivit son ascension le long de l'escalier et, au palier suivant, arriva dans ses appartements, deux pièces creusées dans le tronc de l'arbre et une troisième reposant en partie sur une énorme branche, lui offrant une vue plongeante sur le nord du bourg ainsi que la campagne environnante, une vue reposante qu'il aimait parcourir du regard lorsqu'il devait composer un texte, réfléchir.

Il aurait bien aimé y passer quelques heures avec une bonne boisson chaude, mais cette invitation allait le priver de ce petit plaisir.

Itaïng se débarrassa de son aube blanche sur laquelle étaient brodées les runes traditionnelles des juges et la posa sur son lit. Il versa de l'eau de son aiguière de cristal dans son bassinet de cuivre pour une rapide toilette. Il ne regrettait jamais la folle dépense de ce vase qui gardait tout au long du jour l'eau délicieusement chaude. Pour se réchauffer des frimas de l'hiver, pour effacer les douleurs musculaires de certaines cérémonies, pour relaxer lors des chaudes journées d'été, l'aiguière lui apportait en permanence une réponse à son problème.

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant