CHAPITRE DOUZE .2

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Alors qu'elle ne pouvait empêcher des images de ce qui s'était passé ressurgir, elle sentit comme un poids sur sa poitrine et dû se forcer à respirer calmement pour retrouver un semblant de calme.

Un bruit d'eau se fit entendre des sanitaires, le jeune homme fit signe à Tranit de patienter et se glissa à l'intérieur.

Il en ressortit rapidement en ouvrant la porte au baron qui avait l'air encore plus soucieux que d'habitude. Tranit le salua et il lui répondit d'un signe de tête.

Il s'assit dans l'encoignure de l'escalier de service en grimaçant lorsque sa jambe raide le tirailla. Il fit signe à Tranit de se rapprocher.

— Est-ce que tu as à voir avec l'expulsion des deux couillons qui servent d'écuyers au fils Bornarou ?

Tranit eut besoin d'un instant pour comprendre la question avant de souffler profondément puis de secouer énergiquement la tête.

— Non, baron ! Je n'étais pas encore rentrée. Tanel m'en a parlé lorsque je l'ai remplacé hier soir.

— Je voulais en être sûr lui dit le baron en levant la main en un geste d'apaisement en voyant le visage écarlate de la jeune femme. Mais Bornarou père t'en tient pour responsable et l'a fait savoir !

— Qu'est-ce que c'est que cet imbroglio ?

— Bornarou fils, grâce à l'argent de son papa est devenu hier chevalier féal du jeune seigneur Saert, un exploit à trente doubles-soleils m'a-t-on dit. Ses deux comparses sont donc aussi écuyers de Lannemezan. Tout le monde ignore où est passé le troisième, mais j'ai déjà des rumeurs de revanche, de dettes ou de cocus jaloux. Pour moi, c'est un souci de moins dans l'immédiat !

— La guerre commence bien ! C'est la victoire assurée !

Tranit n'avait pu s'empêcher et le baron fronça les sourcils, amusé.

— Retiens tes paroles gamines ! la gourmanda-t-il sans pouvoir empêcher un bref sourire de traverser son visage sévère.

— C'est un peu plus compliqué que ça ! poursuivit-il. Pour faire bref, le fils Bornarou met notre milice entièrement à la disposition du Lannemezan, mais c'est le légat qui la dirigera. C'est un honneur pour la ville.

Mais il ne veut pas de toi ! Je crois qu'il a entendu dire que son exploit des manœuvres n'en était pas vraiment un, même si le légat ne l'a pas arrêté et cela l'a énormément vexé. Tu bafouerais son autorité depuis trop longtemps.

Tranit s'appuya contre le mur et regarda le baron, incrédule.

Le baron poursuivit.

— Donc pas de départ en guerre pour toi, puisqu'Outre-berge va être officiellement intégré à la puissante cité libre de Maubourguet demain ou après-demain au plus tard. Notre vénérable fait préparer les rites nécessaires.

— Je fais donc quoi ? Je ne pensais pas m'y joindre, mais c'était toujours une possibilité, un droit que je possède. Je suis militaire seigneur baron ! J'ai passé mes brevets d'officier. Vous étiez un de mes examinateurs pour mon grade de capitaine.

— Pour ceux d'enseigne et de lieutenante aussi, je m'en souviens fort bien, compléta le vieux soldat. Il lui fit signe de ne pas s'en faire et poursuivit.

— C'est moi qui vais diriger la milice, une fois les troupes parties. C'est moi qui vais devoir organiser les réservistes. Rien ne m'empêchera de te reprendre comme commandant, il en faudra un pour Outre-berge. La solde sera un peu plus faible, mais tu retrouveras tes fonctions d'ici un mois.

— Merci baron.

Le vieil officier leva la main comme pour l'empêcher de le remercier trop vite.

— Tu es un bon soldat Tranit et les gens t'aiment bien, tu n'auras pas à gâcher ton talent dans cette entreprise inconsidérée. Plus tard, je serai heureux de t'écrire une recommandation pour que tu puisses chercher fortune ailleurs. Tu n'as que vingt ans.

— Je viens d'en avoir vingt et un, baron, mais c'est fort honorable de votre part.

Le vieil homme se releva.

— Bien, alors écoute-moi bien ! Va au conseil comme si de rien n'était ! Il te sera reproché cette histoire d'écuyers et ils vont faire tout un foin de ça. Ils vont te chasser. Ils n'iront pas jusqu'à te casser, je pense. C'est pas assez sérieux pour ça. En vérité, je n'en sais rien, mais surtout reste calme. Je t'en supplie. Joue la surprise, mais sans plus ! Avoue-toi vaincue dès que cela sera raisonnable. Ça va te faire mal au cœur, mais serre les poings, s'il te plaît. Ne leur donne pas le plaisir de t'humilier.

Tranit opina d'un signe de tête, toujours incrédule. Au moins, ce n'était pas une accusation de meurtre. Le baron lui serra l'épaule de sa main musclée, puis s'en alla avec son fils.

Tranit resta un instant dans l'encoignure de l'escalier, malgré tout un peu sonnée, puis grimpa celui-ci d'un pas lourd. La fatigue de la veille puis de cette journée se faisait bien sentir maintenant.

Heureusement, ce chemin détourné était discret et à présent désert. Elle pourrait arriver à la salle du conseil en passant par des bureaux des clercs sans rencontrer personne.

Elle ne savait quoi penser, c'était si inattendu tellement c'était stupide. D'ailleurs, comment le fils Bornarou pouvait-il l'avoir réalisé ? Parce qu'il était vraiment obtus, borné et orgueilleux. Trop pour tout comprendre par lui-même.

Quelle bonne âme lui en avait donc parlé ? Un autre acheteur malheureux pour son erkis ? La jeune femme se dit qu'elle ne devait pas trop y penser maintenant, ce n'était vraiment pas le moment de se perdre en conjectures.

Tranit aperçut le clerc principal du Capitole qui vérifiait des tablettes et des rouleaux de parchemin en attendant lui aussi d'être appelé par le conseil.

Tranit en profita pour faire vérifier ses plaquettes de cire contenant les comptes de ses troupes et ne put que lui faire confirmer ce que le baron venait de lui expliquer quant à sa situation. Il détailla aussi la dispute que son père avait eue, une semaine plus tôt et sa démission immédiate.

Il relatait tout cela de son air toujours sérieux, pourtant son débit acerbe était cette fois-ci plus piquant, comme si même lui n'en revenait pas. Mais depuis le temps qu'il travaillait pour le Capitole, plus rien ne l'étonnait.

Tranit aperçut le légat parler avec des seigneurs d'autres régions, mais dès que Tanel le rejoignit et le prévint de la présence de Tranit, il sut rapidement vers où poser ses yeux pour la trouver. Il échangea un regard avec elle et Tranit fit signe que tout allait bien, pour le rassurer. Au moins, elle était prévenue. La surprise aurait pu lui faire prononcer des paroles qu'elle aurait par la suite regrettées.

Les participants au conseil militaire furent finalement appelés et Tranit entra à la suite du légat et du baron. Si les deux premiers allaient s'asseoir à leur place habituelle, Tranit resta sur le côté pour venir présenter les résultats des manœuvres et recevoir des instructions.

Le prince Saert avait été installé sur une estrade derrière les militaires, comme pour surveiller l'ensemble des débats. Pour le moment, il était affalé sur son siège moelleux et papotait avec d'autres seigneurs. Ce n'était plus un conseil, mais un spectacle offert au jeune noble.

Le prince montagnard était là aussi, avec quelques-uns de ses vassaux, tous aussi richement vêtus les uns que les autres. Il échangeait quelques paroles avec deux fauconniers, magnifiques dans leurs uniformes.

Tranit se sentit crasseuse dans sa tenue de travail qu'elle n'avait même pas eu le temps de brosser. Pourtant, elle fit bonne figure face aux membres de l'assemblée.

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Vixii

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant