CHAPITRE VINGT-ET-UN .1

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17 germinal, en début de soirée

Tranit attendit qu'elles aient quitté la ville et se retrouvent enfin seules pour faire signe à Adacie de se rapprocher d'elle, alors que depuis la maison du légat elle la suivait, indolente.

— Qu'as-tu ? Un problème avec cet officier ?

Adacie dénia d'un petit signe de tête.

— Non, commandant, une petite tristesse passagère, soupira-t-elle. Nous devons tous parfois faire certaines choses qui nous déplaisent. Ce jeune lieutenant, ce n'était rien.

Adacie regarda Tranit droit dans les yeux, sans rien dire, avant de les plisser puis d'ajouter :

— Vous avez appris pour les navires ?

Sa voix était passée de la tristesse à l'excitation. Ses yeux brillaient. Tranit s'en amusa et ne put s'empêcher de lui attraper le bout du nez comme sa sœur aimait le faire avec elle lorsqu'elles se chamaillaient !

— Adacie ! Adacie ! Quelle coquine tu fais !

La jeune lieutenante s'en amusa et son sourire redevint comme d'habitude. Tranit poursuivit.

— Oui, ce sont deux corvettes appartenant à deux fils de Carcassonne. Mais des corvettes flottantes, comme nos chariots. Je n'en avais jamais vu. Je n'ai rien vu en fait, elles étaient sur l'eau. Mais elles peuvent embarquer des fauconniers. Tu as vu celui qui s'est posé ?

Adacie confirma.

— Oui, comme vous, commandant. Chaque corvette embarque jusqu'à trois cents hommes d'équipage en plus de deux ou trois faucons et d'une trentaine de chevaliers familiers des princes. Mirepoix va rester ici jusqu'au départ de l'expédition du jeune seigneur. Son frère, le duc d'Albi, devrait rentrer après les fêtes qui vont être données.

— Tu m'impressionnes, Adacie. L'enseigne savait tout ça ?

— Oui commandant. Le but, c'est de le faire parler sans en avoir l'air. Avec des garçons comme lui, c'est facile.

— Oui, je les trouve un peu trop benêts parfois.

— Un peu trop souvent, mon commandant, s'esclaffa Adacie.

Elles empruntèrent une longue route suivant le pourtour de la ville. Des traces de campements étaient encore visibles à certains endroits. Un grand nombre d'hommes semblaient avoir levé le camp peu de temps auparavant. Quelques feux subsistaient, près des remparts.

Les deux jeunes femmes aperçurent plus vers l'ouest une file de cavaliers se dirigeant vers un roncier. Il y avait quelque chose d'inhabituel avec ces hommes, mais ils étaient trop loin pour...

Adacie s'était instinctivement portée devant le monture de Tranit et regardait fixement, la main posée sur son pistolet long. Tranit se porta à ses côtés.

— Des ennuis ?

— Je n'aime pas trop ça, commandant. Je ne pensais pas que des ratiers tenteraient de se joindre à l'armée.

C'était donc ça ! Tranit reconnut finalement la longue silhouette des rongeurs que des hommes utilisaient comme montures.

Cela arrivait rarement à Maubourguet, mais quelques souvenirs lui revinrent.

— Qui n'a jamais tenté d'attraper un mulot pour monter dessus. C'était assez drôle, non ?

— Je n'en sais rien, lui avoua Adacie. Je n'ai pas de tels souvenirs. Les mulots, c'était de la viande pour l'hiver, c'est tout.

Tranit se reprocha d'avoir parlé un eu trop vite. Elle aurait dû se douter que si son adjointe semblait soucieuse, c'est que cela ne lui rappelait pas de trop bons souvenirs. N'avait-elle jamais été heureuse avant d'entrer au service de son seigneur-prophète ?

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant