CHAPITRE DIX-NEUF .2

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Adacie grimaça.

— Nous avons bien fait de venir si tôt. J'aurais aimé avoir un peu plus de temps pour m'assurer que toutes les affaires vous vont bien, mais il serait préférable que nous allions ailleurs.

— Tu veux retourner à Outre-berge ?

— Non, commandant. Connaîtriez-vous un endroit tranquille où je vous monterai comment vous habiller, puis vous parlerais de nos armes ?

— Un endroit tranquille, discret ?

— Oui commandant, ça serait parfait.

Tranit reprit ses sacs, bien lourds.

— J'ai l'endroit qu'il nous faut et ce n'est pas si loin.

Adacie fit signer le papier et récupéra leurs deux quartz auprès du responsable et les deux jeunes femmes redescendirent à terre le plus vite possible. Les affaires furent réparties sur les deux montures et Tranit les conduisit le long de la berge, vers le sud, vers Maubourguet.

— Un peu plus loin, là où le canal de navigation aurait dû arriver, il y a un bac pour traverser l'Adour, hors de vue du port de Maubourguet. Sur l'autre rive, un chemin conduit à des villages dépendants d'une seigneurie libre et l'autre conduit à une ancienne mine, une tentative de mine en fait, maintenant noyée dans un roncier. Presque personne ne s'en souvient ni ne s'y rend.

— Ce n'est pas trop loin ?

— En fait non, si le bac ne se fait pas trop attendre. Pressons-nous.

— Laissez-moi prévenir que nous allons sur l'autre rive. J'en ai pour quelques instants.

Adacie délesta sa monture des affaires de Tranit puis, sous le regard admiratif de la jeune femme, fit grimper son dorkis dans le fourré le plus proche et monta à plus de vingt toises du sol en quelques bonds souples.

D'en bas, Tranit vit Adacie manipuler son étrange appareil, son TOP comme elle disait et en profita pour se confectionner une pipe d'un chanvre léger pour faire passer le temps. Adacie la rejoignit avant qu'elle ait avalé sa sixième bouffée.

— C'est fait, commandant. Tout est en ordre.

Elle fit signe à Tranit de garder sa pipe et la jeune femme la partagea avec elle.

Elles se remirent en route puis accélérèrent l'allure et avant la quatrième heure du jour, la mi-journée, arrivèrent au bac en train d'embarquer quelques paysans sur le retour. Les deux jeunes femmes payèrent leur passage, mais s'aperçurent des regards un peu froids qui se posaient sur elles.

Les gens n'étaient plus vraiment contents d'avoir autant de troupes autour de leur ville, les taxes ayant subitement augmenté, le prix des provisions de bouche aussi.

Le fleuve ne semblait pas trop large, moins d'une travée de deux cents toises, mais Tranit expliqua à Adacie que c'était le bras principal, ce qu'elle prenait pour la rive opposée étant une île sur laquelle un chevalier avait établi une maison forte.

L'autre bras, moitié moins large servait de nasse naturelle pour les poissons. Cela se ressentit lorsque le bac, après avoir déposé quelques personnes à un ponton surveillé par un garde débonnaire, s'engagea devant le second bras au courant bien plus violent.

Le bac, un demi-tronc, évidé encaissa le choc et grâce à son imposante masse, put affronter l'eau qui tentait de le pousser. Mais les lourds câbles de chanvre auxquels l'embarcation était reliée tenaient bon et la traversée s'acheva sans rien d'autre que quelques embruns glacés aspergeant tout le monde.

Dernières montées à bord, Tranit et Adacie laissèrent descendre les paysans s'en retournant chez eux. Tous semblaient se diriger vers une petite excroissance où survivait un bosquet de trois ou quatre arbres peu vigoureux.

Le débarcadère était surveillé par un poste semi-fortifié à flanc de rive. Quelques gardes y séjournaient en journée et un peu plus haut, une potence pour le moment occupée par un corps récent, montrait que la justice seigneuriale était expéditive.

Tranit ne put s'empêcher de s'approcher pour observer le corps. Un écuyer connaissant la jeune femme de vue se pencha au-dessus de parapet.

— Juste un maraudeur venu fouiner, dame Tranit.

— Un peu excessif, non ?

— Ordres du seigneur. Ça pourrait être un espion.

Tranit fronça les sourcils et sa grimace n'échappa pas au jeune officier.

— Et vous, ma dame ? J'ai entendu dire que vous n'étiez plus à la milice ?

Tranit n'était pas étonnée que ce genre de nouvelle voyage très vite dans toutes les directions. Elle fit signe que ce n'était vraiment rien.

— Tu as bien entendu. Mais j'ai pris un poste chez les Montagnards. On va voir s'il y a des terrains de disponibles au nord.

L'écuyer lui fit signe d'y aller. Plus bas, au nord, ce n'était pas sous sa responsabilité.

Tranit lui rendit son salut et emprunta au petit galop pendant quelques instants un chemin suivant la berge du fleuve avant de prendre la direction d'une colline dénudée dont le roncier n'avait pas encore reverdi.

Aucune troupe n'était venue s'installer ici, l'endroit était vraiment trop éloigné de la ville et ces berges pouvant être submergées lors de crues printanières n'étaient pas propices à l'établissement de fermes permanentes.

— Ce n'est plus très loin en fait, signala Tranit à Adacie qui se demandait où sa commandante voulait l'entraîner. Il faut simplement connaître l'entrée de la piste.

— C'est vraiment tranquille ?

— Oui, lui confirma la jeune femme. Ça l'est toujours.

Tranit connaissait bien les lieux, son père l'ayant souvent amenée à la maison forte locale dont il connaissait bien le propriétaire. Tranit avait joué ici avec ses enfants, courants sous les ronces, s'imaginant chevaliers pourfendant toutes sortes de monstres.

Effectivement, toujours au petit galop et en moins de temps qu'il ne fallait pour préparer une bouillie, Tranit entra dans le roncier sans hésitation et suivit une piste qui aurait eu bien besoin d'être débroussaillée un peu plus souvent.

Mais après un court trajet, elles débouchèrent dans une carrière abandonnée à flanc de colline. Adacie leva les yeux au ciel, celui-ci se couvrait vers le nord-ouest, des pluies seraient probablement là d'ici le soir, mais elles avaient assez de temps. Adacie avait compris que son commandant apprenait très vite.

Elle approuva d'un signe de tête le choix de l'endroit, calme, isolé, protégé et mit pied à terre pour faire reposer sa monture. Elle lui conserva son harnachement, mais déposa ses sacoches.

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Vixii

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant